Louis Cezanne, Smala and Co
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Le père du fils...

Descendant d’une lignée d’ouvriers travaillant dans la mode, Louis-Auguste Cezanne (1798-1886) est d'abord modeste employé dans une fabrique de laine à Aix-en-Provence, puis apprend ensuite le métier de chapelier. Ambitieux, il s’en va à Paris, tel un Rastignac provençal, comme apprenti puis ouvrier dans une chapellerie, et enfin, devient commis chez un fabricant de chapeaux.

Revenu à Aix-en-Provence en 1825, Louis-Auguste travaille d’abord dans l’atelier du chapelier François Carbonnel, puis, avec deux associés, reprend la "Chapellerie du Cours", au n°55 Cours Mirabeau. L'enseigne "Chapellerie Cezanne du cours Mirabeau, Gros et Détail" existe encore, à moitié effacée...

En 1838, Louis-Auguste rencontre Anne Aubert (1814-1897), ouvrière dans ses ateliers de la Chapellerie du Cours. Ils ont deux enfants ensemble, hors mariage : Paul, né en 1839 et Marie, née en 1841. Ils ne se marient qu’en 1844. Une seconde fille, Rose, leur naît en 1854.

Il veut devenir riche et vite. Aussi a-t-il l’idée de placer son argent chez ses clients de la chapellerie, ce qui lui donne un avant-goût des métiers de la banque. En 1848, jouant son destin, il fait un pari plus qu'audacieux : la Banque Bargès, la seule existant alors à Aix-en-Provence, fait faillite et la route est ouverte à une nouvelle aventure pour celui qui l’ose ! Il la rachète à peu de frais, et, le 1er juin 1848, ouvre avec un associé, Joseph-Richard-Maximin Cabassol, ancien caissier de banque, la "Banque Cezanne et Cabassol", au capital de 100 000 francs. Habiles et impitoyables, les deux compères font rapidement fortune.

Au sein de Aix-en-Provence, être l’unique banquier de la ville lui procure une situation nettement plus avantageuse que celle de simple chapelier. Il devient non seulement un des plus riches bourgeois, mais aussi parmi les plus respectés. Il se présente même aux élections municipales de 1848, mais sans être élu. Quand il achète la Bastide du Jas de Bouffan en 1859 à une famille endettée, c'est d'abord pour grimper dans la hiérarchie de la bourgeoisie aixoise. Mais cette maison devient vite un lieu de création... pour son fils. 

Louis-Auguste meurt lorsque son fils est pleinement dans sa maturité artistique, laissant, à sa mort, une fortune considérable pour l’époque (un million deux cent mille francs or). 

… et voici le fils du père.

De 1844 à 1858, Paul est scolarisé et obtient son baccalauréat. Dès son entrée dans la Bastide du Jas de Bouffan, déjà élève à l'école municipale de dessin (de 1857 à 1862), il est charmé par les lieux. De plus, son père lui laisse le "grand salon", une vaste pièce au rez-de-chaussée, nantie de nombreuses fenêtres et de grands murs disponibles sur lesquels il peut s'exercer et s'affirmer. Au second étage, en 1881, son père profite de la réfection de la toiture pour faire dresser une immense verrière et lui installer un atelier.

Louis-Auguste, pourtant, accepte mal les choix de son fils. Il veut qu'il devienne banquier et qu'il suive des études de droit, ce que fait Paul vers 1859. Après avoir échoué au concours d'entrée à l'école des beaux-arts de Paris, Paul se voit forcé d'assister son père à la banque. Pourtant, voyant son fils si malheureux, Louis-Auguste lui donnera une rente pour monter à Paris.

Les deux portraits de son père, peints par Paul à quelques mois d'intervalle, ne sont pas dénués d’affection. Derrière le père lisant son journal, est accroché au mur un petit tableau qui est une des premières natures mortes de son fils, "Sucrier, poires et tasse bleue". Le journal tenu en main par Louis-Auguste est un petit clin d’œil du fils au père : en effet, Louis-Auguste ne lisait jamais L'Événement… Ce quotidien français, peu cher, relate les faits divers et comptes-rendus de procès, ainsi que des romans-feuilletons. Pas le style de Louis-Auguste !

