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Une sibylle au milieu de ruines d’architecture avec l’arc de Janus Quadrifons, le temple de Vesta à Rome et la statue équestre de Marc-Aurèle”, 1743, Pannini, Giovanni Paolo, Musée du Louvre
Le
31 October 2017,
Que signifie le joli mot « sibyllin » ? Ce mot est comme ce qu’il décrit : Enigmatique, obscur, à la manière d'un oracle, mystérieux ou à double sens…. Il nous fait remonter dans le temps, embarquer pour un voyage depuis la Grèce jusqu’au Parc des Buttes-Chaumont, à Paris...
On commence par la Grèce
Dans la Grèce Antique, Sibylle est une prophétesse d'Apollon, une prêtresse à laquelle le dieu a donné le pouvoir de prophétie. Elle peut donc faire connaître leur avenir aux hommes qui veulent savoir ce que les Dieux leur réservent.
Par extension, les sibylles sont les prêtresses d'Apollon, quel que soit le lieu de culte, les plus connues étant celles d'Erythrae, de Libye et de Cumes.
Les sibylles sont donc des « prophétesses », femmes qui font œuvre de divination. Elles le font dans un langage énigmatique permettant de nombreuses interprétations, ce qui les met à l'abri de toute contestation ultérieure.
Contrairement à la Pythie qui est attachée au temple de Delphes, les sibylles sont indépendantes et vivent une existence itinérante.
La Pythie n'est que la porte-parole du dieu, elle répond aux questions qui lui sont adressées, alors que la sibylle parle à la première personne, revendique l'originalité de sa prophétie et le caractère indépendant de ses réponses.
On représente la Pythie jeune (c'est, à l'origine, une jeune fille vierge), la sibylle mûre sinon vieille.
Les sibylles sont considérées comme des émanations de la sagesse divine, aussi vieilles que le monde, et dépositaires de la révélation primitive. Aussi n'a-t-on pas manqué de rapprocher le nombre des douze sibylles de celui des douze apôtres, et de peindre ou de sculpter leurs effigies dans des églises. Michel Ange a peint 5 sibylles sur le plafond de la Chapelle Sixtine à Rome.
Les origines du mythe ainsi que l'étymologie du terme sont incertaines et disputées. On a pu les chercher dans le monde indo-européen, par analogie avec des termes sanskrits, par exemple, aussi bien que dans la Mésopotamie antique.
La Sibylle de Cumes est une des douze sibylles. Elle apparaît dans maintes légendes, notamment dans la légende d’Énée qui la consulte avant de descendre aux Enfers. Cumes est une ancienne cité italienne, à 12 km à l'ouest de Naples. C'est aujourd'hui une zone archéologique de première importance, qui présente des vestiges nombreux et variés, dont le plus illustre est l'Antre de la Sibylle, une cavité creusée dans la roche et dédiée au culte que l’on vouait aux Sibylles.
Un détour par l'Italie
Le temple de Vesta est un temple romain dédié à Vesta, la « déesse vierge du foyer », situé à Tivoli dans le Latium en Italie. Il date du 1ier siècle av. J.-C. A proximité, se trouve un temple rectangulaire, souvent appelé Temple de la Sibylle.
Le temple est construit sur une structure artificielle élargissant l'acropole. Comme le temple de Vesta, le temple de la Sibylle est conservé notamment en raison de son utilisation comme église durant le haut Moyen Âge. Une église dédiée à saint Georges y est attestée dès 978. L'édifice est désormais ruiné. Les décorations intérieures et les peintures ont disparu.
En passant par Montfaucon
Dans le nord-est de Paris, en France, il est un lieu terrible, la butte de Montfaucon. Elle se dresse là où, de nos jours on trouve le Parc des Buttes-Chaumont.
Montfaucon, ce nom fait frémir… À cet endroit se dresse jusqu’au XVIIème siècle l’épouvantable gibet de Montfaucon, conçu pour la pendaison simultanée de soixante condamnés.
C’est un monument où sont exposées, aux vents et aux corbeaux, les dépouilles, parfois décapitées ou démembrées, des condamnés à mort exécutés sur place ou ailleurs en France.
Il est remodelé en 1416, durant la Guerre de Cent Ans, à la suite de l'insurrection de Paris, en un spectaculaire portique à seize piliers qui périclite avec l'avènement en 1594, de Henri IV et la fin des Guerres de religion.
Victor Hugo en dresse un portait qui fait froid dans le dos :
Montfaucon
(...)
On ne sait quelle difforme et sombre édifice
Tas hideux de poutres où le jour rampe et glisse,
(...)
Là grince le rouet sinistre du cordier.
Du cadavre au squelette on peut étudier
Le progrès que les morts font dans la pourriture;
Chaque poteau chargé d'un corps sans sépulture.
(...)
