Dans la tête de Goya
La Quinta del Sordo, littéralement la Maison du sourd, c'est celle qu'habita le grand peintre espagnol Goya à la fin de sa vie, près de Madrid, entre 1819 et 1823. Son nom,  elle le doit au propriétaire précédent, qui souffrait en effet de surdité. Ironie du sort, ce fut aussi le cas de Goya. 

Détruite en 1909, cette maison a longtemps recelé un secret bien gardé : la plupart de ses murs, sur deux étages, ont servi de support aux dernières peintures de Goya. Des images sombres, parfois cauchemardesques, aux tons éteints, reflets des tourments physiques et mentaux d'un homme vieillissant et désabusé.

Ces quatorze fresques sur plâtre ont été cataloguées par un autre peintre, Antonio de Burgada, et en 1874, elles ont été transférées sur des toiles avant d'être cédées en 1881 au musée du Prado, à Madrid. 

Goya ne leur donna pas de titre, mais elles ont reçu le nom de "Peintures noires" en raison de leurs sujets et de l'atmosphère de violence et d'inquiétude qu'elles dégagent. Les personnages y sont souvent grotesques, grimaçants. Certaines représentations frappent par leur grande modernité, qui confine à l'abstraction, tel ce "Chien" perdu dans l'immensité d'une image presque vide.

Certains commentateurs y voient un autoportrait de l'artiste ; Antonia Saura (peintre, lui aussi) écrivit au sujet de cette image étrange: « …de toute façon, la tête du chien qui pointe, et qui est notre portrait de solitude, n’est rien d’autre que Goya lui-même, observant quelque chose qui est en train de se passer ». 

Miroir intime des pensées sombres et de l'inquiétude existentielle, cet ensemble de peintures qui furent longtemps cachées continue de susciter fascination et interrogations, comme si elles nous offraient un chemin vers l'inconscient, dans l'envers du décor.  

Sonia Zannad

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