Le Radeau de la Meduse, des hommes qui connurent l'insupportable...
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Nombreuses sont les personnes qui connaissent le magnifique et terrible tableau de Géricault connu sous le nom du “Radeau de la Méduse”.

L’œuvre de Géricault montre les survivants du naufrage du navire “la Méduse”, entassés sur un radeau, à l’instant où un navire, visible dans le lointain, leur fait espérer le salut. Par contre, savez-vous que ce naufrage, bien réel, a eu lieu près du Sénégal, menant des êtres humains aux frontières de l'indicible ?


Voici son histoire...

En 1815, le retour de Louis XVIII sur le trône de France marque le début de la Seconde Restauration.

Les Britanniques rendent le Sénégal à la France par le traité de Paris, après la défaite de Waterloo.

Le 17 juin 1816, La Méduse appareille de l'île d'Aix, avec pour objectif le port sénégalais de Saint-Louis. Elle mène une flottille formée de trois autres appareils. À son bord se trouvent le colonel Julien Schmaltz, gouverneur du Sénégal, accompagné de sa femme et de leur fille, ainsi que des passagers, des scientifiques, des soldats et des colons.

Le commandant Hugues Duroy de Chaumareys, un vicomte limousin revenu d'exil, est nommé capitaine de la Méduse en dépit du fait qu'il n'a plus navigué depuis plus de vingt ans. En voulant prendre de l'avance et en dépassant les trois autres bateaux, la frégate La Méduse dévie de sa trajectoire de 160 kilomètres et quitte donc la route prévue. Le 2 juillet 1816, elle s’échoue à 160 kilomètres de la côte mauritanienne. 

L'équipage construit alors un radeau pour délester la frégate de ses lourdes marchandises, à l'exception des 44 canons, et pour la déséchouer. Les opérations de remise à flot s'avèrent vaines et l'évacuation devient nécessaire, même si dix-sept marins restent à bord afin de tenter de la ramener à bon port. 

Chaumareys, des passagers, Schmaltz et sa famille, embarquent sur six canots et chaloupes afin de gagner la terre ferme, à 95 kilomètres de là. 

150 marins et soldats s'entassent sur le radeau de fortune, non prévu pour transporter autant de gens. Long de vingt mètres et large de sept, il menace d'être submergé lorsqu'il est pleinement chargé. Chaumareys décide d'abandonner à leur sort les passagers du radeau, avec quelques maigres vivres. 

La situation se dégrade alors rapidement : les naufragés, pétris de peur, se disputent et font tomber leurs barriques d'eau douce dans l'océan, se reportant sur les barriques de vin pour étancher leur soif. Au septième jour, il ne reste que 27 survivants dont la moitié agonise. La faim, la colère, le délire éthylique pousse quelques désespérés à se jeter à l'eau ou à se livrer à des actes d'anthropophagie (cannibalisme de survie). Les officiers décident de jeter les blessés à la mer afin de conserver les rations de vin pour les hommes valides.

Au bout de treize jours, le 17 juillet 1816, le radeau est repéré par le brick L'Argus, alors qu'aucun effort particulier n'était entrepris pour le retrouver. Il n'a à son bord que quelques rescapés, qui sont suspectés de s'être entretués ou d'avoir jeté les autres par-dessus bord, voire d'avoir commis des actes de cannibalisme. La plupart des naufragés seraient morts de faim ou se seraient jetés à l'eau de désespoir. 


Sur le tableau…

La présence de figures directement inspirées des exercices académiques, la structure classique contrastent singulièrement avec le réalisme dont l’artiste fait preuve dans l’expression de l’agonie de ses personnages. Cette originalité, d’autant plus téméraire que la toile est de très grand format, ainsi que le sujet du tableau, qui condamne ouvertement la politique du gouvernement, déclenchèrent une vague de polémiques.

La toile reçoit, au Salon de 1819, un accueil très hostile car elle illustre pour la première fois un fait d’actualité sur un tableau immense.

Géricault refuse, en effet, les contraintes des normes classiques et cherche une manière de peindre plus libre. Par sa couche épaisse, son sens du mouvement et ses couleurs morbides, macabres, illustrant la mort, il a en lui la violence romantique : contrastes, effets d’ombre et de lumière. Ces audaces influenceront Delacroix qui a d’ailleurs posé pour l’un des personnages du Radeau (le mort au premier plan, face contre le radeau, bras gauche étendu).


