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Denis Diderot, écrivain par Louis-Michel Van Loo (1767) - Figure de fantaisie, autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot par Fragonard (1769) - Le Louvre, Paris
Le
26 September 2017,
Ce sont des portraits d'enfants, de jeunes beautés ou des vieillards ridés comme un chêne séculaire. Certains rient, d'autres dorment. Les unes dévoilent parfois un sein à une fenêtre, d'autres jouent de la musique. Les plus excentriques arborent même des costumes à "l'espagnole", des manches à crevés et des chapeaux à plumes.
La figure de fantaisie n'est pas un genre en soi. L'expression elle-même n'apparaît qu'au XIXe siècle. Pourtant, différentes écoles européennes peignent, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, de tels portraits peu classiques. On les retrouve en France, notamment sous le pinceau de Fragonard.
La figure de fantaisie semble se définir surtout par ce qu'elle n'est pas : ni un tableau de commande, ni un portrait, ni une allégorie clairement identifiable, ni même une étude d'expression. Ce sont des peintures illustrant la fascination qu'ont pu exercer la figure et le corps humains sur l'art européen pendant plus de deux siècles.
Indéterminée par nature, la figure de fantaisie peut aussi englober des tableaux dont le sens s'est parfois perdu. Sous les atours de la fantaisie, peuvent se cacher de vrais portraits.
Elle s'offre d'abord comme un espace de liberté, affranchi des conventions ou des règles d'un genre. Séduisante par son originalité, elle est exécutée parfois pour le pur plaisir du peintre, ou pour servir de modèle à ses élèves.
Fragonard (1732-1806) fait des études de chirurgie avant de devenir peintre. De sa vie antérieure, il conserve la faculté de préparer comme nul autre des écorchés : il pratique des découpes anatomiques de cadavres, à l'usage d'études artistiques.
En 1769, il réalise quatorze "figures de fantaisie" dont huit sont construits selon de grandes obliques et animés par des touches zigzagantes d'un chromatisme radieux. Aujourd'hui au Louvre, ces portraits sont peints d'après modèles ou inventés, avec des visages très coloriés et de larges coups de pinceau, où prédominent les couleurs rouge et or, représentant la vision d'un poète inspiré capturant l'essence de son sujet.
L'une de ses figures de fantaisie parmi les plus célèbres, est celle appelée "Figure de fantaisie, autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot".
Jusqu'en 2012, il n'y a aucun doute sur la personne figurant sur le tableau. C'est Diderot.
Mais en 2012, patatras, ce n'est pas Diderot que Fragonard a peint !
Dans le tableau de 1769, le célèbre penseur, exécuté d'une touche alerte, voire fougueuse, porte certes la chaîne symbolique du philosophe, mais ses yeux sont bleus. Or, ceux de Diderot sont marron, selon les descriptions de l'époque. En 1767, deux ans avant Fragonard, le peintre Louis-Michel Van Loo, réputé pour son conformisme académique, représente, lui aussi, l'encyclopédiste avec des yeux marron ! Le portrait de Diderot feuilletant l'Encyclopédie réalisé par Fragonard, ne peut donc pas être celui du célèbre philosophe !
L'usurpation d'identité est en France punie de plusieurs années d'emprisonnement, et de plusieurs milliers euros d'amende. Heureusement pour lui, l'homme représenté sur cette "Figure de fantaisie autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot" vit en 1769 , et ne tombe donc plus sous le coup de la loi.
Suite à de nombreux doutes et expertises, le tableau exposé au Louvre a été renommé, puisque, de plus, des croquis de travail laissés par Fragonard, qui mentionnait toujours les noms de ses modèles, montrent que si le patronyme écrit sous ces esquisses concernées reste illisible, il ne peut être identifié comme celui de Diderot.
Du pain béni pour les imprimeurs !
En effet, ce sont de nombreux dictionnaires, manuels scolaires et encyclopédies qui ont du rapidement se mettre à jour, puisque les articles et biographies de Denis Diderot étaient souvent illustrés de ce célèbre tableau, symbole du philosophe érudit perdu dans ses pensées.
Par contre, pas de veine pour Le Louvre, qui voit là une pièce maîtresse de ses galeries perdre de sa crédibilité....
Je ne peux que vous conseiller d'aller voir leurs yeux au Louvre, lors d'une visite guidée
N'hésitez pas à aller visiter, avec un guide, la maison de Denis Diderot, l'encyclopédiste.
Un livre bien illustré et documenté, sur les figures de fantaisie, Figures de fantaisies du XVIème au XVIIème siècle, de Axel Hémery.
