Stephen Shore ou le pouvoir de l'attention
Stephen Shore, grand photographe américain, fut parmi les premiers à utiliser l'esthétique de la photo couleur, à l'époque où seule le noir et blanc était considéré comme artistique. La couleur était alors réservée aux publicités, aux cartes postales ou aux magazines. Mais Shore voulait montrer le monde tel qu'il est :  en couleurs. 

Ce pionnier de la photo documentaire fête aujourd'hui ses 76 ans en gardant une curiosité de jeune homme et n'a jamais cessé de se réinventer ni de s'intéresser aux paysages de son pays, qu'il a sillonné dans tous les sens, à la recherche de tous les signes, tous les symboles de l'"american way of life", de la station-essence au motel, en passant par un sandwich dans un diner.  Autant d'éléments prosaïques qui forment une mosaïque vivante, un fascinant voyage dans l'espace-temps et dans la psyché de l'artiste, des années 1970 à nos jours. 

Animé d'une vocation précoce, il commence à produire des clichés – déjà remarquables -dès l'âge de 13 ans. A 17 ans, au lieu d'aller à l'université, il décide de suivre les activités d'Andy Warhol dans sa Factory : une expérience qui lui tiendra lieu de formation esthétique. Il développe ensuite un vocabulaire personnel, dans les années 1970, avec des "snapshots", des instantanés avec lesquels il veut témoigner de son regard sur le monde de la façon la plus spontanée et la plus neutre possible. Shore compare le fait de regarder et celui de voir à la différence entre écrire et parler. Son but, c'est plutôt que le spectateur ressente ce qu'il a ressenti, voie ce qu'il a vu, sans mise en scène ; il veut reproduire son expérience brute, authentique, quotidienne.  Et à partir de sujets en apparence banals, il parvient à créer des images saisissantes de beauté. 

Evidemment, cet effet de spontanéité est le fruit d'une immense concentration, d'une forme d'attention au monde dont le photographe parle volontiers. Il explique qu'il pratique une forme de méditation informelle, en prêtant une attention extrême à ce qui se passe ici et maintenant. C'est aussi pour cette raison qu'il affectionne les longs road-trips en voiture : "au fil du voyage, au fil des heures, mon esprit s'éclaircit, et je commence à voir avec bien plus de précision ce qui m'entoure", dit-il.

Sonia Zannad / Mes Sorties Culture

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