C'est délabré, croulant, lépreux, désespéré.
Les poteaux ont pour toit le vide. Le degré
Aboutit à l'échelle et l'échelle aux ténèbres.
Le crépuscule passe à travers des vertèbres
Et montre dans la nuit des pieds aux doigts ouverts.
Entre les vieux piliers, de moisissure verts,
Blèmes quand les rayons de lune s'y répandent,
Là haut, des larves vont et viennent, des morts pendent.
Et la fouine a rongé leur crâne et leur fémur.
Et leur ventre effrayant se fend comme un fruit mûr.
(...)
L'azur luit, le soir vient, l'aube blanchit le ciel.
Le vent, s'il entre là, sort pestilentiel.
Chacun d'eux sous le croc du sépulcre tournoie
Et tous, que juin les brûle ou que janvier les noie,
S'entreheurtent, fameux, chétifs, obscurs, marquants,
Et sont la même nuit dans les mêmes carcans.
Le craquement farouche et massif des traverses
Accompagne leurs chocs sous les âpres averses,
Et, comble de terreur, on croirait par instant
Que le cadavre, au grès des brises s'agitant,
Avec son front sans yeux et ses dents sans gencives,
Rit dans la torsion des chaînes convulsives.
Victor Hugo dans la Légende des siècles.
Les ruines du gibet sont effacées par la Révolution mais « son funeste escalier qui dans la mort finit » demeure, avec la Bastille et la guillotine, un lieu commun de l'imaginaire français.
Ensuite, les Buttes-Chaumont deviennent un lieu réservé à l’équarrissage. Puis on y exploite une carrière, laquelle finit par servir de décharge. C’est pourtant là qu’Alphand décide de créer le plus extraordinaire des parcs parisiens, avec pour ambition d’en faire l’une des attractions de l’exposition universelle de 1867, sous Napoléon III.
Jusqu’au Parc des Buttes-Chaumont et son Temple de Sibylle
Le parc des Buttes-Chaumont est un jardin public situé dans le nord-est de Paris, en France, dans le 19e arrondissement de la ville. Il est situé à l’endroit où se dressait le gibet de Montfaucon.
Avec près de 25 ha, le parc est l'un des plus grands espaces verts de Paris. Ce jardin à l'anglaise imite un paysage de montagne : rochers, falaises, torrents, cascades, grotte, alpages, belvédères.
Dans le parc, il y a un petit belvédère et un très joli monument dessus. C’est le Temple de la Sibylle, qui couronnant le belvédère, offre l’un des plus beaux points de vue sur le parc et la capitale. Il est construit en 1869 par Gabriel Davioud en s'inspirant du temple de Vesta à Tivoli, en Italie.
Au sud du parc, se trouvait les Studios des Buttes Chaumont, où se tourna un grand nombre d'émissions télévisées de la RTF, de l'ORTF, ainsi que toutes les émissions de variétés produites par la Société française de production pour TF1, Antenne 2, FR3 et La Cinq. Ils sont aujourd'hui démolis et remplacés par des immeubles résidentiels.
N’hésitez pas à aller voir, en famille, ce petit bijou de temple, en profitant des visites guidées du Parc des Buttes-Chaumont, Ce sont des visites adaptées aux enfants.
Au Louvre, maints tableaux et sculptures représentent des sybilles. Allez les débusquer en profitant d’une visite guidée.
Sur un des bancs du parc, asseyez-vous, et lisez…La légende des Siècles de Victor Hugo, écrivain reposant au Panthéon.
Ou bien Philip K. Dick, auteur de science-fiction qu’on ne présente plus, qui nous fait découvrir sa Sibylle de Cumes dans L’oeil de la Sybille.
Ou alors un bon polar qui se passe dans les Studios des Buttes Chaumont, La malédiction des Buttes-Chaumont.
Ah, Montfaucon ! Qui mieux que François Villon, dans La Ballade des Pendus, peut nous parler de Montfaucon ? En voici une interprétation de Serge Reggiani et le texte de ce poème, extrait de ses Œuvres Complètes :
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cueurs contre nous endurciz,
Car, si pitié de nous pouvres avez,
Dieu en aura plustost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six :
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s’en rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Se vous clamons, frères, pas n’en devez
Avoir desdaing, quoyque fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous sçavez
Que tous les hommes n’ont pas bon sens assis ;
Intercedez doncques, de cueur rassis,
Envers le Filz de la Vierge Marie,
Que sa grace ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l’infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
La pluye nous a debuez et lavez,
Et le soleil dessechez et noirciz ;
Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez,
Et arrachez la barbe et les sourcilz.
