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Le cimetière juif, Samuel Hirszenberg, Munich, 1892, Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris
Le
29 October 2024,
Au 19e
siècle, la Pologne fait partie de l'Empire Russe. A cette époque, la persécution des populations juives de l'Empire Russe, y compris en
Pologne, prend une forme
particulièrement violente et massive.
En 1821, puis 1849, 1859 et 1871, des pogroms se déroulent à Odessa, avec pillage et saccage de centaines de magasins, tavernes et maisons juives. En 1862, un pogrom, organisé par des marchands voulant se débarrasser de concurrents juifs, se déclenche dans une ville de l’actuelle Ukraine.
1er mars 1881, le tsar Alexandre II est assassiné. Les mesures libérales et émancipatrices édictées en faveur des juifs sont aussitôt annulées et une longue série de pogroms se déclenchent à travers tout l'Empire Russe.
Des rumeurs circulent affirmant que le nouveau tsar, Alexandre III, donne au peuple le droit de "battre les Juifs", ceux-ci étant rendus responsables de l'assassinat du précédent tsar.
En 1881, éclatent plus de cent pogroms. De plus, le tsar promulgue une série de restrictions particulièrement sévères pour les juifs, comme l’interdiction de s'établir en dehors des villes, l’exclusion de l'enseignement et d'un grand nombre de professions. Les pogroms se poursuivent de façon intensive, sous Alexandre III puis Nicolas II, avec l’accord tacite du gouvernement. Ils continuent pendant la Révolution Russe, ne cessant... qu’à la fin de la guerre civile, dans les années 1920.
Le tableau ci-dessus représente trois femmes éplorées dans un Cimetière Juif dévasté. Le peintre se serait-il inspiré d’un cimetière juif de l’Empire Russe ?
Samuel Hirszenberg (1865-1908) est né à Łódź, ville située, de nos jours, en Pologne. Né au sein d’une famille juive yiddishophone, il est l’aîné d’une fratrie de onze enfants, et destiné à rejoindre l’atelier de son père, tisserand.
Samuel peint... Son talent est remarqué par le directeur de l'hôpital de Łódź, grâce auquel il reçoit une bourse lui permettant de suivre des cours, de 1881 à 1883, à l'École des Beaux-Arts de Cracovie, ville célèbre pour être le centre de la renaissance nationale et de la culture polonaise. À partir de 1883, il étudie à l'Académie Royale des Arts de Munich, puis, de 1888 à 1889, à Paris, à l'Académie Colarossi.
La première de ses œuvres à attirer l’œil de la critique est, en 1887, le tableau "Yeshibot", aussi appelé "Ecole des Talmudistes". Il reçoit une médaille d'argent à l'Exposition universelle de Paris en 1889.
En 1891, il retourne en Pologne, dans sa ville natale de Łódź. Ses thèmes de prédilection sont la Pologne et les Juifs d’Europe orientale. Un de ses tableaux les plus célèbres de cette période est "Le Juif errant" (1899). Son activité inclut la représentation de paysages et de portraits. En 1903, il peint un saisissant "Portrait d’un écrivain juif".
Samuel Hirszenberg est l'un des premiers artistes à dénoncer la situation critique des juifs dans la Pologne de l’Empire Russe du début du 20e siècle.
Sa peinture, "Le Cimetière Juif", est célébrée de son vivant comme un chef-d’œuvre. Elle est emblématique de la condition des communautés dévastées par les pogroms. Les trois femmes éplorées, abattues, émergeant des stèles funéraires, expriment le tourment des juifs. La composition, dominée par des couleurs sombres et de forts contrastes, est inspirée du souvenir du cimetière de Cracovie.
Son tableau "Le Drapeau noir" (1905) évoque le désespoir des victimes des pogroms. Deux visages terrifiés nous regardent fixement : celui de gauche est peut-être l'autoportrait de l'artiste, et le drapeau noir recouvrant le cercueil dénonce vraisemblablement les Cent-Noirs, mouvement antisémite et nationaliste d'extrême droite apparu dans l'Empire Russe pendant la révolution de 1905.
Son désir de créer un art juif original et contemporain le pousse à rejoindre l’école Bezalel de Jérusalem en 1907, où il décède en 1908.
