Le
29 July 2022,
Prenez un métronome, la version "vintage" de forme triangulaire, avec un balancier en métal pour marquer le tempo. Sur le poids du balancier, fixez la photo en noir et blanc d'un œil. Tel est le dispositif étonnant mis en place par Man Ray en 1923 pour ce ready-made surréaliste. Ready-made, parce qu'il utilise un objet manufacturé – le métronome- que l'on peut trouver dans le commerce, et qu'il l'élève au statut d'œuvre d'art en y apposant sa marque. Surréaliste, parce qu'il juxtapose deux éléments apparemment sans lien l'un avec l'autre – un métronome et la photo d'un œil - Il appelle cette oeuvre "Objet indestructible".
Mais dix ans plus tard, Ray fabrique une nouvelle version de cet objet, en changeant la photo : cette fois-ci c'est la photo de l'œil de la photographe Lee Miller, dont il vient de se séparer, qui est fixée sur le balancier. Lee Miller fut sa muse et son modèle, et cette séparation est très difficile pour Man Ray.
Il rebaptise alors l'objet "Objet à détruire" et l'accompagne d'instructions très précises :
"Découpez l'œil sur la photo d'une personne que vous avez aimée mais que vous ne voyez plus. Attachez cet œil au balancier du métronome et déplacez le poids pour obtenir le tempo voulu. Lancez le métronome et menez-le aux limites de son endurance. Avec un marteau et en ciblant bien, détruisez le tout d'un seul coup."
On le voit, il s'agit pour Man Ray d'exorciser la rupture, de créer un geste violent en réponse à la violence vécue. Il propose dans le même temps une performance à reproduire chez soi, une sorte de tutoriel pour qui voudrait s'improviser artiste, désacralisant ainsi le statut de l'œuvre d'art. Dans le cadre d'une exposition dadaïste, l'œuvre est exposée en 1957, et un groupe d'étudiants prend son titre au sérieux…et la détruit.
C'est alors que Man Ray décide de la reproduire, et de lui donner un nouveau titre. A présent, ce sera "Objet indestructible". Non sans humour Man Ray démontre ainsi la force de subversion de son travail, et montre que c'est bien lui qui définit les règles. Il peut exister des centaines de métronomes dotés d'un œil dans le monde, et il est impossible de savoir s'il s'agit d'une œuvre authentique ou non. Seul l'artiste peut décider de ce qui advient à son art, et de sa fonction.
MesSortiesCulture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Mais dix ans plus tard, Ray fabrique une nouvelle version de cet objet, en changeant la photo : cette fois-ci c'est la photo de l'œil de la photographe Lee Miller, dont il vient de se séparer, qui est fixée sur le balancier. Lee Miller fut sa muse et son modèle, et cette séparation est très difficile pour Man Ray.
Il rebaptise alors l'objet "Objet à détruire" et l'accompagne d'instructions très précises :
"Découpez l'œil sur la photo d'une personne que vous avez aimée mais que vous ne voyez plus. Attachez cet œil au balancier du métronome et déplacez le poids pour obtenir le tempo voulu. Lancez le métronome et menez-le aux limites de son endurance. Avec un marteau et en ciblant bien, détruisez le tout d'un seul coup."
On le voit, il s'agit pour Man Ray d'exorciser la rupture, de créer un geste violent en réponse à la violence vécue. Il propose dans le même temps une performance à reproduire chez soi, une sorte de tutoriel pour qui voudrait s'improviser artiste, désacralisant ainsi le statut de l'œuvre d'art. Dans le cadre d'une exposition dadaïste, l'œuvre est exposée en 1957, et un groupe d'étudiants prend son titre au sérieux…et la détruit.
C'est alors que Man Ray décide de la reproduire, et de lui donner un nouveau titre. A présent, ce sera "Objet indestructible". Non sans humour Man Ray démontre ainsi la force de subversion de son travail, et montre que c'est bien lui qui définit les règles. Il peut exister des centaines de métronomes dotés d'un œil dans le monde, et il est impossible de savoir s'il s'agit d'une œuvre authentique ou non. Seul l'artiste peut décider de ce qui advient à son art, et de sa fonction.
MesSortiesCulture / Sonia Zannad
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