Picasso et l'art nègre
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De l'exposition "Icônes de l'art moderne" à la Fondation Louis Vuitton, on ne peut que sortir fasciné ou... perplexe, devant ce déploiement de cubisme. Ca nous rappelle quelque chose, mais quoi, mais quoi ? Bien sûr, des statuettes africaines !

Dans la tradition picturale, depuis la mise en oeuvre de la perspective jusqu'à la Renaissance,  le peintre donne du sens à des images ressemblantes à notre perception visuelle. Et voilà que des formes étranges, exprimant la structure abstraite et non l’identité, des formes simplifiées, déformées, créées dans des sociétés traitées, à l'époque, de "sociétés primitives" ou de "sociétés sauvages", se trouveraient porteuses d’une expressivité infiniment plus forte, plus adaptée aux sensations du 20ème siècle que les figures usées de l’académisme.

Au Musée d'ethnographie du Trocadéro, face à "l'art nègre", Picasso avoue avoir compris le sens de la peinture. Les trouvailles des artistes africains l'accompagnent pendant toute sa vie. André Derain traverse la Manche pour peindre Londres. Entre deux toiles, une visite au British Muséum l'ébranle. Il découvre, stupéfait, dans les vitrines du musée, des objets "pharamineux, affolant[s] d’expression".

"L’art nègre"
ne désigne alors pas seulement l’art africain, mais tout ce qui concerne globalement les arts "exotiques", alors peu connus des Occidentaux.

Matisse, Derain, Picasso voient dans les objets africains non plus des curiosités, comme les colons qui les rapportent alors en Europe, mais de l’art... Il y a ainsi de l’art dit "art nègre" dans l’élaboration des signes plastiques qui vont assurer l’essor de ce qu’on appelle maintenant le cubisme. C’est ainsi que l’on retrouve "l’image" des nombreux objets africains collectionnés par Matisse, Derain et Picasso dans nombre de leurs oeuvres. 

Pourtant, Picasso nie avoir été influencé par l’art africain pour peindre sa première oeuvre cubiste. "Il n’y a pas d’art nègre dans Les Demoiselles d’Avignon", affirme-t-il. Le rapprochement stylistique est pourtant troublant... Un masque Mahongwé (nord est du Gabon actuel) aurait pu inspirer Picasso pour la création des demoiselles d’Avignon...

"Le processus créatif est un phénomène complexe, explique Virginie Perdrisot, conservatrice au Musée Picasso, notamment chargée de sa collection personnelle – dont une dizaine de coiffes, statuettes et masques africains. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il possédait déjà des pièces africaines, qu’il avait été ébranlé par sa visite au Trocadéro. L’art dit primitif a forcément été un déclencheur, il lui a permis d’exprimer une certaine radicalité, une simplification des formes. Mais il s’agit d’une source d’inspiration parmi d’autres, notamment l’art ibérique, qui compte beaucoup pour lui au même moment."

La communication entre Picasso et l’art nègre ne cesse d’intervenir dans sa création, à chaque fois qu’il sent le besoin de s’appuyer sur le "dérangement primitiviste". En fait, c’est tout son vocabulaire proprement cubiste, ses reconstructions géométriques qui doivent quelque chose à sa réflexion sur la stylisation nègre. Si Picasso se sert de moyens et d’un vocabulaire empruntés à l’art d’Afrique noire, c’est parce qu’il reconnait leur pouvoir expressif et leur transcendance. Il ne cesse d’affirmer qu’à ses yeux, cet art était un art savant et non pas un art primitif au sens vulgaire donné à ce terme.

Il contribue ainsi à une communication esthétique au plus haut niveau entre l’art dit "moderne" et les arts d’Afrique noire, rendant à ceux-ci toute leur place dans les développements de l’art de l’humanité.

Allez donc vous régaler ! N'hésitez pas à suivre les mini visites guidées de 15 minutes qui sont disséminées dans toute l'exposition, tout au long de la journée.

Site de la Fondation Louis Vuitton : http://www.fondationlouisvuitton.fr/expositions/icones-de-l-art-moderne.html 
ou sur FaceBook : https://www.facebook.com/FondationLouisVuitton.




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