Vers la liberté, le saut...
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Un entrechat de danseur, le 16 Juin 1961...

L’Europe découvre Rudolf Noureev en Mai 1961 lors d'une tournée du Kirov de Léningrad à Paris.

Rudolf Noureev, dès 1961, est déjà repéré, en URSS, comme élément rebelle, exaspérant les autorités soviétiques. A Paris, il n’hésite pas à déjouer la surveillance du KGB et filer visiter les musées. Noceur impénitent, assumant pleinement son homosexualité, il écume les nuits parisiennes. On lui somme de retourner en URSS, même si le Kirov continue sa tournée. Un Tupolev l’attend pour rentrer à Moscou...

16 Juin 1961. Aéroport du Bourget. Le danseur étoile de 23 ans fait le grand saut vers la liberté, incroyable passage à l'Ouest pour un artiste. Alors que, sous la surveillance du KGB, il doit monter dans l'avion, il saute d'un bond auprès de policiers français en demandant l'asile politique. Désormais libéré, il peut devenir danseur émérite, célèbre, faisant carrière, et vivre comme bon lui semble. Il devient un mythe... La saga commence.  

La photo [2] est prise juste avant son passage à l’Ouest, dans les coulisses au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, en Juin 1961 (Lido / Sipa). 

Célébrissime dans le monde entier, il est pourtant considéré dans son pays, jusqu’à la chute de l’URSS, comme un traître. Se sachant lui-même malade du SIDA, sa mère étant mourante, il n’est autorisé à y retourner qu'en 1989, avec visa de… 48 heures.

Le saut du policier, le 15 Août 1961... 

Depuis 1949, un flot croissant d’habitants de la RDA fuit vers la RFA, particulièrement à Berlin, où la frontière est difficile à contrôler. En effet, il suffit d'y prendre le métro ou le chemin de fer pour passer d'est en ouest. Plus de 3 millions d'Allemands — sur une population totale de 16 millions — fuient la RDA par Berlin entre 1949 et 1961.

La RDA est sous domination soviétique. Une économie "planifiée" lui est imposée, celle-ci se révélant un désastre : dans l’industrie, dans l’agriculture, entraînant une pénurie alimentaire. La fuite de ses habitants la prive de sa main-d'œuvre et des devises indispensables pour sa survie. En 1961, la RDA risque la faillite et l’effondrement social.

Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, les Soviétiques décident d'ériger un mur entre Berlin Est et Berlin Ouest. En 1961, il se compose essentiellement de barbelés avec à certains endroits des murs de briques surmontés de barbelés. Seuls sept points de passage ultra-sécurisés subsistent. Il sera renforcé de manière progressive à travers plusieurs phases.

La photo [1] est appelée "Le Saut vers la Liberté". C’est le saut, vers l’Ouest, de Conrad Schuman, deux jours après le début de la construction du mur. Elle est prise par Peter Leibing, alors âgé de 20 ans, photographe dans l'Agence photographique Conti-Presse.

Conrad Schumann est un jeune homme de 19 ans, plutôt timide et réservé. Fils de paysans, il est policier parce que, comme d'autres, il y a la promesse d'ascension sociale. En 1961, l'absurdité de son travail, au moment où le régime se raidit, le pousse à fuir. Cette photo, publiée dans le monde entier, en fait un symbole pour ceux qui veulent fuir le régime.

Il refait sa vie en Bavière, s’y marie et a deux enfants. Le plus généralement, il ne parle pas de son passé. Craignant la Stasi, ministère de la Sécurité d’État, il évite les contacts avec sa famille restée en RDA, restant en RFA jusqu'à la chute du Mur en 1989. Après la chute, revenant en visite en ex-RDA, il constate que ses amis l'ont rejeté, le considérant comme un traître. Il sombre alors dans la dépression et se suicide en 1998.

La photo appartient, depuis 2011, au Patrimoine mondial de l'UNESCO en Allemagne.

Walter Ulbricht, dirigeant est-allemand, Juin 1961 argue que "Les constructeurs de notre capitale sont engagés dans la construction résidentielle, et ses ouvriers sont déployés pour cela. Personne n'a l'intention d'ériger un mur."

On connaît la suite de l'histoire...


Pour aller plus loin :

Le 15 août 1961, sans avoir prémédité son geste, Conrad Schumann, un policier est-allemand âgé de 19 ans, passe à Berlin-Ouest en sautant par-dessus les barbelés qui matérialisent la frontière avec l'Est. Un reporter capte la scène et signe la photo la plus célèbre de toute la guerre froide. Son histoire est racontée par Patrice Romedenne, journaliste français dans Le saut vers la liberté.

À la mort de son épouse , Kaspar découvre qu'avant de quitter la RDA, elle avait abandonné un bébé. Intrigué, Kaspar part à la recherche de cette belle-fille inconnue. Cette rencontre nous entraîne dans un passionnant voyage politique à travers l'histoire et les territoires allemands. Dans La petite-fille, Bernhard Schlink offre de nouveau un grand roman qui sonde puissamment la place du passé dans le présent.

"Mais qu'allais-je trouver de l'autre côté de la barrière, ici en Europe ? Je me retrouverais seul, mais pas de la façon que j'affectionnais : ce serait la solitude totale. Cette nouvelle liberté me semblait bien sombre. Je savais pourtant que c'était là le seul choix possible, parce qu'il m'offrait l'espoir de construire quelque chose qui me corresponde, l'espoir d'apprendre, d'observer par moi-même, de grandir...". Noureev nous livre ici ses Confessions inédites.

De retour de Russie, le danseur étoile Rudolf Noureev, mal dans sa peau, consulte Tristan Feller, psychanalyste. Le thérapeute est rapidement déstabilisé par son patient qui impose un cours peu orthodoxe à la cure : la plongée dans l'histoire d'une légende vivante... À travers ce roman Rudik, l'autre Noureev, c'est à un voyage au-delà des masques que nous convie Philippe Grimbert.


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