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Harue Suzuki
Le
3 March 2017,
Harue Suzuki est née
au Japon, et vit à Paris depuis 18 ans. Journaliste et photographe, elle est
experte de l’art de vivre à la française. Elle travaille pour divers magazines
et websites japonais ; l’un de ses derniers articles, récompensé par un
prix, était consacré à « Lettres à Anne » sorti en octobre 2016 , répertoriant les lettres d’amour adressées par François Mitterrand à
Anne Pingeot : un symbole culturel à part entière selon Harue, qui y voit
la marque d’un romantisme typiquement français. Elle nous a raconté – dans un
français parfait - sa vision de la
culture française, ses lieux préférés, mais aussi comment elle s’est initiée à
la photographie grâce aux paysages urbains de Paris.
Mes Sorties Culture : Avant de venir vivre en France, quelle était votre activité au Japon?
Harue Suzuki : J’étais rédactrice pour un magazine de kimonos au Japon. Les kimonos sont un emblème de la culture japonaise : les évoquer, c’est aussi évoquer une ribambelle de traditions, associées à la cérémonie du thé, par exemple. J’ai eu l’occasion, grâce à ce métier, de visiter des ateliers de créateurs et de créatrices de kimonos, à travers tout le pays. C’est un artisanat très vivace.
Et puis, vous avez eu envie de découvrir d’autres cultures ?
Oui, j’étais déjà sensible à la culture occidentale, mais à 29 ans – donc relativement tard - j’ai eu l’occasion de venir à Paris, en tant que simple touriste, et donc de découvrir la culture occidentale « en vrai » ! Je me suis sentie immédiatement très bien à Paris. Trois ans plus tard, je m’y installais, et je ne suis jamais repartie !
Quel quartier avez-vous découvert en premier ?
Saint-Germain-des-Prés, où je vis aujourd’hui, d’ailleurs. C’était le mois d’août, la ville était très calme. Ce qui m’a frappé, c’est cette architecture, très réfléchie, ce paysage urbain directement hérité du 19è siècle. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de me mettre à la photo.
Aviez-vous déjà un goût pour l’image ?
Oui, dans le cadre de mon travail au Japon, je côtoyais de grand photographes. J’étais un peu frustrée de ne pas savoir faire de photo moi-même. Paris m’a invitée à devenir photographe ! J’avais envie de tout capturer, tant la beauté de la ville me fascinait. J’ai donc entrepris de faire de la photo tous les jours. J’ai pris la Tour Eiffel chaque jour pendant 100 jours, pendant le décompte de l’an 2000. Le lien entre la ville et moi, c’était la photo.
C’était encore l’époque de l’appareil argentique ?
Oui, je me suis pliée à une discipline de fer, dans une forme d’apprentissage volontaire. Et la photo argentique m’a permis de photographier Paris comme les grand maîtres, selon les mêmes techniques !
Avez-vous reçu une formation théorique ?
Oui, grâce à l’école du Louvre, où j’étais auditrice. Au début, je ne comprenais pas grand-chose, même si j’apprenais le français en parallèle (obligatoire pour obtenir un visa étudiant). Je suivais des cours d’histoire de la photo : au fil du temps j’ai repéré des notions et des mots-clés. Et puis il y avait des supports visuels, qui sont un langage universel. J’ai ainsi observé le travail des grands maîtres de la photo. Notre professeur aimait aussi diffuser la musique en rapport avec l’époque où les photos avaient été prises : là encore, le support sonore m’a beaucoup aidée à m’immerger dans cette culture.
C’est une façon d’enseigner qui vous « parle » ?