Un roman passionnant sur la vie de Fragonard, Fragonard, l'invention du bonheur, de Sophie Chauveau, et, du même auteur, Diderot, le génie débraillé.
Un DVD sur Fragonard, FRAGONARD les gammes de l'amour.
Bonnes figures de fantaisie !
La figure de fantaisie n'est pas un genre en soi. L'expression elle-même n'apparaît qu'au XIXe siècle. Pourtant, différentes écoles européennes peignent, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, de tels portraits peu classiques. On les retrouve en France, notamment sous le pinceau de Fragonard.
La figure de fantaisie semble se définir surtout par ce qu'elle n'est pas : ni un tableau de commande, ni un portrait, ni une allégorie clairement identifiable, ni même une étude d'expression. Ce sont des peintures illustrant la fascination qu'ont pu exercer la figure et le corps humains sur l'art européen pendant plus de deux siècles.
Indéterminée par nature, la figure de fantaisie peut aussi englober des tableaux dont le sens s'est parfois perdu. Sous les atours de la fantaisie, peuvent se cacher de vrais portraits.
Elle s'offre d'abord comme un espace de liberté, affranchi des conventions ou des règles d'un genre. Séduisante par son originalité, elle est exécutée parfois pour le pur plaisir du peintre, ou pour servir de modèle à ses élèves.
Fragonard (1732-1806) fait des études de chirurgie avant de devenir peintre. De sa vie antérieure, il conserve la faculté de préparer comme nul autre des écorchés : il pratique des découpes anatomiques de cadavres, à l'usage d'études artistiques.
En 1769, il réalise quatorze "figures de fantaisie" dont huit sont construits selon de grandes obliques et animés par des touches zigzagantes d'un chromatisme radieux. Aujourd'hui au Louvre, ces portraits sont peints d'après modèles ou inventés, avec des visages très coloriés et de larges coups de pinceau, où prédominent les couleurs rouge et or, représentant la vision d'un poète inspiré capturant l'essence de son sujet.
L'une de ses figures de fantaisie parmi les plus célèbres, est celle appelée "Figure de fantaisie, autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot".
Jusqu'en 2012, il n'y a aucun doute sur la personne figurant sur le tableau. C'est Diderot.
Mais en 2012, patatras, ce n'est pas Diderot que Fragonard a peint !
Dans le tableau de 1769, le célèbre penseur, exécuté d'une touche alerte, voire fougueuse, porte certes la chaîne symbolique du philosophe, mais ses yeux sont bleus. Or, ceux de Diderot sont marron, selon les descriptions de l'époque. En 1767, deux ans avant Fragonard, le peintre Louis-Michel Van Loo, réputé pour son conformisme académique, représente, lui aussi, l'encyclopédiste avec des yeux marron ! Le portrait de Diderot feuilletant l'Encyclopédie réalisé par Fragonard, ne peut donc pas être celui du célèbre philosophe !
L'usurpation d'identité est en France punie de plusieurs années d'emprisonnement, et de plusieurs milliers euros d'amende. Heureusement pour lui, l'homme représenté sur cette "Figure de fantaisie autrefois identifiée à tort comme Denis Diderot" vit en 1769 , et ne tombe donc plus sous le coup de la loi.
Suite à de nombreux doutes et expertises, le tableau exposé au Louvre a été renommé, puisque, de plus, des croquis de travail laissés par Fragonard, qui mentionnait toujours les noms de ses modèles, montrent que si le patronyme écrit sous ces esquisses concernées reste illisible, il ne peut être identifié comme celui de Diderot.
Du pain béni pour les imprimeurs !
En effet, ce sont de nombreux dictionnaires, manuels scolaires et encyclopédies qui ont du rapidement se mettre à jour, puisque les articles et biographies de Denis Diderot étaient souvent illustrés de ce célèbre tableau, symbole du philosophe érudit perdu dans ses pensées.
Par contre, pas de veine pour Le Louvre, qui voit là une pièce maîtresse de ses galeries perdre de sa crédibilité....
Je ne peux que vous conseiller d'aller voir leurs yeux au Louvre, lors d'une visite guidée
N'hésitez pas à aller visiter, avec un guide, la maison de Denis Diderot, l'encyclopédiste.
Un livre bien illustré et documenté, sur les figures de fantaisie, Figures de fantaisies du XVIème au XVIIème siècle, de Axel Hémery.
Un roman passionnant sur la vie de Fragonard, Fragonard, l'invention du bonheur, de Sophie Chauveau, et, du même auteur, Diderot, le génie débraillé.
Un DVD sur Fragonard, FRAGONARD les gammes de l'amour.
Bonnes figures de fantaisie !