Dans son "Autoportrait en atelier", peint en 1892, le peintre se montre une palette et un pinceau à la main, devant l'esquisse du "Cimetière juif". En plein processus de création, il nous laisse son oeuvre en héritage.
Les tableaux cités dans l'article sont visibles ici :
- "Yeshibot" : collection particulière
- "Le Juif errant" : Musée des Beaux-Arts, Jérusalem
- "Portrait d’un écrivain juif" : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
- "Le Cimetière Juif" : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
- "Le Drapeau noir" : Musée Juif, New-York
- "Autoportrait en atelier" : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
Pour se détendre :
Dans Le tableau du peintre juif, de Benoît Séverac, une enquête croisée entre passé et présent sur les traces d'un peintre juif révèle de sombres secrets de l'Histoire... Eli Trudel, célèbre peintre, aurait été hébergé pendant l'Occupation par les grands-parents de l'héroïne.
De Turin à Paris, dans le Cimetière de Prague de Umberto Eco, le lecteur croise une sataniste hystérique, un abbé qui meurt deux fois, des cadavres. Il assiste à la naissance de l'affaire Dreyfus et à la création de l'ouvrage antisémite, Les Protocoles des sages de Sion. Ainsi que des jésuites complotant contre les francs-maçons, des conspirations, les massacres dans le Paris de la Commune... Bref, un cocktail réjouissant où le vieux cimetière juif de Prague joue un rôle important.
Le Paris des années 1905-1939 attire les peintres du monde entier. Un groupe se distingue : celui des peintres juifs venus de Russie, de Pologne et d'Europe centrale. Si leurs styles sont variés, un destin commun les rassemble : ils fuient l'antisémitisme de leur pays d'origine. Certains ont connu la célébrité, d'autres n'ont pas eu le temps ou la chance d'y accéder. Le livre Peintres juifs à Paris, leur rend hommage et rassemble 151 peintres juifs de l'École de Paris. Il en présente la vie et l'oeuvre, parfois au travers de témoignages et de documents inédits. Il recense pour chacun les expositions personnelles ou collectives, les catalogues, les articles de presse et la bibliographie.
Faites, comme Monsieur Georges, "La ballade des cimetières". De nombreux cimetières juifs, comme celui de Carpentras, proposent des visites guidées. N'hésitez pas !
Joyeuses visites !
En 1821, puis 1849, 1859 et 1871, des pogroms se déroulent à Odessa, avec pillage et saccage de centaines de magasins, tavernes et maisons juives. En 1862, un pogrom, organisé par des marchands voulant se débarrasser de concurrents juifs, se déclenche dans une ville de l’actuelle Ukraine.
1er mars 1881, le tsar Alexandre II est assassiné. Les mesures libérales et émancipatrices édictées en faveur des juifs sont aussitôt annulées et une longue série de pogroms se déclenchent à travers tout l'Empire Russe.
Des rumeurs circulent affirmant que le nouveau tsar, Alexandre III, donne au peuple le droit de "battre les Juifs", ceux-ci étant rendus responsables de l'assassinat du précédent tsar.
En 1881, éclatent plus de cent pogroms. De plus, le tsar promulgue une série de restrictions particulièrement sévères pour les juifs, comme l’interdiction de s'établir en dehors des villes, l’exclusion de l'enseignement et d'un grand nombre de professions. Les pogroms se poursuivent de façon intensive, sous Alexandre III puis Nicolas II, avec l’accord tacite du gouvernement. Ils continuent pendant la Révolution Russe, ne cessant... qu’à la fin de la guerre civile, dans les années 1920.
Le tableau ci-dessus représente trois femmes éplorées dans un Cimetière Juif dévasté. Le peintre se serait-il inspiré d’un cimetière juif de l’Empire Russe ?
Samuel Hirszenberg (1865-1908) est né à Łódź, ville située, de nos jours, en Pologne. Né au sein d’une famille juive yiddishophone, il est l’aîné d’une fratrie de onze enfants, et destiné à rejoindre l’atelier de son père, tisserand.
Samuel peint... Son talent est remarqué par le directeur de l'hôpital de Łódź, grâce auquel il reçoit une bourse lui permettant de suivre des cours, de 1881 à 1883, à l'École des Beaux-Arts de Cracovie, ville célèbre pour être le centre de la renaissance nationale et de la culture polonaise. À partir de 1883, il étudie à l'Académie Royale des Arts de Munich, puis, de 1888 à 1889, à Paris, à l'Académie Colarossi.