Oui, j’ai apprécié l’intelligence pédagogique et artistique des professeurs. C’est quelque chose qui me frappe aussi quand je vois des médiateurs culturels ou des guides-conférenciers avec des groupes d’enfants dans les musées : on sent que le rapport à l’art n’ est pas figé, mais au contraire très libre, c’est un rapport vivant, fait d’échanges plus que d’explications formelles. Pour moi, c’est vraiment une définition de la liberté : pouvoir regarder l’œuvre d’un grand maître assis en tailleur par terre, comme le font certains enfants, avec le visage posé dans la paume …
Avez-vous exposé vos travaux ?
Je les ai mis en ligne, sur un site Internet ; c’était le tout début d’Internet, d’ailleurs. J’ai renouvelé les images chaque jour, pendant 10 ans (jusqu’en 2010). Le début des années 2000, c’est aussi le moment où l’appareil photo numérique est arrivé : j’en ai ramené un du Japon, et tout le monde m’arrêtait dans la rue, avec de grands yeux étonnés : « Qu’est-ce que c’est ? ». J’étais très fière d’expliquer que cette innovation vienne du Japon! J’ai fait aussi une exposition personnelle pendant cette période, dans un restaurant parisien, et d’autres en province. Aujourd’hui, j’ai un peu mis cette activité de côté, je me consacre davantage au journalisme.
Quels étaient vos sujets de prédilection en photo ?
Comme je vivais près de la Seine à l’époque, le fleuve faisait partie de mes sujets préférés. Et puis j’ai commencé à photographier les ponts. Le long de la Seine, qui fait 700 km, il n’y en a pas moins de 300 !
C’est alors que tu vous avez fait une rencontre déterminante pour votre connaissance de la culture française, je crois….
Oui, j’ai voulu remonter jusqu’aux sources de la Seine, en Bourgogne (au village de Source-Seine, NDLR). J’ai alors rencontré un coupe de personnes d’un certain âge, qui vivaient là. Pour moi, ça a été l’occasion de découvrir la France profonde, ses traditions, et de photographier la vie de cette famille. J’ai aussi tiré le portrait des habitants du village, ce qui a donné lieu à une exposition d’ailleurs, à l’occasion de la fête de la Seine. La 1ère fois j’ai exposé 33 photos de ponts, la 2è les portraits des villageois.
Quels sont les aspects de la culture française qui vous plaisent le plus ?
Au contact de cette famille, j’ai découvert tous les rituels autour de la préparation du repas, et de la table. Je trouve par exemple que les ustensiles de cuisine tous simples, de tous les jours, sont très beaux. Il y a là un parallèle avec la culture japonaise, une quête de l’authenticité et de l’harmonie, dans la vie de famille.
Trouvez-vous que la culture japonaise et la culture française se ressemblent, vraiment ?
Oui elles sont à la fois opposées et similaires. Toutes les deux sont dotées d’une histoire très riche, dont les habitants se revendiquent avec fierté. C’est d’ailleurs ce qui attire les touristes. Au Japon aussi, le tourisme se banalise, et les Français sont de plus en plus nombreux à visiter le Japon.
Est-ce que les mangas ont joué un rôle dans cette popularité ?
Certainement, la beauté des paysages et de la culture a été popularisée par la culture populaire et notamment les mangas.
Quels sont vos lieux préférés à Paris ?
Le jardin du Luxembourg est « mon » jardin. J’aime y flâner à toutes les saisons. Pour moi c’est un Paris en miniature, avec un mélange unique de nature, d’architecture, et aussi un excellent moyen d’observer comment les parisiens s’habillent ou d’écouter des bribes de leurs discussions. Il y a aussi une lumière particulière, que j’aime beaucoup.
Des passages obligés pour les touristes japonais ?
Oui, forcément le Louvre, mais plutôt avec un guide, parce que les éclairages sont souvent nécessaires pour comprendre les œuvres et leur histoire. Par contre, on peut aller au musée d’Orsay ou à l’Orangerie pour admirer les nymphéas de Monet même sans explications : c’est la nature, ça se passe de commentaires. C’est sans doute pour cela que les nymphéas ont tant de succès auprès des touristes étrangers (en particulier les américains et les japonais). Ils ont un côté universel. J’aime aussi la sensualité du musée Rodin.
