Une affaire de pommes pourries
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Votre rédacteur regarde le panier de fruits posé bien en évidence dans la cuisine, et constate que les pommes y attirent peu le chaland...

Auteur de plus d’un millier d’œuvres, dont certaines provoquent le scandale à leur époque, Gustave Courbet (1819-1877) est un peintre réaliste français, sans doute l’un des plus importants du 19e siècle. Politicien et élu républicain, il prend une part active à la Commune de Paris. Après la Semaine sanglante, du 21 au 28 Mai 1871, il est arrêté et emprisonné. Il purge sa peine tout d’abord à Versailles, puis à Sainte-Pélagie, ancienne prison parisienne détruite en 1899.

A peine enfermé, il souhaite peindre. On lui apporte alors ses pinceaux et ses couleurs. Puis il demande la possibilité d’avoir un modèle, ce qui lui est refusé sous le prétexte "qu'il n'est pas à Sainte-Pélagie pour s'amuser". Il a la chance de pouvoir recevoir des visites, et ses amis viennent en nombre. Ces derniers lui apportent réconfort bien sûr, mais aussi fleurs et... fruits. Ca y est, il a son modèle ! Il peint, à une vitesse saisissante, des natures mortes peuplées de fleurs et de fruits, révélant une autre facette de son talent. Le tableau "Pommes rouges au pied d'un arbre" en est un exemple. Sous son pinceau, le réalisme des fruits est frappant. A ceux qui lui apportent des fleurs ou des fruits, il fait porter le tableau composé avec ces modèles improvisés.

N’ayant pas d’autre modèle vivant que lui-même ou les visiteurs des autres prisonniers, il peint un de ses multiples autoportraits, "Autoportrait à Sainte-Pélagie", peint début 1872, visible au Musée Courbet, et donne quelques croquis aux familles des fédérés. Il est libéré en Mars 1872.

Glenn Brown, dont voici la photo, est un peintre britannique né en 1966. Membre des "Young British Artists", groupement d'artistes contemporains britanniques créé vers la fin des années 1980, il refuse la "mort" de la peinture et renouvelle le genre en n’hésitant pas à utiliser des innovations telles que le traitement d’image. Il aime à revisiter les chefs d’œuvre du passé, les transformant en changeant les couleurs ou les positions. Ses figures grotesques, presque dégoulinantes, ou qu’il est possible d’imaginer grouillantes de vers, sont fascinantes. Elles sont exécutées par l'application de coups de pinceau fins et tourbillonnants, créant ainsi l'illusion de surfaces presque photographiquement planes. L'effet est très troublant.

Dans son tableau "Burlesque", datant de 2008, vanité moderne où des pommes pourrissantes et putrides sont posées dans une atmosphère futuriste et cauchemardesque, il fait un clin d’œil au tableau de Gustave Courbet, mais en accentuant le pessimisme et la noirceur du tableau original. "Je suis comme Dr. Frankenstein, je construits mes peintures à partir des résidus ou des parties mortes des œuvres d’autres artistes", explique-t-il.

Dans la bible, livre de la Genèse, il n’est pas indiqué que le "fruit défendu" est une pomme, mais celle-ci en a pris la place. La pomme porte donc une dimension biblique et est souvent représentée dans l’art religieux. Elle est de plus un symbole sexuel, sa forme sphérique rappelant la poitrine féminine, tandis que son cœur coupé en deux suggère la vulve. Il est facile de s’en procurer, elle est donc fréquemment utilisée dans l’art.

Des origines à nos jours, tous supports confondus, le livre La pomme dans l’art propose un panorama de l'art à travers le motif de la pomme. Cette dernière a tenté d'innombrables peintres, au point d'être probablement le végétal le plus souvent représenté dans la peinture occidentale. Le présent livre en porte magnifiquement témoignage.


Et pour ne pas finir sur une odeur de pomme pourrie, la chanson "Cerisiers roses et pommiers blancs" vous apporte comme un bon goût de printemps...

Un dicton nous vient d'outre-manche, où l'on dit couramment "An apple a day keeps the doctor away" (une pomme par jour éloigne le médecin). No comment.

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