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Le Tub - Le Bain - Femme dans une baignoire - Femme s'épongeant le dos
Le
21 April 2020,
Le président l'a
dit : il faut se laver les mains. Il a même mimé le geste, en direct depuis
l'Élysée, alors qu'il annonce les premières mesures de confinement. Mais ce n’est
pas si évident. Petit retour en arrière…
L'homme du Moyen Âge fréquente volontiers les bains et les étuves. Là-dessus, la grande peste débarque, en 1347. L'eau devient dangereuse. D'abord, on accuse les lépreux, les juifs, les vagabonds d'avoir empoisonné les puits, les rivières, les sources. Ensuite, on se met à penser que l'eau chaude ouvre les pores de la peau, y laissant entrer maladies et impuretés ! Les étuves commencent à fermer leurs portes. Avec une accélération surtout au 16e siècle.
Au 16e siècle, à partir de la Contre-Réforme, l'Église rappelle qu'il est interdit de se voir nu. On adopte donc une toilette sèche et le bain devient une pratique médicale, extrêmement redoutée d'ailleurs, une sorte de complément des purges et des saignées.
Si les bains sont courants à la fin du règne de Louis XV et sous Louis XVI – Marie-Antoinette en est friande – ils sont très rares à l'époque de Louis XIV. Comme toute l'aristocratie de l'époque, il se lave en se frottant régulièrement le corps avec des serviettes humides et imprégnées d'alcool, tout en changeant de chemise après chaque grosse transpiration. C'est la grande époque des "cabinets de toilette", pièce où l'on trouve une toile, posée sur une table, avec tous les accessoires nécessaires à l'hygiène comme les peignes, les pommades, les parfums…
La Grande-Bretagne est plus en avance : on lui doit, à la fin du 18e siècle, l'invention des WC et des tubs. Voyant ses villes se surpeupler sous l'effet de la révolution industrielle, elle mène des travaux urbains d'assainissement et d'apport en eau. Ce qui n’est pas simple ! En effet, cela exige des rues assez larges et pavées, un tout-à-l'égout…
En France, il faut attendre le 18e siècle et le retour à la nature cher à Jean-Jacques Rousseau pour que l'attention portée au corps renaisse. La mode du bain, avec immersion complète, s'installe vers 1750.
Les grandes crises sanitaires précipitent les prises de conscience. Après l'épidémie de choléra de 1832, avec ses mille morts par jour à Paris, des travaux sont menés, notamment la construction de plusieurs bains publics dans la capitale. Haussmann révolutionne le système d'approvisionnement en eau. D'une consommation de 7 à 8 litres d'eau par habitant par an, au début du 19e, on passe à 200, à la fin du siècle. Un peu moins d'un bain, donc, par an et par habitant sous la monarchie de Louis XVIII, et un peu plus de deux sous Napoléon III. L'hygiène moderne fait ses premiers pas aussi grâce aux travaux des médecins, au principe d'asepsie et aux découvertes de Louis Pasteur.
Mais il reste quand même un discrédit moral porté sur la propreté. En effet, les premières salles de bains sont installées chez des courtisanes. Une femme honnête n'a pas à se laver… Ce qui signifie que seules les femmes de mauvaise vie, les cocottes de haut rang, ont des chances d'être propres…
Pour les classes populaires, on privilégie la douche. Des philanthropes militent pour que des espaces dédiés soient prévus au sous-sol des immeubles construits à Paris au début du 20e siècle. Mais ils sont peu utilisés. Quant aux salles de bains privées…
Et dans les campagnes et les zones minières ? En 1940, de nombreuses fermes n'ont ni électricité ni eau courante. Pour prendre le bain, au mieux hebdomadaire, il faut, si on est en hiver, casser la glace du puits, tirer l'eau et la faire chauffer, isoler les hommes des femmes... Bref pas simple.
De nos jours… votre rédacteur vous laisse regarder chez vous !
Les tableaux affichés sont pour la plupart au Musée d’Orsay :
- Le Tub, par Edgar Degas, 1886, Musée d’Orsay, Paris
- Le Bain, par Alfred Stevens, 1867, Musée d’Orsay, Paris
- Femme dans une baignoire, par Edgar Degas, 1886, Musée d’Orsay, Paris
- Femme s'épongeant le dos, par Edgar Degas, 1887, Honolulu Museum of Art
Pour les passionnés du sujet, ne pas hésiter à lire Le Propre et le sale. L'hygiène du corps depuis le Moyen Âge par Georges Vigarello, historien.
Régalez-vous avec Femmes au bain. Du voyeurisme dans la peinture occidentale par Jacques Bonnet, difficile à trouver ce qui est dommage.
