Le
1 December 2023,
"La photographie, c'est comme la pêche, parfois on attrape quelque chose" Elliott Erwitt
Certaines photos sont incrustées dans notre mémoire ou notre rétine, elles font partie de l'inconscient collectif. C'est le cas de ce Baiser californien signé Elliott Erwitt, qui date de 1956.
L'image est aussi simple qu'efficace : en noir et blanc, sur fond de soleil couchant (flou), on y aperçoit un couple qui s'embrasse dans le rétroviseur d'une voiture. Malicieusement, le photographe ne nous montre qu'un tout petit bout de la scène du baiser, livrant le reste à notre imagination.
Mais rien qu'avec ces quelques éléments, dans une composition parfaitement équilibrée, il parvient à planter le décor d'une scène de film romantique hollywoodien – dont c'est justement l'âge d'or, dans les années 1950. D'ailleurs, on devine le visage de l'homme plus qu'on ne le voit ; c'est surtout le sourire de la femme qui attire l'attention, ses dents blanches dignes d'une publicité pour le dentifrice, sa coquetterie, son bonheur intense.
Erwitt n'a pas peur ici de manipuler des clichés cinématographiques – la photo fait partie d'une commande du magazine Life sur le thème de l'amour. Mais ce baiser est véritablement "volé", ce n'était pas l'image prévue par la pose ou la préparation : illustration parfaite du fameux "instant décisif" cher à un autre photographe de génie, Henri Cartier-Bresson.
Le procédé qui consiste à incruster une image dans une autre image est connu depuis longtemps : on le retrouve dans bon nombre de tableaux classiques. Erwitt s'en inspire ici pour superposer plusieurs scènes : une vue de la mer au soleil couchant qui sert de toile de fond, un couple qui s'embrasse, point focal de la composition malgré sa petite taille, encadré par le cercle du rétroviseur, comme suspendu, et l'image "virtuelle" que nous reconstituons à partir de ces éléments partiels.
Si cette image fonctionne aussi bien, c'est aussi parce qu'elle nous place – tout comme le photographe – en position de voyeurs : nous ne sommes pas supposés voir cette scène, et pourtant nous y avons accès. Et puis, il est tentant de se projeter dans des rêves amoureux en la contemplant : dans le passé (ce que suggère l'idée du rétroviseur) ou dans le futur (ce que suggèrent le miroir et l'horzion) ; cet homme ou cette femme, ce pourrait être nous… Voilà pourquoi cette carte postale amoureuse continue, plus de 50 ans plus tard, à faire sourire celles et ceux qui la croisent!
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Publié la première fois le 24 février 2023
Certaines photos sont incrustées dans notre mémoire ou notre rétine, elles font partie de l'inconscient collectif. C'est le cas de ce Baiser californien signé Elliott Erwitt, qui date de 1956.
L'image est aussi simple qu'efficace : en noir et blanc, sur fond de soleil couchant (flou), on y aperçoit un couple qui s'embrasse dans le rétroviseur d'une voiture. Malicieusement, le photographe ne nous montre qu'un tout petit bout de la scène du baiser, livrant le reste à notre imagination.
Mais rien qu'avec ces quelques éléments, dans une composition parfaitement équilibrée, il parvient à planter le décor d'une scène de film romantique hollywoodien – dont c'est justement l'âge d'or, dans les années 1950. D'ailleurs, on devine le visage de l'homme plus qu'on ne le voit ; c'est surtout le sourire de la femme qui attire l'attention, ses dents blanches dignes d'une publicité pour le dentifrice, sa coquetterie, son bonheur intense.
Erwitt n'a pas peur ici de manipuler des clichés cinématographiques – la photo fait partie d'une commande du magazine Life sur le thème de l'amour. Mais ce baiser est véritablement "volé", ce n'était pas l'image prévue par la pose ou la préparation : illustration parfaite du fameux "instant décisif" cher à un autre photographe de génie, Henri Cartier-Bresson.
Le procédé qui consiste à incruster une image dans une autre image est connu depuis longtemps : on le retrouve dans bon nombre de tableaux classiques. Erwitt s'en inspire ici pour superposer plusieurs scènes : une vue de la mer au soleil couchant qui sert de toile de fond, un couple qui s'embrasse, point focal de la composition malgré sa petite taille, encadré par le cercle du rétroviseur, comme suspendu, et l'image "virtuelle" que nous reconstituons à partir de ces éléments partiels.
Si cette image fonctionne aussi bien, c'est aussi parce qu'elle nous place – tout comme le photographe – en position de voyeurs : nous ne sommes pas supposés voir cette scène, et pourtant nous y avons accès. Et puis, il est tentant de se projeter dans des rêves amoureux en la contemplant : dans le passé (ce que suggère l'idée du rétroviseur) ou dans le futur (ce que suggèrent le miroir et l'horzion) ; cet homme ou cette femme, ce pourrait être nous… Voilà pourquoi cette carte postale amoureuse continue, plus de 50 ans plus tard, à faire sourire celles et ceux qui la croisent!
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Publié la première fois le 24 février 2023