Cyclone de 1928, ou comment le béton fut introduit en Guadeloupe
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Le 12 septembre 1928, un cyclone, nommé Okeechobee, touche la Guadeloupe... et la dévaste, notamment la ville de Pointe-à-Pitre. C'est à sa suite que le béton est introduit en Guadeloupe.

L’ouragan Okeechobee 

L’ouragan Okeechobee est de type capverdien, c'est à dire que c'est un cyclone tropical de l'Atlantique nord dont on peut retracer l'origine à proximité des îles du Cap-Vert. Ils sont généralement assez intenses car ils passent une longue période au-dessus d'eau très chaude, dont ils puisent l'énergie, sans rencontrer de terres pour les dissiper par friction. Actif du 6 au 20 septembre 1928, il est le second à être officiellement mis dans la catégorie 5 (catégorie maximale). Il est particulièrement meurtrier en Guadeloupe et Porto Rico mais également en Floride où il cause des inondations. 

A Pointe-à-Pitre, il engendre une surélévation du niveau de la mer comprise en 3 et 4 m. Cet ouragan d’une violence mémorable a laissé des traces dans les esprits de nos grands-parents et arrières grands-parents. Il dévaste Pointe-a-Pitre, entre autres. Un record pour cet ouragan de catégorie 5 avec des vents soutenus dépassant les 230 km/h et qui dure 24 heures, faisant, en Guadeloupe, entre 1200 et 1500 morts. Les dommages causés, dont voici un exemple, et un autre exemple, sont estimés à 100 millions de dollars US de 1928 (soit environ 1,28 milliard d’euros de 2018).

La reconstruction est confiée à Ali Tur

Architecte français né à Tunis en 1889, Ali Tur, travaillant pour le ministère des colonies, possède un style original, à travers une formation marquée par l'École des Beaux-Arts et par de nombreuses références aux réalisations d'Auguste Perret (architecte français, l'un des premiers techniciens spécialistes du béton armé - il reconstruira Le Havre après la Seconde Guerre Mondiale). Il intègre ici les acquis des expériences sur l'architecture climatique, diffusées lors de l'Exposition coloniale de 1931. Le béton est préféré aux matériaux traditionnels pour ses qualités de résistance, avec des structures poteaux-poutres. 

En avril 1929 un contrat est signé entre lui et le gouverneur Tellier, prévoyant la construction ou la reconstruction de divers bâtiments publics (palais de justice, palais du gouverneur, etc.) sur une durée de 4 ans pour un montant total estimé à 40 millions de francs. À ces commandes pour le compte de l’État français et la Colonie de Guadeloupe, s'ajoutent des contrats passés avec les municipalités pour la construction d'hôtels de ville, d'églises ou d’écoles.

Entre 1929 et 1937, il conçoit ainsi une centaine de bâtiments civils ou religieux, notamment la préfecture de Basse-Terre, le palais de justice historique de Pointe-à-Pitre ou encore la mairie du Lamentin. 

Cinq édifices sont protégés en 1991 à l'occasion d'une campagne thématique sur l'oeuvre de cet architecte en Guadeloupe :
• Hôtel de préfecture de la Guadeloupe, à Basse-Terre
• Palais du conseil général de Guadeloupe, à Basse-Terre
• Palais de justice de Basse-Terre
• Église Saint-André de Morne-à-l'Eau
• Hôtel de ville de Pointe-Noire

Charles Boisel est un photographe professionnel et éditeur de cartes postales installé à Pointe-à-Pitre. Il laisse de nombreuses photographies des petits commerçants de l'île, des vues aériennes et des reportages, entre autres lors du cyclone du 17 novembre 1928.


Pour en prendre plein les yeux :

Ce cyclone a profondément marqué l’histoire et l’architecture de la Guadeloupe. Des visites guidées existent autour des bâtiments créés par Ali Tur. Se renseigner à l’office du tourisme à Pointe-à-Pitre. 

Une exposition, jusqu’au 8 Septembre 2025, réalisée par le Musée municipal Saint-John Perse de Pointe-à-Pitre, réunit des photographies, des dessins originaux et des pièces patrimoniales locales, retraçant le parcours et l’œuvre d’Ali Tur. Elle se tient au Pavillon de la ville de Pointe-à-Pitre (angle des rues Bébian et Alexandre Isaac). 

N’hésitez pas à aller vous promener en Guadeloupe, île de soleil et d’histoire...


Et pour aller plus loin :

Le livre "Ali Tur. Un architecte moderne en Guadeloupe", de Sophie Paviol, est l’histoire de la reconstruction d’une partie des bâtiments publics et privés par Ali Tur (1889 - 1977), architecte au service du Ministère des colonies. Son oeuvre, aujourd'hui en grande partie protégée, associe de manière exemplaire contraintes économiques et logistiques, modernité, identité locale, conditions typographiques et climatiques.

Le livre de Dominique Amouroux, "Ali Tur, reconstruire la Guadeloupe", présente le travail de l’architecte ayant œuvré pour édifier 107 bâtiments publics, après le cyclone dévastateur de 1928 en Guadeloupe.

Un superbe livre à s'offrir, très illustré, sur l’oeuvre de Ali Tur : "Guadeloupe annee 30 – Ali Tur (1889-1977), l'architecte d'une reconstruction


Publié la première fois le 7 septembre 2017


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