Jamais, nul temps, nous ne sommes rassis ;
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d’oyseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrairie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Prince Jesus, qui sur tous seigneurie,
Garde qu’Enfer n’ayt de nous la maistrie :
A luy n’ayons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n’usez de mocquerie
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Quand vous irez au Parc des Buttes-Chaumont, pensez à tous ces suppliciés qui, au travers des siècles, nous parlent encore ! Sans oublier les Sibylles chuchotant à notre oreille… Je vous laisse les écouter.
Bonne visite.
On commence par la Grèce
Dans la Grèce Antique, Sibylle est une prophétesse d'Apollon, une prêtresse à laquelle le dieu a donné le pouvoir de prophétie. Elle peut donc faire connaître leur avenir aux hommes qui veulent savoir ce que les Dieux leur réservent.
Par extension, les sibylles sont les prêtresses d'Apollon, quel que soit le lieu de culte, les plus connues étant celles d'Erythrae, de Libye et de Cumes.
Les sibylles sont donc des « prophétesses », femmes qui font œuvre de divination. Elles le font dans un langage énigmatique permettant de nombreuses interprétations, ce qui les met à l'abri de toute contestation ultérieure.
Contrairement à la Pythie qui est attachée au temple de Delphes, les sibylles sont indépendantes et vivent une existence itinérante.
La Pythie n'est que la porte-parole du dieu, elle répond aux questions qui lui sont adressées, alors que la sibylle parle à la première personne, revendique l'originalité de sa prophétie et le caractère indépendant de ses réponses.
On représente la Pythie jeune (c'est, à l'origine, une jeune fille vierge), la sibylle mûre sinon vieille.
Les sibylles sont considérées comme des émanations de la sagesse divine, aussi vieilles que le monde, et dépositaires de la révélation primitive. Aussi n'a-t-on pas manqué de rapprocher le nombre des douze sibylles de celui des douze apôtres, et de peindre ou de sculpter leurs effigies dans des églises. Michel Ange a peint 5 sibylles sur le plafond de la Chapelle Sixtine à Rome.
Les origines du mythe ainsi que l'étymologie du terme sont incertaines et disputées. On a pu les chercher dans le monde indo-européen, par analogie avec des termes sanskrits, par exemple, aussi bien que dans la Mésopotamie antique.
La Sibylle de Cumes est une des douze sibylles. Elle apparaît dans maintes légendes, notamment dans la légende d’Énée qui la consulte avant de descendre aux Enfers. Cumes est une ancienne cité italienne, à 12 km à l'ouest de Naples. C'est aujourd'hui une zone archéologique de première importance, qui présente des vestiges nombreux et variés, dont le plus illustre est l'Antre de la Sibylle, une cavité creusée dans la roche et dédiée au culte que l’on vouait aux Sibylles.
Un détour par l'Italie
Le temple de Vesta est un temple romain dédié à Vesta, la « déesse vierge du foyer », situé à Tivoli dans le Latium en Italie. Il date du 1ier siècle av. J.-C. A proximité, se trouve un temple rectangulaire, souvent appelé Temple de la Sibylle.
Le temple est construit sur une structure artificielle élargissant l'acropole. Comme le temple de Vesta, le temple de la Sibylle est conservé notamment en raison de son utilisation comme église durant le haut Moyen Âge. Une église dédiée à saint Georges y est attestée dès 978. L'édifice est désormais ruiné. Les décorations intérieures et les peintures ont disparu.
En passant par Montfaucon
Dans le nord-est de Paris, en France, il est un lieu terrible, la butte de Montfaucon. Elle se dresse là où, de nos jours on trouve le Parc des Buttes-Chaumont.
Montfaucon, ce nom fait frémir… À cet endroit se dresse jusqu’au XVIIème siècle l’épouvantable gibet de Montfaucon, conçu pour la pendaison simultanée de soixante condamnés.
C’est un monument où sont exposées, aux vents et aux corbeaux, les dépouilles, parfois décapitées ou démembrées, des condamnés à mort exécutés sur place ou ailleurs en France.
Il est remodelé en 1416, durant la Guerre de Cent Ans, à la suite de l'insurrection de Paris, en un spectaculaire portique à seize piliers qui périclite avec l'avènement en 1594, de Henri IV et la fin des Guerres de religion.
Victor Hugo en dresse un portait qui fait froid dans le dos :
Montfaucon
(...)
On ne sait quelle difforme et sombre édifice
Tas hideux de poutres où le jour rampe et glisse,
(...)
Là grince le rouet sinistre du cordier.
Du cadavre au squelette on peut étudier
Le progrès que les morts font dans la pourriture;
Chaque poteau chargé d'un corps sans sépulture.
(...)
C'est délabré, croulant, lépreux, désespéré.
Les poteaux ont pour toit le vide. Le degré
Aboutit à l'échelle et l'échelle aux ténèbres.
Le crépuscule passe à travers des vertèbres
Et montre dans la nuit des pieds aux doigts ouverts.