Et ce que d’autres en ont fait…

En raison de sa célébrité et de son influence importante sur les arts, Le Radeau de La Méduse est l'objet de nombreuses références dans la littérature et la culture populaire. Dans L'Assommoir (1877), Émile Zola en fait mention.

Les références au tableau sont encore plus nombreuses en bande dessinée. Hergé reprend ainsi la composition du tableau dans la couverture de Coke en stock (1958). Dans une scène où le capitaine Haddock tombe à l'eau et remonte à la surface avec une méduse sur la tête, Tintin lui demande : « Vous voulez donc à tout prix que ce soit réellement Le Radeau de La Méduse ? ».

 De même, dans Astérix légionnaire (1967) de René Goscinny et Albert Uderzo, le radeau sur lequel finissent les pirates après que les Gaulois ont coulé leur navire est une copie fidèle du Radeau de La Méduse; l'allusion est en outre redoublée par une phrase prononcée par le chef des pirates (« Je suis médusé »). 

Le dessinateur Fred, dans Le Naufragé du « A » (1972), fait lui aussi référence au tableau, tout comme les auteurs de la série De cape et de crocs, dans le tome 8, ou André Chéret dans un album de Rahan. De nombreuses caricatures politiques, notamment dans Le Canard enchaîné et Le Figaro, reprennent la composition du tableau.


Je vous laisse lire le passage de la noce, dans l’Assommoir de Zola, scène où est cité le radeau
et relire l’album de Tintin, Coke en Stock
ou alors le tome 8 De cape et de crocs, série magnifiquement dessinée


Dans son album de 1964 intitulé Les Copains d'abord, Georges Brassens fait référence au radeau dans la chanson éponyme : « Non ce n'était pas le Radeau / De La Méduse ce bateau / Qu'on se le dise au fond des ports / Dise au fond des ports ». Je préfère vous laisser un air dans la tête, rengaine que vous allez fredonner toute la journée... 

Non, ce n'était pas le radeau 
De la Méduse, ce bateau, 
Qu'on se le dis' au fond des ports, 
Dis' au fond des ports, 
Il naviguait en pèr' peinard 
Sur la grand-mare des canards, 
Et s'app'lait les Copains d'abord 
Les Copains d'abord. 

Ses fluctuat nec mergitur 
C'était pas d'la littératur', 
N'en déplaise aux jeteurs de sort, 
Aux jeteurs de sort, 
Son capitaine et ses mat'lots 
N'étaient pas des enfants d'salauds, 
Mais des amis franco de port, 
Des copains d'abord. 

C'étaient pas des amis de lux', 
Des petits Castor et Pollux, 
Des gens de Sodome et Gomorrh', 
Sodome et Gomorrh', 
C'étaient pas des amis choisis 
Par Montaigne et La Boeti', 
Sur le ventre ils se tapaient fort, 
Les copains d'abord. 

C'étaient pas des anges non plus, 
L'Evangile, ils l'avaient pas lu, 
Mais ils s'aimaient tout's voil's dehors, 
Tout's voil's dehors, 
Jean, Pierre, Paul et compagnie, 
C'était leur seule litanie 
Leur Crédo, leur Confitéor, 
Aux copains d'abord. 

Au moindre coup de Trafalgar, 
C'est l'amitié qui prenait l'quart, 
C'est elle qui leur montrait le nord, 
Leur montrait le nord. 
Et quand ils étaient en détresse, 
Qu'leur bras lancaient des S.O.S., 
On aurait dit les sémaphores, 
Les copains d'abord. 

Au rendez-vous des bons copains, 
Y'avait pas souvent de lapins, 
Quand l'un d'entre eux manquait a bord, 
C'est qu'il était mort. 
Oui, mais jamais, au grand jamais, 
Son trou dans l'eau n'se refermait, 
Cent ans après, coquin de sort ! 
Il manquait encor. 

Des bateaux j'en ai pris beaucoup, 
Mais le seul qui'ait tenu le coup, 
Qui n'ait jamais viré de bord, 
Mais viré de port, 
Naviguait en père peinard 
Sur la grand-mare des canards, 
Et s'app'lait les Copains d'abord 
Les Copains d’abord.


Bonne visite au Louvre, où se trouve ce tableau
N’hésitez pas à aller le contempler, d’autant plus qu’il existe des visites guidées autour des tableaux les plus célèbres


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