La Bastide du Jas de Bouffan reste propriété de la famille jusqu’en 1899. Pendant 40 ans, Paul Cezanne y trouve ses principaux motifs d’inspiration : il installe son chevalet dans le parc, devant la bastide, la ferme, les bosquets et l’allée de marronniers, le bassin et ses statues...


Pour aller plus loin :  

En 2025, Aix-en-Provence célèbre Paul Cezanne, peintre visionnaire, redonnant vie à son héritage. Tout commence, en 2023, par un "essuyé de pinceau", une trace de peinture ancienne attribuée à Paul Cezanne et retrouvée sur un mur de la Bastide du Jas de Bouffan. Quelques semaines plus tard, un tableau jusque-là demeuré secret apparaît... 

Le public redécouvrira l’artiste au travers de :
 - une exposition majeure au musée Granet, avec des œuvres incontournables
 - la réouverture de la Bastide du Jas de Bouffan
 - la visite de l'atelier des Lauves : dernier lieu de création de Cezanne
 - et celle des carrières de Bibémus : plongeon dans les paysages de Cezanne
 - d’autres événements invitant les visiteurs à découvrir les lieux qui ont marqué sa vie et son œuvre.

Pourtant tout n’avait pas commencé si bien à Aix-en-Provence ! Vers 1900, Henri Pontier, conservateur du musée, se serait exclamé : "Moi vivant, aucun Cézanne n'entrera au musée !". C’est pourquoi, à partir de 1895, Ambroise Vollard, le marchand de l'artiste, raconte dans ses Mémoires comment, à Aix-en-Provence, il put acheter de nombreux tableaux de Cezanne pour une bouchée de pain ! 

Il ne faut donc pas s'étonner que les œuvres de Cezanne soient surtout conservées dans les musées européens, américains ou russes. Mais on peut quand même en admirer, dans les musées parisiens du Louvre, d’Orsay, de l’Orangerie, de Picasso, et en province à Strasbourg, Lyon, Dijon etc. 


Et plus loin que le musée :

Il y a Paul et il y a monsieur Cézanne. Il y a le père et la femme, le jardinier Vallier, le docteur Gachet et les écrivains Flaubert et Zola. Les toits rouges sur la mer bleue, les mains, le sucrier, le chapeau, l'argent et les secrets. Marie-Hélène Lafon est allée vers Cézanne comme on "va au paysage". A corps perdu. Un essai sobrement intitulé Cezanne qui est le regard ébloui de son auteur, Marie-Hélène Lafon.

GEO ART nous propose une collection de beaux-livres à prix abordable. Avec Cezanne - Penser avec un pinceau, découvrez plus de 65 tableaux majeurs de cet artiste novateur, avec des textes explicatifs. Chaque ouvrage est monographique. Les œuvres majeures de l’artiste sont représentées, son style particulier clairement expliqué, ses influences esthétiques illustrées, sa carrière contée... 

Certains tableaux ont cette étonnante capacité à toucher notre imaginaire et nos émotions. Mais comment sont-ils nés ? Dans quelles circonstances ? La collection "le roman d’un chef d’œuvre" propose, dans chacun de ses recueils, d’y répondre. Un atelier à soi selon Cezanne, mêlant fiction et enquête historique, est l'histoire de la création d'un tableau célèbre, "La Montagne Sainte-Victoire et Château Noir" de Cezanne.


Tableaux de Paul Cézanne cités :

1 – "Le Père du peintre, lisant L'Événement", 1866, National Gallery of Art, Washington DC, Etats-Unis

2 – "Portrait de Louis-Auguste Cezanne, père de l'artiste", vers 1870, Collection privée

3 –"Portrait de Louis-Auguste Cezanne, père de l'artiste", vers 1865, National Gallery, Londres

4 – "Mère de l’artiste", 1867, Musée de Saint-Louis, Missouri, Etats-Unis

5 – "Marie Cezanne, sœur de l’artiste", 1867, Musée de Saint-Louis, Missouri, Etats-Unis

6 – "Sucrier, poires et tasse bleue", vers 1865, Musée Granet, Aix-en-Provence


Mais chut, bonne visite… Cézanne peint !


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