Merci Harue d'avoir partagé avec nous votre amour de Paris!
La page Facebook d’Harue Suzuki se trouve ici. Elle y poste régulièrement ses clichés parisiens, images sensibles qui témoignent de son regard empreint de douceur et de poésie.
Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Mes Sorties Culture : Avant de venir vivre en France, quelle était votre activité au Japon?
Harue Suzuki : J’étais rédactrice pour un magazine de kimonos au Japon. Les kimonos sont un emblème de la culture japonaise : les évoquer, c’est aussi évoquer une ribambelle de traditions, associées à la cérémonie du thé, par exemple. J’ai eu l’occasion, grâce à ce métier, de visiter des ateliers de créateurs et de créatrices de kimonos, à travers tout le pays. C’est un artisanat très vivace.
Et puis, vous avez eu envie de découvrir d’autres cultures ?
Oui, j’étais déjà sensible à la culture occidentale, mais à 29 ans – donc relativement tard - j’ai eu l’occasion de venir à Paris, en tant que simple touriste, et donc de découvrir la culture occidentale « en vrai » ! Je me suis sentie immédiatement très bien à Paris. Trois ans plus tard, je m’y installais, et je ne suis jamais repartie !
Quel quartier avez-vous découvert en premier ?
Saint-Germain-des-Prés, où je vis aujourd’hui, d’ailleurs. C’était le mois d’août, la ville était très calme. Ce qui m’a frappé, c’est cette architecture, très réfléchie, ce paysage urbain directement hérité du 19è siècle. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de me mettre à la photo.
Aviez-vous déjà un goût pour l’image ?
Oui, dans le cadre de mon travail au Japon, je côtoyais de grand photographes. J’étais un peu frustrée de ne pas savoir faire de photo moi-même. Paris m’a invitée à devenir photographe ! J’avais envie de tout capturer, tant la beauté de la ville me fascinait. J’ai donc entrepris de faire de la photo tous les jours. J’ai pris la Tour Eiffel chaque jour pendant 100 jours, pendant le décompte de l’an 2000. Le lien entre la ville et moi, c’était la photo.
C’était encore l’époque de l’appareil argentique ?
Oui, je me suis pliée à une discipline de fer, dans une forme d’apprentissage volontaire. Et la photo argentique m’a permis de photographier Paris comme les grand maîtres, selon les mêmes techniques !
Avez-vous reçu une formation théorique ?
Oui, grâce à l’école du Louvre, où j’étais auditrice. Au début, je ne comprenais pas grand-chose, même si j’apprenais le français en parallèle (obligatoire pour obtenir un visa étudiant). Je suivais des cours d’histoire de la photo : au fil du temps j’ai repéré des notions et des mots-clés. Et puis il y avait des supports visuels, qui sont un langage universel. J’ai ainsi observé le travail des grands maîtres de la photo. Notre professeur aimait aussi diffuser la musique en rapport avec l’époque où les photos avaient été prises : là encore, le support sonore m’a beaucoup aidée à m’immerger dans cette culture.
C’est une façon d’enseigner qui vous « parle » ?
Oui, j’ai apprécié l’intelligence pédagogique et artistique des professeurs. C’est quelque chose qui me frappe aussi quand je vois des médiateurs culturels ou des guides-conférenciers avec des groupes d’enfants dans les musées : on sent que le rapport à l’art n’ est pas figé, mais au contraire très libre, c’est un rapport vivant, fait d’échanges plus que d’explications formelles. Pour moi, c’est vraiment une définition de la liberté : pouvoir regarder l’œuvre d’un grand maître assis en tailleur par terre, comme le font certains enfants, avec le visage posé dans la paume …
Avez-vous exposé vos travaux ?
