Moi, Marianne von Werefkin, peintre et femme de...
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Je suis née dans la lointaine et froide Russie, en 1860, riche, dans l’aristocratie russe. Et je sais qu’on m’enterrera en 1938, ici, à Ascona, en Suisse, où je suis dans la misère. Mais quelle vie entre temps !

Ma mère, peintre d’icônes à ses heures, a tenu à me donner une éducation aristocratique, mais m’a aussi aidée à développer quelques aptitudes artistiques. Elle me dit que je suis douée… et je reçois des cours de dessin dès l’âge de 14 ans. À 20 ans, je deviens même l’élève d’Ilja Repin (1844-1930), un des plus grands peintres réalistes de Russie ! Mais je me suis vite éloignée de son réalisme bien trop terrible, comme dans son tableau "Les Bateliers de la Volga", inspiré de la chanson traditionnelle, tableau qui a apporté la célébrité à Ilja Repin.

C’est dans son atelier que je t’ai rencontré, ô toi, mon futur époux, mon tendre, mon peintre. Rappelle-toi comme alors tu me fascinais… Et c’est avec toi que j’ai quitté ma chère Russie, en 1896, pour aller à Munich, avec son avant-garde artistique et intellectuelle, afin de poursuivre nos études. Heureusement qu’à l’époque, suite à la mort de Père, le tsar m’avait allouée une coquette pension !

Mais les hommes ne sont que des hommes… Marié avec moi, tu aimes Hélène Neznakomova. Elle nous a suivi en Europe comme servante et cuisinière, et c’est elle qui te donnera un fils, en 1902. Tu l’épouseras en 1922, juste après notre divorce en 1921…

Notre appartement, dans le quartier des artistes, à Munich, est un bouillonnement culturel et artistique, véritable ruche où se croisent des artistes qui deviendront célèbres, exactement comme toi, ô mon aimé. J’y suis l’intellectuelle, la passionnée d’art. Dire que nous y avons côtoyé les grands Vassily Kandinsky et Paul Klee ! Est-ce ta duplicité en amour, le salon culturel ou bien ta carrière qui m’ont fait cesser de peindre pendant dix ans ? Ou bien une crise personnelle en lien avec ma peinture ? Je ne me reconnais pas dans les courants picturaux en vogue. Et puis, à mes yeux amoureux, un seul homme peut révolutionner l’art et c’est toi.

Ah nos voyages en France à partir de 1903… Henri Matisse, Paul Gauguin, les Nabis... Et ces couleurs dans leurs tableaux ! C’est ta duplicité, mon cher, qui m’a remis un pinceau dans les mains en 1906. Et oui !

En 1909, nous, Vassily Kandinsky et d'autres, tenons notre grande exposition à la galerie Thannhauser de Munich. Elle donnera naissance au groupe "Der Blaue Reiter" (Le Cavalier Bleu).

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, nous partons nous installer en Suisse, près de Genève puis à Zurich. À la suite de la révolution russe de 1917, je perds ma rente du tsar et je me retrouve avec bien moins de ressources.

C’est en 1918 que nous nous séparons. Et c’est seule que je pars m’installer à Ascona, un petit village de pêcheurs au bord du lac Majeur. J’y peins de nombreux paysages dans le style expressionniste, mais également des gens du quotidien, des femmes, des passants, des travailleurs, le thème du chemin.

Et je sais que c’est là que je mourrai bientôt, seule, pauvre… Et mon tendre ex-époux ? Je sais qu’il dicte ses mémoires, que son arthrite le fait bien souffrir et le paralyse petit à petit, le pauvre. Il ne pourra bientôt plus peindre. Ah, mais j’ai oublié de vous dire son nom ! Le voici. Il s’agit de Alexej von Jawlensky. Vous le connaissez sûrement, il est célèbre, lui.


Tableaux affichés :
1 - Autoportrait, Marianne von Werefkin, 1910, Musée Lenbachhaus, Munich, Allemagne
2 - Un soir à Murnau, Marianne von Werefkin, 1910, Musée Schloßmuseum, Murnau, Allemagne
3 - La famille, Marianne von Werefkin, 1922, Oglethorpe University Museum of Art (OUMA), Atlanta, Etats-Unis
4 - Marianne von Werefkin, avec un bras en écharpe après un accident d'équitation, Ilja Repin, 1888, Archives familiales Julius Erbslöh, Wuppertal, Allemagne
5 - Portrait de Marianne von Werefkin, Alexej von Jawlensky, 1906, Musée de Wiesbaden, Allemagne

D'autres tableaux sont visibles ici. Rincez-vous l'oeil dans l'univers coloré de Marianne von Werefkin !


Une exposition sur Ilja Repin est en cours au Petit Palais, à Paris. De même, le Musée La Piscine, à Roubaix, propose une exposition sur Alexej von Jawlensky. N’hésitez pas !


Depuis toujours, la chanson puise dans la littérature, et les peintres ne sont-ils pas aussi des poètes ? Et votre rédacteur aime finir en musique… Voici La Chanson de Marianne de Max Jacob (1876-1944), gentiment chantée avec nonchalance par Alain Souchon.

Et pour finir, Les bateliers de la Volga, sans qui, peut-être, pas les peintures chaleureuses de Marianne von Werefkin. Avec, en toile de fond, le tableau d'Ilja Repin.


Entonnez la chanson au soleil !


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