La première de ses œuvres à attirer l’œil de la critique est, en 1887, le tableau "Yeshibot", aussi appelé "Ecole des Talmudistes". Il reçoit une médaille d'argent à l'Exposition universelle de Paris en 1889.
En 1891, il retourne en Pologne, dans sa ville natale de Łódź. Ses thèmes de prédilection sont la Pologne et les Juifs d’Europe orientale. Un de ses tableaux les plus célèbres de cette période est "Le Juif errant" (1899). Son activité inclut la représentation de paysages et de portraits. En 1903, il peint un saisissant "Portrait d’un écrivain juif".
Samuel Hirszenberg est l'un des premiers artistes à dénoncer la situation critique des juifs dans la Pologne de l’Empire Russe du début du 20e siècle.
Sa peinture, "Le Cimetière Juif", est célébrée de son vivant comme un chef-d’œuvre. Elle est emblématique de la condition des communautés dévastées par les pogroms. Les trois femmes éplorées, abattues, émergeant des stèles funéraires, expriment le tourment des juifs. La composition, dominée par des couleurs sombres et de forts contrastes, est inspirée du souvenir du cimetière de Cracovie.
Son tableau "Le Drapeau noir" (1905) évoque le désespoir des victimes des pogroms. Deux visages terrifiés nous regardent fixement : celui de gauche est peut-être l'autoportrait de l'artiste, et le drapeau noir recouvrant le cercueil dénonce vraisemblablement les Cent-Noirs, mouvement antisémite et nationaliste d'extrême droite apparu dans l'Empire Russe pendant la révolution de 1905.
Son désir de créer un art juif original et contemporain le pousse à rejoindre l’école Bezalel de Jérusalem en 1907, où il décède en 1908.
Dans son "Autoportrait en atelier", peint en 1892, le peintre se montre une palette et un pinceau à la main, devant l'esquisse du "Cimetière juif". En plein processus de création, il nous laisse son oeuvre en héritage.
Les tableaux cités dans l'article sont visibles ici :
- "Yeshibot" : collection particulière
- "Le Juif errant" : Musée des Beaux-Arts, Jérusalem
- "Portrait d’un écrivain juif" : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
- "Le Cimetière Juif" : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
- "Le Drapeau noir" : Musée Juif, New-York
- "Autoportrait en atelier" : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
Pour se détendre :
Dans Le tableau du peintre juif, de Benoît Séverac, une enquête croisée entre passé et présent sur les traces d'un peintre juif révèle de sombres secrets de l'Histoire... Eli Trudel, célèbre peintre, aurait été hébergé pendant l'Occupation par les grands-parents de l'héroïne.
De Turin à Paris, dans le Cimetière de Prague de Umberto Eco, le lecteur croise une sataniste hystérique, un abbé qui meurt deux fois, des cadavres. Il assiste à la naissance de l'affaire Dreyfus et à la création de l'ouvrage antisémite, Les Protocoles des sages de Sion. Ainsi que des jésuites complotant contre les francs-maçons, des conspirations, les massacres dans le Paris de la Commune... Bref, un cocktail réjouissant où le vieux cimetière juif de Prague joue un rôle important.
Le Paris des années 1905-1939 attire les peintres du monde entier. Un groupe se distingue : celui des peintres juifs venus de Russie, de Pologne et d'Europe centrale. Si leurs styles sont variés, un destin commun les rassemble : ils fuient l'antisémitisme de leur pays d'origine. Certains ont connu la célébrité, d'autres n'ont pas eu le temps ou la chance d'y accéder. Le livre Peintres juifs à Paris, leur rend hommage et rassemble 151 peintres juifs de l'École de Paris. Il en présente la vie et l'oeuvre, parfois au travers de témoignages et de documents inédits. Il recense pour chacun les expositions personnelles ou collectives, les catalogues, les articles de presse et la bibliographie.
Faites, comme Monsieur Georges, "La ballade des cimetières". De nombreux cimetières juifs, comme celui de Carpentras, proposent des visites guidées. N'hésitez pas !
Joyeuses visites !