Credits image :
Voir article
Le
11 March 2021,
La prosopopée est une figure de rhétorique par laquelle
on invoque et fait discourir un être qui est absent, mort, imaginaire,
symbolique, inanimé ou une abstraction. Cet être agit, parle, répond et joue le
rôle de confident, témoin, vengeur, juge, garant, etc. Cette figure recourt
souvent à la personnification lorsqu’elle prête des qualités humaines (la
parole, les émotions, etc.) à des choses inanimées. En outre, la prosopopée a
une fonction allégorique : l’être inanimé invoqué représente une idée
abstraite.
Plusieurs auteurs, de plusieurs époques et plusieurs styles, ont utilisé des prosopopées, que ce soit dans des poèmes, de la chanson ou de la prose. En voici quelques exemples :
Gaius Fabricius Luscinus est un homme politique de la République romaine, célèbre par sa pauvreté et son désintéressement. Deux mille ans plus tard, c'est à lui que fait allusion Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) dans le "Discours sur les sciences et les arts" :
"Ô Fabricius, qu’eût dit votre grande âme si, pour votre malheur, rappelé à la vie, vous eussiez vu la face pompeuse de cette Rome sauvée par votre bras, et que votre nom respectable avait plus illustrée que toutes ses conquêtes ? Dieux ! eussiez-vous dit, que sont devenus ces toits de chaume et ces foyers rustiques qu’habitaient jadis la modération et la vertu ?".
"Le Bateau ivre", dont voici un extrait, est un poème écrit par Arthur Rimbaud (1854-1891) à la fin de l'été 1871, alors qu'il est âgé de 17 ans. Il raconte, à la première personne, un bateau sans maître, chahuté par les flots.
"[…] Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ; […]"
Il est aussi possible de citer "Le Petit Prince" de Saint-Exupéry (1900-1944), où l’auteur fait parler une rose :
"- Ah! Je me réveille à peine.
Ah! Je vous demande pardon.
Ah! Je suis toute décoiffée.
Mais je suis née en même temps que le soleil."
Dans sa chanson "Le France", Michel Sardou (1947-...) fait parler un bateau, sans le décrire comme un être vivant.
"[…] Ne m'appelez plus jamais France
La France, elle m'a laissé tomber... […] "
Dans son recueil les "Fleurs du Mal", poème "La Beauté", Baudelaire (1821-1867) fait parler une abstraction, la beauté (ce qui fait aussi du poème une allégorie).
"Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études;
Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !"
Les tableaux affichés ci-dessus sont :
- Portrait de Jean-Jacques Rousseau, par Maurice Quentin de La Tour, 1753, Musée Antoine-Lécuyer
- Portrait d’Arthur Rimbaud, détail de "Un coin de table", par Henri Fantin-Latour, 1872, Musée d'Orsay
- Photo d’Antoine de Saint-Exupéry
- Photo de Michel Sardou
- Portrait de Baudelaire, par Gustave Courbet, 1849, Musée Fabre
Plusieurs auteurs, de plusieurs époques et plusieurs styles, ont utilisé des prosopopées, que ce soit dans des poèmes, de la chanson ou de la prose. En voici quelques exemples :
Gaius Fabricius Luscinus est un homme politique de la République romaine, célèbre par sa pauvreté et son désintéressement. Deux mille ans plus tard, c'est à lui que fait allusion Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) dans le "Discours sur les sciences et les arts" :
"Ô Fabricius, qu’eût dit votre grande âme si, pour votre malheur, rappelé à la vie, vous eussiez vu la face pompeuse de cette Rome sauvée par votre bras, et que votre nom respectable avait plus illustrée que toutes ses conquêtes ? Dieux ! eussiez-vous dit, que sont devenus ces toits de chaume et ces foyers rustiques qu’habitaient jadis la modération et la vertu ?".
"Le Bateau ivre", dont voici un extrait, est un poème écrit par Arthur Rimbaud (1854-1891) à la fin de l'été 1871, alors qu'il est âgé de 17 ans. Il raconte, à la première personne, un bateau sans maître, chahuté par les flots.
"[…] Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ; […]"
Il est aussi possible de citer "Le Petit Prince" de Saint-Exupéry (1900-1944), où l’auteur fait parler une rose :
"- Ah! Je me réveille à peine.
Ah! Je vous demande pardon.
Ah! Je suis toute décoiffée.
Mais je suis née en même temps que le soleil."
Dans sa chanson "Le France", Michel Sardou (1947-...) fait parler un bateau, sans le décrire comme un être vivant.
"[…] Ne m'appelez plus jamais France
La France, elle m'a laissé tomber... […] "
Dans son recueil les "Fleurs du Mal", poème "La Beauté", Baudelaire (1821-1867) fait parler une abstraction, la beauté (ce qui fait aussi du poème une allégorie).
"Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études;
Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !"
Les tableaux affichés ci-dessus sont :
- Portrait de Jean-Jacques Rousseau, par Maurice Quentin de La Tour, 1753, Musée Antoine-Lécuyer
- Portrait d’Arthur Rimbaud, détail de "Un coin de table", par Henri Fantin-Latour, 1872, Musée d'Orsay
- Photo d’Antoine de Saint-Exupéry
- Photo de Michel Sardou
- Portrait de Baudelaire, par Gustave Courbet, 1849, Musée Fabre