Femmes qui lisent, danger...
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Ouvrir un livre, c’est ouvrir une brèche dans le temps. Chut... ne dites rien, soyez la plume se glissant par la fenêtre ouverte, invisible mais bien là, regardez leurs yeux virevolter d’une ligne à l’autre. Leur enveloppe charnelle est là, assise, mais leur âme est ailleurs, bien loin de la petite plume planant dans un rai de soleil.

La femme lisant est un thème classique en peinture. Pourtant, il faut des siècles avant que ne leur soit accordée la possibilité de lire à leur guise. La lecture est la possibilité de troquer un monde domestique étriqué contre l'espace illimité du savoir et de l'imagination, voire de la révolte. En lisant, les femmes s'approprient un pouvoir dévolu aux hommes. Un livre à la main, et c’est l’anarchie, bien visible dans le tableau "Femme en train de lire" de Pieter Janssens Elinga (1623-1682), où même la bonne cesse ses activités domestiques pour lire à la sauvette ! C'est le désordre assuré !

A Arles, Vincent Van Gogh (1853-1890) peint "une liseuse de romans". Pour un spectateur du 21e siècle, un livre avec une couverture jaune n’est pas significatif. Mais les contemporains de Van Gogh le reconnaisse immédiatement comme un livre broché français dit "moderne". Van Gogh est un lecteur passionné. Il admire particulièrement les frères Goncourt et Emile Zola qui offrent une perspective réaliste et non vernie de la vie de l’époque. Mais, au 19e siècle, un livre à couverture jaune est une lecture acceptable pour un homme, mais pas pour une femme. Van Gogh veut montrer qu’elles doivent lire de telles œuvres, afin d’être elles-mêmes "modernes" dans leur vision du monde.

"La liseuse" est le sujet central d’un tableau peint par Jean Honoré Fragonard (1732-1806). On sait peu de chose de la femme représentée. De par son maintien, le dos droit, elle appartient à la haute société. Elle tient délicatement son livre avec le petit doigt relevé, attestant d’une bonne éducation. Elle lit et se retire résolument dans son livre, éloignée et absorbée. Le peintre focalise sur elle, ne laissant autour d’elle qu’un fauteuil et un épais coussin. Le lilas des rubans et le coussin font ressortir le jaune éclatant de sa robe, illuminant le tableau. Contrairement aux prescriptions académiques, les coups de pinceau sont visibles. Le visage, en particulier, comporte de multiples touches de couleur. Fragonard est précurseur, cette alliance de couleurs contraires étant reprise un siècle plus tard par les impressionnistes.

Depuis ses débuts, Carl Holsøe (1863-1935) capture l'essence de la sérénité nordique. Ses intérieurs tranquilles et élégants évoquent le calme et l'intemporalité. Dans "Intérieur avec la femme de l'artiste en train de lire", illuminée par la lumière naturelle, une belle femme est assise, tournant le dos au spectateur, dont elle se fiche absolument. Vêtue d'une robe noire avec un col blanc, ses cheveux dans une coiffure à la mode, elle penche gracieusement la tête. Absorbée par le livre qu'elle lit, nous devenons des voyeurs d’un endroit auquel nous n’avons pas accès. Qui est-elle ? L’épouse de Carl Holsøe est fréquemment son modèle dans ses toiles, mais, par la position qu’elle adopte, son visage est toujours caché. 

Tableaux affichés :
1 – Une liseuse de romans, Vincent Van Gogh (1853-1890), vers 1888, Collection particulière
2 – La Liseuse, Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), vers 1770, National Gallery of Art, Washington (États-Unis)
3 – Intérieur avec la femme de l'artiste en train de lire, Carl Holsoe (1863-1935), non daté, Collection particulière


Pour les amoureux des livres, profitez des visites guidées des sites de la Bibliothèque Nationale de France

La Bibliothèque Humaniste de Sélestat vous invite à un voyage entre manuscrits médiévaux et imprimés du 15e et 16e siècle, et de riches explications agrémentent leurs visites guidées.

De courtes visites sont organisées à la magnifique Bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris, ainsi qu'à la Bibliothèque Mazarine.


Un livre sur les livres ?

Lisez L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon. Dans la Barcelone de l'après-guerre civile, la vie est difficile. Un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon - Daniel Sempere, le narrateur - dans un lieu mystérieux du quartier gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. Un classique aux 25 millions de lecteurs.

Le Manuscrit ms 408 Voynich, génial livre de Thierry Maugenest nous parle d’un réel manuscrit rédigé au 13e siècle, mis à l'index par le Saint-Siège, et suscitant la passion des collectionneurs et des souverains. Wilfried Voynich le repère en 1912 mais personne ne vient à bout de ce texte obstinément indéchiffrable. Le polar commence quand deux universitaires de renom plongent sans raison apparente dans un coma irréversible...

Et bien sûr Les femmes qui lisent sont dangereuses, livre dans lequel Laure Adler nous explique pourquoi les femmes sont dangereuses pour les autres et pour elles-mêmes. Parcourant la galerie artistique des amantes fatales, elle propose un décryptage passionnant d'une histoire trop longtemps laissée aux seuls mains et regards des hommes. Il y a une suite Les femmes qui lisent sont de plus en plus dangereuses.


Bonnes lectures entre deux visites guidées !

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