Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine
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Tout d’abord le coupable, un "tranche-tête" made in France.

Sous l’Ancien Régime, les modes de mise à mort sont nombreux : potence, bûcher, roue, écartèlement, ébouillantage et décapitation à l’épée, cette dernière étant réservée aux nobles. De plus, le bourreau, pas toujours adroit, inflige souvent d’inutiles souffrances. Cette inégalité jusque dans la mort choque les révolutionnaires. En 1789, le docteur Guillotin, député, prône l’égalité des peines, quels que soient le rang du coupable. Deux ans plus tard, le code pénal de 1791 précise que "tout condamné à mort aura la tête tranchée".

La guillotine (photo de tableau n°1) est donc née avec la Révolution française, puis ensuite utilisée pour exécuter la peine capitale, la dernière ayant lieu en 1977. Guillotin n’est toutefois pas l’inventeur de la machine. Les premiers essais ont lieu sur des moutons et trois cadavres. Le résultat jugé satisfaisant, la machine est juchée sur un "échafaud", et inaugurée pour décapiter un voleur, le 25 avril 1792, sur la place de Grève à Paris.

La demoiselle reçoit de nombreuses appellations, comme la "Mirabelle", en hommage à Mirabeau, ou encore la "Louisette", pour honorer son créateur, le chirurgien Antoine Louis, ou bien le "rasoir national".

Géricault s’en mêle.

L’année 1818 est riche en décapités. La tête (photo de tableau n°2) appartient probablement à un criminel condamné. Théodore Géricault est connu pour avoir acquis des cadavres de la morgue locale afin d’en étudier l'anatomie ainsi que les effets de la décomposition. Il produit ainsi plusieurs peintures de têtes décapitées et de membres sectionnés.

Il s’est vraisemblablement inspiré de "l’affaire Fualdès" qui défraye la chronique de 1817 à 1818 : l’ancien procureur impérial Fualdès est égorgé, puis son corps jeté dans l’Aveyron. C’est la France toute entière, puis l’Europe qui se passionnent. S’en suivent 3 procès, 11 accusés, plusieurs condamnations à mort et emprisonnements à perpétuité.

Puis Lamouroux fait des siennes.

En 1824, Claude Lamouroux est accusé d’avoir tué son père, à Saint-Privat-du-Dragon (Haute-Loire). Menaçant l’ordre social, le parricide est alors placé au sommet de la pyramide des crimes. Il est condamné à mort.

Historien et peintre, le vicomte François-Gabriel de Becdelievre est le directeur et fondateur du Musée du Puy en Haute-Loire. Il représente des compositions religieuses, des portraits et paysages. Il peint trois portraits du criminel : le premier, de son vivant, les deux autres après son exécution. La tête est présentée sur un plat, avec un linge censé absorber le sang et cacher le cou (photo de tableau n°3). 

Giuseppe Fieschi fait des siennes aussi.

Organisateur d'un attentat contre Louis-Philippe et la famille royale, Giuseppe Fieschi rate son but mais fait 18 morts dont 13 tués sur le coup. Son procès est suivi avec passion. Il s’y révèle être un aventurier paranoïaque et avide d’attirer l’attention sur lui, caractériel, sans motivations politiques ou idéologiques. Il est guillotiné en 1836 avec deux complices.

L'événement s'est déroulé en pleine période de diffusion de la phrénologie, théorie selon laquelle les bosses du crâne d'un individu reflètent son caractère. Son crâne est donc examiné par de nombreux éminents médecins qui cherchent à découvrir ce qui a déterminé son acte. Sa tête est peinte comme sujet d'étude par plusieurs artistes (photo de tableau n°4).

Voilà que Bernard Buffet s’en mêle aussi.

Avec des contours noirs épais et une palette sobre, Bernard Buffet est réputé pour ses peintures figuratives austères et anxiogènes, imprégnées de critique sociale. Celle-ci fait peut-être référence à Claude Buffet, délinquant et criminel récidiviste, son homonyme, guillotiné en 1972.

Puis vint Badinter.

Le 17 septembre 1981, dans un discours enflammé de plus de deux heures, Robert Badinter (pastel sur papier de Fred Kleinberg) demande solennellement à l’Assemblée nationale d’approuver le projet de loi sur l’abolition de la peine de mort...

Et le titre de l'article ?

Il renvoie à la dernière phrase prononcée par Danton sur l'échafaud : "Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine". Il faut dire que ce monsieur était, semble-t-il, fort laid, ma foi...


Quelques livres autour du sujet :

Victor Hugo était contre la peine de mort. Il nous fait entrer, avec Le Dernier Jour d'un Condamné, dans la tête d'un condamné à mort qui attend son exécution. On ignore quel crime il a commis. Car l'auteur ne veut que montrer l'horreur et l'absurdité de la situation. Réquisitoire contre la peine de mort, il s'agit d'une admirable leçon d'humanité.

Dans Claude Gueux, s'inspirant du cas d'un homme exécuté à Paris en 1832, et quelques années après Le Dernier Jour d'un Condamné, Victor Hugo écrit un nouveau plaidoyer contre la peine de mort. Il dénonce la misère qui frappe les classes laborieuses et l'enchaînement fatal qui les conduit au crime.

Avec Tu montreras ma tête au peuple, le romancier François-Henri Désérable nous entraîne dans les méandres mouvementés de la Révolution. On y croise Charlotte Corday, les Girondins lors de la fameuse nuit de leur dernier banquet à la Conciergerie, Danton pendant son ultime voyage jusqu'à la place de la Révolution, mais aussi Marie-Antoinette et Robespierre...


Les tableaux affichés :
1 – La Guillotine, par Bernard Buffet (1928-1999), 1977, Lithographie, Coll. Part.
2 – Tête d’un homme guillotiné, par Théodore Géricault (1791-1824), 1818, Art Institute, Chicago
3 – Tête du parricide Lamouroux, par François Gabriel de Becdelièvre (1778-1855), 1825, Musée Crozatier, Le Puy en Velay
4 – Tête de Giuseppe Fieschi (1790-1836), après son exécution, par Jacques Raymond Brascassat (1804-1867), 1836, Musée Carnavalet, Paris


Heureusement qu'on peut perdre la tête autrement que par le crime ! Par amour par exemple...

Gardez bien la vôtre au-dessus de vos épaules !



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