Ce sont amis que vent emporte...
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Il allait avoir 37 ans... Henri de Toulouse-Lautrec-Monfa naît en 1864. Il est le rejeton d’une des plus vieilles familles nobles de France, dont la généalogie remonte à 1390. Henri a une enfance heureuse. Las ! En 1874, une maladie génétique se révèle, affectant gravement son développement osseux : ses os sont fragiles et il a un grave retard de croissance. Il compense son infirmité et son manque d’avenir par un bon caractère, une humeur joyeuse voire coquine, et un grand sens de l’autodérision.

En 1878, à 14 ans, Henri se met au dessin, puis décide, en 1881, son état ne lui permettant jamais de prendre la suite de son père Mr le Comte, que la peinture sera son métier. Il entre en 1882, à 18 ans, dans l'atelier de Léon Bonnat, puis dans celui de Fernand Cormon.

"Toulouse-Lautrec, de dos" est un autoportrait de jeunesse réalisé vers 1884. L'artiste s’y représente de dos, ce qui est peu fréquent. Comment se peindre sans se voir ? L’explication avancée est celle de l’aide d’un photographe. Henri est assis face à une toile blanche sur laquelle il n’a rien commencé, mais où, facétieux, il "peint" la coquine inscription "oh ! que ce pet pue !", n’oubliant pas d’ajouter un petit nuage, un "vent", s'échappant de son postérieur.

Sa taille ne dépassera jamais 1,52 m. Son tronc est de taille normale, mais ses membres, surtout ses jambes, sont courts. Son physique est assez ingrat (photographie de Paul Sescau, 1894). Son visage, déformé, ne l’est pas moins, légèrement grassouillet, avec des lèvres et un nez épais (photographie de Paul Sescau, 1891). De plus, ô comble pour se pavaner dans les salons bourgeois, il zézaye !
Ces particularités physiques sont dues à une maladie génétique, la pycnodysostose, que certains de ses cousins ont eue aussi. Les autres conséquences de cette maladie sont l’absence de fermeture de la fontanelle crânienne, qui l’oblige à toujours porter un chapeau rigide, et un menton fuyant qui déséquilibre l'harmonie du visage, qu'il cachera sous une barbe.

Il adore se travestir, que ce soit pour son divertissement personnel ou pour un bal costumé. La photographie est pour lui un moyen de prendre la pose, de faire, en se déguisant, un pied de nez au sort en raillant son physique.
Il n’a jamais possédé d’appareil photo, ni jamais fait de photographie. Lorsqu’il en a besoin pour une transposition picturale, ou bien pour s’amuser, il en confie la tâche à l’un de ses amis : Paul Sescau, François Gauzi et Maurice Guibert.
Ces derniers l’ont photographié dans des accoutrements grotesques, incarnant tantôt un samouraï loucheur ou un muezzin exalté, tantôt un pierrot, ou une chanteuse affublée d’un boa. Il pose même en train de déféquer sur la page ! Ou bien nu en train de nager dans le bassin d’Arcachon.

Maurice Guibert (1856-1922) est un riche rentier, photographe amateur. Il rencontre Henri en 1887, alors âgé de 23 ans. Son influence est jugée néfaste, car il l’entraîne dans des bars chics ou des maisons closes de luxe.
Paul Sescau (1858-1926) est un photographe professionnel. Henri en a fait le portrait. Paul Sescau réalise pour lui des photographies de ses tableaux pour les présenter à des galeristes. Le tableau "à la mie" de Henri est fait à partir d’un cliché de Paul Sescau représentant Maurice Guibert.
François Gauzi (1862-1933), peintre, rédige la préface du catalogue de la rétrospective consacrée à Henri au Salon des artistes méridionaux de 1932. Il est l’auteur de portraits intimistes, de vues urbaines et de sa région natale. Henri en a fait le portrait.

N’ayant plus sa place au sein de l’aristocratie dont il est issu, Henri adopte le mode de vie de la Bohème parisienne. Ses amis sont peintres et modèles de peintres, prostituées, chanteuses et danseuses de cabaret, artistes de théâtre ou du cirque... C’est vraisemblablement dans ce milieu interlope qu’il attrape la syphilis et devient alcoolique. Il sera alcoolique pendant la plus grande partie de sa vie, mélangeant absinthe et cognac. Pour pouvoir boire où qu’il soit, sa canne est creuse et cache une longue fiole avec de l’alcool, un verre à pied étant dissimulé dans le pommeau.

En février 1899, frappé d’une crise de delirium tremens, il est interné dans une clinique, dont il ne sort que pour replonger. En mars 1901, un accident vasculaire cérébral le laisse paralysé des jambes, puis le 15 août, une attaque d'apoplexie le rend hémiplégique. Il décède le 9 septembre 1901. Il allait avoir 37 ans...

Les images ci-dessus sont :
1 – "Toulouse-Lautrec de profil et de face", 1891, photomontage fait par son ami Maurice Guibert
2 – "Toulouse-Lautrec, de dos", 1884, peint par Henri de Toulouse-Lautrec, Musée d'Art moderne de Fontevraud, France


Les tableaux de Toulouse-Lautrec sont visibles dans le monde entier, notamment au Musée d'Orsay, et il a son musée à Albi.

De cet artiste insaisissable, le plus célèbre des affichistes, un dessinateur et un peintre exceptionnel et prolifique, un DVD Toulouse-Lautrec, l'insaisissable, produit par ARTE Editions, raconte la vie. Celle-ci ressemble à un tourbillon, une course folle à l’image de sa production artistique, foisonnante et débridée. Doté d’une énergie débordante, il surpasse ainsi son handicap et ses douleurs.

Dans le film Minuit à Paris de Woody Allen, un scénariste en séjour à Paris rêve de devenir un vrai écrivain. Il est alors transporté chaque nuit dans les années 20 et rencontre ses idoles : Van Gogh, Gauguin, Toulouse-Lautrec... Bon divertissement.



Merci Henri !


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