Du drôle d'usage de La salle de bain par Jean-Philippe Toussaint, livre plein d'humour.
Geste barrière, quand tu nous tiens !
L'homme du Moyen Âge fréquente volontiers les bains et les étuves. Là-dessus, la grande peste débarque, en 1347. L'eau devient dangereuse. D'abord, on accuse les lépreux, les juifs, les vagabonds d'avoir empoisonné les puits, les rivières, les sources. Ensuite, on se met à penser que l'eau chaude ouvre les pores de la peau, y laissant entrer maladies et impuretés ! Les étuves commencent à fermer leurs portes. Avec une accélération surtout au 16e siècle.
Au 16e siècle, à partir de la Contre-Réforme, l'Église rappelle qu'il est interdit de se voir nu. On adopte donc une toilette sèche et le bain devient une pratique médicale, extrêmement redoutée d'ailleurs, une sorte de complément des purges et des saignées.
Si les bains sont courants à la fin du règne de Louis XV et sous Louis XVI – Marie-Antoinette en est friande – ils sont très rares à l'époque de Louis XIV. Comme toute l'aristocratie de l'époque, il se lave en se frottant régulièrement le corps avec des serviettes humides et imprégnées d'alcool, tout en changeant de chemise après chaque grosse transpiration. C'est la grande époque des "cabinets de toilette", pièce où l'on trouve une toile, posée sur une table, avec tous les accessoires nécessaires à l'hygiène comme les peignes, les pommades, les parfums…
La Grande-Bretagne est plus en avance : on lui doit, à la fin du 18e siècle, l'invention des WC et des tubs. Voyant ses villes se surpeupler sous l'effet de la révolution industrielle, elle mène des travaux urbains d'assainissement et d'apport en eau. Ce qui n’est pas simple ! En effet, cela exige des rues assez larges et pavées, un tout-à-l'égout…
En France, il faut attendre le 18e siècle et le retour à la nature cher à Jean-Jacques Rousseau pour que l'attention portée au corps renaisse. La mode du bain, avec immersion complète, s'installe vers 1750.
Les grandes crises sanitaires précipitent les prises de conscience. Après l'épidémie de choléra de 1832, avec ses mille morts par jour à Paris, des travaux sont menés, notamment la construction de plusieurs bains publics dans la capitale. Haussmann révolutionne le système d'approvisionnement en eau. D'une consommation de 7 à 8 litres d'eau par habitant par an, au début du 19e, on passe à 200, à la fin du siècle. Un peu moins d'un bain, donc, par an et par habitant sous la monarchie de Louis XVIII, et un peu plus de deux sous Napoléon III. L'hygiène moderne fait ses premiers pas aussi grâce aux travaux des médecins, au principe d'asepsie et aux découvertes de Louis Pasteur.
Mais il reste quand même un discrédit moral porté sur la propreté. En effet, les premières salles de bains sont installées chez des courtisanes. Une femme honnête n'a pas à se laver… Ce qui signifie que seules les femmes de mauvaise vie, les cocottes de haut rang, ont des chances d'être propres…
Pour les classes populaires, on privilégie la douche. Des philanthropes militent pour que des espaces dédiés soient prévus au sous-sol des immeubles construits à Paris au début du 20e siècle. Mais ils sont peu utilisés. Quant aux salles de bains privées…
Et dans les campagnes et les zones minières ? En 1940, de nombreuses fermes n'ont ni électricité ni eau courante. Pour prendre le bain, au mieux hebdomadaire, il faut, si on est en hiver, casser la glace du puits, tirer l'eau et la faire chauffer, isoler les hommes des femmes... Bref pas simple.
De nos jours… votre rédacteur vous laisse regarder chez vous !
Les tableaux affichés sont pour la plupart au Musée d’Orsay :
- Le Tub, par Edgar Degas, 1886, Musée d’Orsay, Paris
- Le Bain, par Alfred Stevens, 1867, Musée d’Orsay, Paris
- Femme dans une baignoire, par Edgar Degas, 1886, Musée d’Orsay, Paris
- Femme s'épongeant le dos, par Edgar Degas, 1887, Honolulu Museum of Art
Pour les passionnés du sujet, ne pas hésiter à lire Le Propre et le sale. L'hygiène du corps depuis le Moyen Âge par Georges Vigarello, historien.
Régalez-vous avec Femmes au bain. Du voyeurisme dans la peinture occidentale par Jacques Bonnet, difficile à trouver ce qui est dommage.
Du drôle d'usage de La salle de bain par Jean-Philippe Toussaint, livre plein d'humour.
Geste barrière, quand tu nous tiens !