Zanele Muholi : quand l'appareil photo devient une arme militante
Activiste visuelle : c'est ainsi que se définit l'artiste photographe Zanele Muholi. Originaire d'Afrique du Sud, sa renommée ne cesse de grandir au fil des expositions internationales : ses portraits en noir et blanc ont fait entrer dans l’histoire de son pays ceux qui y sont systématiquement invisibilisés et stigmatisés, malgré la légalisation du mariage homosexuel en 2006 : homosexuels, bisexuels, asexuels, androgynes ou transgenres.

Très jeune, elle s'engage dans des ONG pour dénoncer les crimes homophobes et transphobes, puis dans la défense des droits des transgenres et des lesbiennes noires. A travers ces combats, il  lui apparaît nécessaire de se servir de son appareil photo pour témoigner, mais aussi pour transmettre l'histoire de cette communauté partout dans le monde ; la prise de vues est pour elle une activité militante à part entière. Faire entrer l'art queer et les "gens comme elle" – Muholi se définit comme non-binaire- au musée, c'est sa priorité.

A travers ses clichés sobres et fiers, elle crée une archive visuelle pour le futur, construit une mémoire nécessaire, raconte l'histoire et la beauté de sa communauté. "Nous sommes beaux et nous méritons d'être aimés", dit-elle. Et chacun des ses portraits, c'est vrai, nous invite à un regard franc, direct, humain. La photo est aussi un concentré d'identité qui permet d'être vu, reconnu, et Zanele Muholi offre à chacun de ses modèles un espace où il peut exister sous une forme magnifiée, dans un geste de reconnaissance et de célébration.

Dans l'une de ses dernières séries, elle livre une série d'autoportraits saisissants : le regard planté dans l'objectif, grimée et maquillée pour accentuer les contrastes entre sa couleur de peau et le blanc de ses yeux, elle joue sur les clichés des corps noirs exotisés, dans un écho direct à l'histoire coloniale, comme pour se réapproprier cette histoire. Pour mieux attraper notre regard et nous inviter à questionner les images, elle ne sourit jamais. Enfin, l'emploi d'objets du quotidien pour se fabriquer des parures de fortune et incarner des figures archétypales – reine zouloue, statue de la liberté, geisha – permet de confronter les représentations habituelles, et de souligner les effets de mise en scène. Des images fortes, belles, et tout sauf muettes. 

Sonia Zannad / Mes Sorties Culture

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