J'étais un photographe de guerre
Credits image :
Le 25 mai 1954, à Thai Binh, 70 km au sud de Hanoï, Endre Friedmann, photographe et correspondant de guerre, voulant prendre une photo d'un groupe de soldats français progressant dans les champs, s’écarte du chemin et pose le pied sur une mine antipersonnel...

Endre Friedmann nait en 1913, en Hongrie, dans une famille juive. Sa fréquentation des milieux communistes révolutionnaires l’oblige à fuir son pays à l’âge de 17 ans. Souhaitant être journaliste, en 1931, il quitte Budapest pour Berlin où il trouve du travail dans une agence photographique. En parallèle, de 1931 à 1933, à Berlin, il suit des cours de sciences politiques.

1932. Trotski, alors pourchassé par Staline, donne une conférence à Copenhague. L'agence fournit un Leica à Friedmann pour couvrir le sujet, et le magazine Der Welt Spiegel publie ses photos.

1933. L’arrivée de Hitler au pouvoir entraîne son départ pour Paris. Il y rencontre Henri Cartier-Bresson, ainsi que d'autres Juifs émigrés comme lui. Francisant son nom, il se fait appeler "André Friedmann". Épais sourcils, yeux et cheveux noirs, lèvres charnues, look de beau gosse, son charme est immense, et il en profite. Dans un café du quartier latin, en 1934, il fait la connaissance de Gerda Taro, une étudiante allemande, qui devient photographe. Ils deviennent amants en 1935 et Gerda Taro n’hésite pas à le photographier.

Son célèbre cliché, qui fera le tour du monde, "Mort d'un soldat républicain", est pris lors de la guerre civile espagnole en 1936. Ensuite, toujours dans le camp de ceux qui partagent ses idéaux antifascistes, il couvre essentiellement des guerres, toujours au plus près des conflits : Guerre d’Espagne, Guerre Sino-Japonaise de 1938, Seconde Guerre Mondiale et notamment le débarquement, Guerre d’Israel en 1948, Guerre d’Indochine.

Lors de la Guerre Sino-Japonaise de 1938, le cliché d'un enfant chinois habillé en militaire lui obtient le titre de photographe de guerre le plus célèbre au monde. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, il est le seul photographe présent lors du Débarquement.

En 1947, Friedmann fonde l’agence photographique Magnum, qui regroupe certainement les plus célèbres photographes du monde. Friedmann est conscient que l’agence Magnum ne doit pas rater le coche de la photographie couleur. 

Deux ans après l’armistice, les magazines délaissent la thématique de la reconstruction pour des sujets plus légers. L’été, il fréquente Deauville et son hippodrome, celui de Longchamp, l’hiver, il skie. Dans ses clichés, où la composition est savamment étudiée, le glamour règne et les jolies femmes défilent. Son objectif capte baigneurs, touristes, l’actrice Capucine accoudée à un balcon, la couleur conférant une modernité inédite à ses images. Aujourd’hui, sont dénombrés un peu plus de 4000 clichés couleur pour quelque 20 000 en noir et blanc.

Dans le sud de la France à l'été 1948, il passe du temps avec Picasso, Françoise Gilot, compagne de Picasso, et leurs enfants sur la Côte d'Azur. Les clichés pris pendant cette période montrent Picasso comme un père vivant pieds nus et insouciant, avec son fils, profitant des plaisirs simples de la vie : une facette de l’artiste rarement vue.

1954. Guerre d’Indochine. Il ne veut pas couvrir cette guerre coloniale pour laquelle il n’a aucune sympathie, et où il ne parvient pas à s'identifier à un camp. Et c’est à contre-cœur qu'il part aux côtés de l'armée française. De plus, la censure apportée à son travail l’irrite. La bataille de Diên Biên Phu est la dernière grande bataille de la Guerre d’Indochine. Le camp français tombe le 7 mai 1954 après des semaines de combats meurtriers. C’est la fin de la présence coloniale française en Asie et la guerre du Vietnam qui s’annonce.

Bien avant 1954, 1935. Ses photos se vendent mal. Friedmann décide alors de créer sa propre légende et invente le personnage fictif de Robert Capa, riche photographe américain... Il nous laisse en héritage ses clichés au plus proche du sujet, captant l'émotion instantanée.

Les deux images affichées ont été prises par Robert Capa juste avant sa mort. Celle de gauche est "Femmes pleurant près de la tombe d’un soldat dans un cimetière. Nam Dinh, 21 mai 1954". Robert Capa disait de cette photo qu’elle serait l’une de ses plus mémorables. Celle de droite est le dernier cliché pris par lui, le 25 mai 1954, peu avant de sauter sur une mine.


Le roman de Susana Fortes est celui de Robert Capa et Gerda Taro. Dans En attendant Robert Capa, années 30, Gerta Pohorylle, juive allemande, fuit à Paris. Elle y rencontre André Friedmann, hongrois antifasciste et photographe passionné. Après s'être inventé de nouvelles identités, Robert Capa et Gerda Taro se rendent sur le front espagnol, gravant sur pellicule les atrocités du franquisme et leur légende en noir et blanc.

Pour les amoureux de ses belles images, Robert Capa, la collection présente la sélection la plus complète de son œuvre, 937 photos choisies méticuleusement par son frère Cornell Capa (lui-même un éminent photographe de Life) et par son biographe Richard Whelan. Les photographies sont classées et accompagnées de brefs commentaires.

Une vie romanesque, un photographe mythique et une mort tragique... Aucun film ne raconte Robert Capa. Symbole d'une génération de journalistes et de photographes, Robert Capa incarne l'esprit d'aventure - une vie romanesque, un charmeur - Capa a traversé tous les grands évènements du siècle. Le documentaire Robert Capa, l'homme qui voulait croire à sa légende essaie de raconter le photographe.


Robert Capa disait "La guerre c’est comme une actrice qui vieillit : de plus en plus dangereuse et de moins en moins photogénique.". A la lecture des actualités, la suite de l’Histoire lui donne raison...


Vous aussi, publiez vos propres articles
sur TartinesDeCulture !
Je m'inscris