Interview d'Alain Bidjeck, co-fondateur du Mois des Cultures d'Afrique
Credits image :
La rédaction de Mes sorties culture a recontré Alain Bidjeck, co-fondateur du Mois des Cultures d’Afrique (MOCA) qui aura lieu du 29 avril au 30 mai 2016. Il nous en dit davantage à propos de ce bel événement !  

Quelle est la genèse du Mois des Cultures d’Afrique?
 

Avec Hilaire Penda, on se croise depuis des années. Un jour nous sous sommes retrouvés dans un forum assis l’un à côté de l’autre, lors d’une table ronde traitant de la visibilité des « musiques du monde ». Or nous avons eu la même réaction : ce label enferme les artistes. Parler de « musiques du monde » c’est bien trop étroit pour englober la diversité et la richesse des musiques du continent africain, ou influencées par ce continent. D’où un début de réflexion commune, qui nous a mené aujourd’hui à défendre le projet de Centre des Cultures d’Afrique.

Le MOCA est alors une sorte d’événement de préfiguration du CCA ?


Exactement.  

Quels sont les enjeux du futur CCA?
 

L’objectif, c’est de réunir ceux qui agissent pour la valorisation cultures africaines à Paris et en France. Nous avons le soutien de Bruno Julliard et de la Mairie de Paris, mais il a souligné à juste titre qu’un tel projet a besoin de temps pour se structurer : on le pense sur les 5 à 10 prochaines années. L’idée c’est vraiment d’impliquer à la fois les institutions et  l’ensemble des acteurs.  

Quand vous parlez de culture, vous l’entendez au sens large 
 

Oui, nous voulons donner place à toutes les expressions culturelles : spectacle vivant, carts visuels, danse, théâtre, musique…  

Quel est votre parcours à tous les deux ?
 

Hilaire Penda est musicien lui-même et directeur artistique du festival Rares Talents qui a lieu dans l’Est parisien. Quant à moi j’ai été longtemps manager d’artistes, puis producteur de spectacles (concerts, festivals). Et pour moi, toute rencontre est une collaboration potentielle : c’est ainsi que je fonctionne depuis toujours.  

Au fond, comment se fait-il qu’un tel lieu n’existe pas encore en France ?
 

Oui c’est très étonnant qu’aucun lieu comme ça n’existe en France. Beaucoup de gens me font la réflexion. Comme si les cultures africaines étaient « implicitement » présentes, mais sans lieu commun. A Paris, nous avons l’Institut du Monde Arabe, des maisons du Japon, de la Chine, de la Suède de la Norvège…mais aucun lieu consacré aux cultures d’Afrique. Il y a certes des raisons politiques, mais aussi culturelles : nous vivons dans une culture très élitiste et jusqu’alors les arts africains ont été souvent relégués à l’arrière-plan. C’est aussi une question de perception. Mais ce que je tiens à souligner, c’est qu’il ne faut pas tout attendre de l’état français : nous pouvons aussi prendre des initiatives, faire les choses. Et aujourd’hui il y a justement une belle convergence entre la volonté politique, les moyens techniques (l’aspect fédérateur d’internet notamment) et plusieurs générations d’afro-descendants qui comprennent parfaitement le fonctionnement des institutions et sont donc en mesure d’articuler leurs projets et les défendre.  

Quels seront les temps forts du MOCA ?
 

Outre les événements artistiques et les expositions, le MOCA offre aussi l’occasion de créer une plateforme pour faciliter les rencontres entre les artistes et le public C’est important pour nous de favoriser cette dimension d’échange, avec des discussions, de la transmission, des ateliers…   Pour les événements à ne pas manquer…Pas facile de choisir… je citerais bien sûr la grande rétrospective consacrée à Seïdou Keita au Grand Palais, La Journée brésilienne avec Flavia Coelho à Pantin, à la Dynamo, dans le cadre du festival Rares talents, L’exposition de la Galerie Joseph Bachaumont dédiée aux anciens rois africains Il y a l’embarras du choix : en tout plus de 100 événements  organisés dans toute l’ile de France  

La création du MOCA comme du CCA posent des questions d’ordre identitaire, à travers la représentation des cultures : quelle est aujourd’hui en France la visibilité des cultures venues d’ailleurs, et en particulier d’Afrique ?
 

Oui en effet, avec de tels événements, on questionne le territoire et l’identité française. Il ne faut pas oublier que la construction de l’état français est née en sacrifiant les identités régionales. Pour les populations d’origine étrangère, il est important de s’affirmer culturellement parlant, car quand on est migrant on ne garde que sa culture….ce qu’on emmène avec soi, c’est l’immatériel.   La première chose à faire, c’est exprimer cela, cet attachement à sa culture d’origine, qui ne s’oppose absolument pas à l’intégration : cela part plutôt d’une idée de partage. Nous défendons une certaine idée du vivre ensemble, avec chacun nos spécificités, nos belles originalités !    

Retrouvez dans cet article toutes les visites guidées associées à cet événement                 

Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture   
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com

Vous aussi, publiez vos propres articles
sur TartinesDeCulture !
Je m'inscris