Je les ai mis en ligne, sur un site Internet ; c’était le tout début d’Internet, d’ailleurs. J’ai renouvelé les images chaque jour, pendant 10 ans (jusqu’en 2010). Le début des années 2000, c’est aussi le moment où l’appareil photo numérique est arrivé : j’en ai ramené un du Japon, et tout le monde m’arrêtait dans la rue, avec de grands yeux étonnés : « Qu’est-ce que c’est ? ». J’étais très fière d’expliquer que cette innovation vienne du Japon! J’ai fait aussi une exposition personnelle pendant cette période, dans un restaurant parisien, et d’autres en province. Aujourd’hui, j’ai un peu mis cette activité de côté, je me consacre davantage au journalisme.
Quels étaient vos sujets de prédilection en photo ?
Comme je vivais près de la Seine à l’époque, le fleuve faisait partie de mes sujets préférés. Et puis j’ai commencé à photographier les ponts. Le long de la Seine, qui fait 700 km, il n’y en a pas moins de 300 !
C’est alors que tu vous avez fait une rencontre déterminante pour votre connaissance de la culture française, je crois….
Oui, j’ai voulu remonter jusqu’aux sources de la Seine, en Bourgogne (au village de Source-Seine, NDLR). J’ai alors rencontré un coupe de personnes d’un certain âge, qui vivaient là. Pour moi, ça a été l’occasion de découvrir la France profonde, ses traditions, et de photographier la vie de cette famille. J’ai aussi tiré le portrait des habitants du village, ce qui a donné lieu à une exposition d’ailleurs, à l’occasion de la fête de la Seine. La 1ère fois j’ai exposé 33 photos de ponts, la 2è les portraits des villageois.
Quels sont les aspects de la culture française qui vous plaisent le plus ?
Au contact de cette famille, j’ai découvert tous les rituels autour de la préparation du repas, et de la table. Je trouve par exemple que les ustensiles de cuisine tous simples, de tous les jours, sont très beaux. Il y a là un parallèle avec la culture japonaise, une quête de l’authenticité et de l’harmonie, dans la vie de famille.
Trouvez-vous que la culture japonaise et la culture française se ressemblent, vraiment ?
Oui elles sont à la fois opposées et similaires. Toutes les deux sont dotées d’une histoire très riche, dont les habitants se revendiquent avec fierté. C’est d’ailleurs ce qui attire les touristes. Au Japon aussi, le tourisme se banalise, et les Français sont de plus en plus nombreux à visiter le Japon.
Est-ce que les mangas ont joué un rôle dans cette popularité ?
Certainement, la beauté des paysages et de la culture a été popularisée par la culture populaire et notamment les mangas.
Quels sont vos lieux préférés à Paris ?
Le jardin du Luxembourg est « mon » jardin. J’aime y flâner à toutes les saisons. Pour moi c’est un Paris en miniature, avec un mélange unique de nature, d’architecture, et aussi un excellent moyen d’observer comment les parisiens s’habillent ou d’écouter des bribes de leurs discussions. Il y a aussi une lumière particulière, que j’aime beaucoup.
Des passages obligés pour les touristes japonais ?
Oui, forcément le Louvre, mais plutôt avec un guide, parce que les éclairages sont souvent nécessaires pour comprendre les œuvres et leur histoire. Par contre, on peut aller au musée d’Orsay ou à l’Orangerie pour admirer les nymphéas de Monet même sans explications : c’est la nature, ça se passe de commentaires. C’est sans doute pour cela que les nymphéas ont tant de succès auprès des touristes étrangers (en particulier les américains et les japonais). Ils ont un côté universel. J’aime aussi la sensualité du musée Rodin.
Merci Harue d'avoir partagé avec nous votre amour de Paris!
La page Facebook d’Harue Suzuki se trouve ici. Elle y poste régulièrement ses clichés parisiens, images sensibles qui témoignent de son regard empreint de douceur et de poésie.
Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com