Entre les vieux piliers, de moisissure verts,
Blèmes quand les rayons de lune s'y répandent,
Là haut, des larves vont et viennent, des morts pendent.
Et la fouine a rongé leur crâne et leur fémur.
Et leur ventre effrayant se fend comme un fruit mûr.
(...)
L'azur luit, le soir vient, l'aube blanchit le ciel.
Le vent, s'il entre là, sort pestilentiel.
Chacun d'eux sous le croc du sépulcre tournoie
Et tous, que juin les brûle ou que janvier les noie,
S'entreheurtent, fameux, chétifs, obscurs, marquants,
Et sont la même nuit dans les mêmes carcans.
Le craquement farouche et massif des traverses
Accompagne leurs chocs sous les âpres averses,
Et, comble de terreur, on croirait par instant
Que le cadavre, au grès des brises s'agitant,
Avec son front sans yeux et ses dents sans gencives,
Rit dans la torsion des chaînes convulsives.
Victor Hugo dans la Légende des siècles.
Les ruines du gibet sont effacées par la Révolution mais « son funeste escalier qui dans la mort finit » demeure, avec la Bastille et la guillotine, un lieu commun de l'imaginaire français.
Ensuite, les Buttes-Chaumont deviennent un lieu réservé à l’équarrissage. Puis on y exploite une carrière, laquelle finit par servir de décharge. C’est pourtant là qu’Alphand décide de créer le plus extraordinaire des parcs parisiens, avec pour ambition d’en faire l’une des attractions de l’exposition universelle de 1867, sous Napoléon III.
Jusqu’au Parc des Buttes-Chaumont et son Temple de Sibylle
Le parc des Buttes-Chaumont est un jardin public situé dans le nord-est de Paris, en France, dans le 19e arrondissement de la ville. Il est situé à l’endroit où se dressait le gibet de Montfaucon.
Avec près de 25 ha, le parc est l'un des plus grands espaces verts de Paris. Ce jardin à l'anglaise imite un paysage de montagne : rochers, falaises, torrents, cascades, grotte, alpages, belvédères.
Dans le parc, il y a un petit belvédère et un très joli monument dessus. C’est le Temple de la Sibylle, qui couronnant le belvédère, offre l’un des plus beaux points de vue sur le parc et la capitale. Il est construit en 1869 par Gabriel Davioud en s'inspirant du temple de Vesta à Tivoli, en Italie.
Au sud du parc, se trouvait les Studios des Buttes Chaumont, où se tourna un grand nombre d'émissions télévisées de la RTF, de l'ORTF, ainsi que toutes les émissions de variétés produites par la Société française de production pour TF1, Antenne 2, FR3 et La Cinq. Ils sont aujourd'hui démolis et remplacés par des immeubles résidentiels.
N’hésitez pas à aller voir, en famille, ce petit bijou de temple, en profitant des visites guidées du Parc des Buttes-Chaumont, Ce sont des visites adaptées aux enfants.
Au Louvre, maints tableaux et sculptures représentent des sybilles. Allez les débusquer en profitant d’une visite guidée.
Sur un des bancs du parc, asseyez-vous, et lisez…La légende des Siècles de Victor Hugo, écrivain reposant au Panthéon.
Ou bien Philip K. Dick, auteur de science-fiction qu’on ne présente plus, qui nous fait découvrir sa Sibylle de Cumes dans L’oeil de la Sybille.
Ou alors un bon polar qui se passe dans les Studios des Buttes Chaumont, La malédiction des Buttes-Chaumont.
Ah, Montfaucon ! Qui mieux que François Villon, dans La Ballade des Pendus, peut nous parler de Montfaucon ? En voici une interprétation de Serge Reggiani et le texte de ce poème, extrait de ses Œuvres Complètes :
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cueurs contre nous endurciz,
Car, si pitié de nous pouvres avez,
Dieu en aura plustost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six :
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s’en rie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Se vous clamons, frères, pas n’en devez
Avoir desdaing, quoyque fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous sçavez
Que tous les hommes n’ont pas bon sens assis ;
Intercedez doncques, de cueur rassis,
Envers le Filz de la Vierge Marie,
Que sa grace ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l’infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
La pluye nous a debuez et lavez,
Et le soleil dessechez et noirciz ;
Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez,
Et arrachez la barbe et les sourcilz.
Jamais, nul temps, nous ne sommes rassis ;
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d’oyseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrairie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Prince Jesus, qui sur tous seigneurie,
Garde qu’Enfer n’ayt de nous la maistrie :
A luy n’ayons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n’usez de mocquerie
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
Quand vous irez au Parc des Buttes-Chaumont, pensez à tous ces suppliciés qui, au travers des siècles, nous parlent encore ! Sans oublier les Sibylles chuchotant à notre oreille… Je vous laisse les écouter.
Bonne visite.