Le
17 June 2023,
C'est au début du 20e siècle que le peintre Pierre Bonnard découvre la Côte d'Azur, grâce à ses amis les "nabis" Edouard Vuillard et Ker-Xavier Roussel. A propos de cette région, Bonnard déclara, ébloui : :« J'ai eu un coup des Mille et Une Nuits. La mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières ... ».
Longtemps après ce premier voyage, et conquis par de nombreux séjours sur la côte méditerranéenne, le coloriste de génie achète une modeste maison à un jardinier du Cannet, en 1926. C'est la villa Le Bosquet. Bonnard la choisit pour sa vue magnifique, en surplomb d'un beau jardin ; qui plus est on aperçoit la mer, au loin.
Il installe son atelier à l'étage, dans une pièce qu'il dote d'une mezzanine pour bénéficier d'un maximum de lumière et d'une vue plongeante. Le peintre ne s'établit pas au Cannet dès l'achat de sa maison : il 'y installe seulement en 1939, quand la Deuxième guerre mondiale est déclarée.
C'est sans doute dans "L'atelier au mimosa ", huile sur toile peinte en 1939 mais sur laquelle il fera des retouches jusqu'en 1946, que s'exprime le mieux la passion de Bonnard pour la lumière et son art de faire vibrer la couleur au cœur de l'hiver provençal.
Ce qui surprend ici, c'est d'abord l'audace du cadrage, très photographique : Bonnard mêle habilement l'intérieur et l'extérieur en montrant un petit bout de rambarde (dans l'atelier) mais aussi le cadre et les carreaux de la fenêtre, qui forment comme de multiples tableaux dans le tableau. L'immense masse jaune qui envahit l'espace donne vraiment la sensation d'une invasion de l'atelier par la nature environnante.
C'est précisément cette fusion que Bonnard exprime à travers cet usage extensif de la couleur : on ne fait que deviner les pompons délicats du mimosa, l'arbuste formant comme une immense tache de soleil. "Je ne veux pas peindre la vie, je veux rendre vivante la peinture", disait Bonnard.
Ce tableau d'une simplicité lumineuse cache une histoire plus sombre et plus intime : Marthe, qui fut le modèle préféré et l'amour de la vie de Bonnard, souffrait de troubles mentaux. Très torturée, elle aspirait au calme et à la solitude. C'est à sa demande qu'une baignoire fut installée au Cannet, seul élément de luxe dans cette modeste maison. Bonnard a d'ailleurs peint Marthe au bain tout au long de sa vie, faisant émerger des images ambivalentes, entre sensualité et visions morbides.
Mais, en 1942, sa femme adorée disparaît et Bonnard sombre dans une profonde mélancolie. Or, "l'Atelier au mimosa", débuté en 1939 et terminé en 1946, contient ce deuil : en prêtant attention au tableau, on aperçoit dans le coin gauche un visage de femme, comme transparent, juste esquissé, rond et fantomatique : sans doute l'âme de Marthe, double inséparable de Bonnard, qui continue d'habiter l'image comme elle habita le cœur du peintre jusqu'à sa propre disparition, en 1947.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Longtemps après ce premier voyage, et conquis par de nombreux séjours sur la côte méditerranéenne, le coloriste de génie achète une modeste maison à un jardinier du Cannet, en 1926. C'est la villa Le Bosquet. Bonnard la choisit pour sa vue magnifique, en surplomb d'un beau jardin ; qui plus est on aperçoit la mer, au loin.
Il installe son atelier à l'étage, dans une pièce qu'il dote d'une mezzanine pour bénéficier d'un maximum de lumière et d'une vue plongeante. Le peintre ne s'établit pas au Cannet dès l'achat de sa maison : il 'y installe seulement en 1939, quand la Deuxième guerre mondiale est déclarée.
C'est sans doute dans "L'atelier au mimosa ", huile sur toile peinte en 1939 mais sur laquelle il fera des retouches jusqu'en 1946, que s'exprime le mieux la passion de Bonnard pour la lumière et son art de faire vibrer la couleur au cœur de l'hiver provençal.
Ce qui surprend ici, c'est d'abord l'audace du cadrage, très photographique : Bonnard mêle habilement l'intérieur et l'extérieur en montrant un petit bout de rambarde (dans l'atelier) mais aussi le cadre et les carreaux de la fenêtre, qui forment comme de multiples tableaux dans le tableau. L'immense masse jaune qui envahit l'espace donne vraiment la sensation d'une invasion de l'atelier par la nature environnante.
C'est précisément cette fusion que Bonnard exprime à travers cet usage extensif de la couleur : on ne fait que deviner les pompons délicats du mimosa, l'arbuste formant comme une immense tache de soleil. "Je ne veux pas peindre la vie, je veux rendre vivante la peinture", disait Bonnard.
Ce tableau d'une simplicité lumineuse cache une histoire plus sombre et plus intime : Marthe, qui fut le modèle préféré et l'amour de la vie de Bonnard, souffrait de troubles mentaux. Très torturée, elle aspirait au calme et à la solitude. C'est à sa demande qu'une baignoire fut installée au Cannet, seul élément de luxe dans cette modeste maison. Bonnard a d'ailleurs peint Marthe au bain tout au long de sa vie, faisant émerger des images ambivalentes, entre sensualité et visions morbides.
Mais, en 1942, sa femme adorée disparaît et Bonnard sombre dans une profonde mélancolie. Or, "l'Atelier au mimosa", débuté en 1939 et terminé en 1946, contient ce deuil : en prêtant attention au tableau, on aperçoit dans le coin gauche un visage de femme, comme transparent, juste esquissé, rond et fantomatique : sans doute l'âme de Marthe, double inséparable de Bonnard, qui continue d'habiter l'image comme elle habita le cœur du peintre jusqu'à sa propre disparition, en 1947.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com