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Le
29 March 2022,
Baudelaire,
dans l'appendice aux Fleurs du Mal écrit : "Tu m'as donné ta boue et
j'en ai fait de l'or"... Il n’est pas sûr que les hordes de guerriers qui,
depuis des siècles, gadouillent sur les champs de bataille ou dans les
tranchées, aient de telles pensées.
Raspoutitsa, quel joli mot pour désigner de la… gadoue. De la boue, mais pas n’importe laquelle. En Russie, Ukraine et Biélorussie, lors de la fonte des neiges au printemps ou lors des pluies mêlées de neige en automne, une grande partie des terrains plats se transforme en une mer de boue épaisse et collante. On appelle cette période la raspoutitsa. En l’absence de réseau routier en dur, impossible d’avancer dans cette souille.
La raspoutitsa, dernier rempart de cette partie du monde, a joué un rôle crucial durant les guerres : elle a freiné Hitler lors de l’opération Barbarossa, la Grande Armée de Napoléon lors de sa campagne de Russie, les armées suédoises etc.
Lors de la campagne de Russie, en juin 1812, l'essentiel de l'armée est regroupé en Lituanie. Napoléon poursuit l’armée russe. Lors de la prise de Moscou, les troupes russes et la plupart des habitants restants abandonnent la ville devant l'avance de Napoléon. Le 14 septembre, un incendie de cause incertaine détruit Moscou. C’est le début de la retraite de Russie, en octobre 1812. Et c’est là que l’armée s’enfonce dans la raspoutitsa d’automne… puis très vite c’est le terrible hiver russe, aussi surnommé le général Hiver. On connaît la suite.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, 1941, Hitler, optimiste, sûr d’enfoncer rapidement les lignes russes, se fait piéger. Les russes jouent la montre, eux seuls savent… Résultat, la Blitzkrieg est quasiment stoppée par la boue en l'absence d'un réseau routier pavé, rendant les chars les plus puissants inutilisables. Staline profite de ce répit pour refaire son armée minée par les purges, et préparer la bataille de Moscou durant l’hiver 1941. Là encore on connaît la suite.
Les citoyens russes sont chaque année confrontés à la raspoutitsa. Au printemps, l'eau libérée par la fonte de la neige, mêlée avec de la terre et de petits débris, remplit les trottoirs et endommage les routes de presque toutes les villes de Russie. Même à Moscou, en sortant d'un taxi ou du métro, on risque de marcher non pas sur de l'asphalte sec, mais dans une grande flaque d'eau boueuse, dans de la neige fondue et sale, ou carrément un trottoir plein de boue. En fait, pendant une bonne partie de l'année, ils pourraient chanter avec Petula Clarck :
"Du mois de septembre au mois d'août
Faudrait des bottes de caoutchouc
Pour patauger dans la gadoue
La gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh la gadoue, la gadoue"
Pour revenir à la triste actualité, en 2022, il n'y a pas que les soldats ukrainiens et les civils retranchés dans les villes qui mènent la vie dure à l'armée russe en Ukraine. Il y a aussi un phénomène météorologique appelé raspoutitsa…
La raspoutitsa, tout comme l’hiver si difficile, est une fierté pour les russes. Les écrivains et artistes s’en régalent et y puisent largement leur inspiration... Voici les nom des tableaux affichés :
1 - Raspoutitsa, par Alexei Kondratievich Savrasov, 1894, Volgograd Museum of Fine Arts
2 - Procession religieuse dans la province de Koursk, par Ilya Répine, 1883, Galerie Tretiakov, Moscou
3 - La Raspoutitsa d'Automne, par Arkhip Ivanovitch Kouïndji, 1872, Musée russe, Saint-Pétersbourg
4 - Le dégel, par Fyodor Vasilyev, 1871, Galerie Tretiakov, Moscou
Alexeï Kondratievitch Savrassov (1830-1897) est un peintre paysagiste russe qui fait partie du mouvement des peintres ambulants, terme donné au mouvement réaliste russe (de 1863 à 1890), en réaction contre l'enseignement de l'Académie Russe des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg.
Ilya Répine (1844-1930) est l’une des plus grandes gloires de l’art russe. Son œuvre est considérée comme un jalon essentiel de l’histoire de la peinture russe des 19e et 20e siècles. Il s’intéresse aux différents aspects de la vie culturelle : littérature, musique, sciences… Il est très proche de nombreuses personnalités russes comme l’écrivain Tolstoï, le compositeur Moussorgski, ou encore le collectionneur Trétiakov.
Arkhip Ivanovitch Kouïndji (1841-1910) est un peintre paysagiste ukrainien. Il mêle l’art à la recherche de nouveaux pigments et produits pour ses tableaux, de manière à ce qu'ils résistent à l'influence de l'air ambiant et conservent leurs couleurs primitives, permettant de donner une nouvelle esthétique aux paysages.
Fiodor Vassiliev (1850-1873), étoile filante de la peinture russe, est un peintre paysagiste. En travaillant sur le tableau "Le Dégel" durant l'hiver 1870, il contracte la tuberculose, et décède peu d’années après.
C'est au volant de sa voiture, dans les bouchons, en alternant France Info et une radio musicale où passait une célèbre chanson de Michel Delpech, que votre rédacteur a eu l'idée de faire un petit pied de nez à la météo...
"On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue,
On dirait que ça te gêne de dîner avec nous."
Bonne gadouille !
Raspoutitsa, quel joli mot pour désigner de la… gadoue. De la boue, mais pas n’importe laquelle. En Russie, Ukraine et Biélorussie, lors de la fonte des neiges au printemps ou lors des pluies mêlées de neige en automne, une grande partie des terrains plats se transforme en une mer de boue épaisse et collante. On appelle cette période la raspoutitsa. En l’absence de réseau routier en dur, impossible d’avancer dans cette souille.
La raspoutitsa, dernier rempart de cette partie du monde, a joué un rôle crucial durant les guerres : elle a freiné Hitler lors de l’opération Barbarossa, la Grande Armée de Napoléon lors de sa campagne de Russie, les armées suédoises etc.
Lors de la campagne de Russie, en juin 1812, l'essentiel de l'armée est regroupé en Lituanie. Napoléon poursuit l’armée russe. Lors de la prise de Moscou, les troupes russes et la plupart des habitants restants abandonnent la ville devant l'avance de Napoléon. Le 14 septembre, un incendie de cause incertaine détruit Moscou. C’est le début de la retraite de Russie, en octobre 1812. Et c’est là que l’armée s’enfonce dans la raspoutitsa d’automne… puis très vite c’est le terrible hiver russe, aussi surnommé le général Hiver. On connaît la suite.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, 1941, Hitler, optimiste, sûr d’enfoncer rapidement les lignes russes, se fait piéger. Les russes jouent la montre, eux seuls savent… Résultat, la Blitzkrieg est quasiment stoppée par la boue en l'absence d'un réseau routier pavé, rendant les chars les plus puissants inutilisables. Staline profite de ce répit pour refaire son armée minée par les purges, et préparer la bataille de Moscou durant l’hiver 1941. Là encore on connaît la suite.
Les citoyens russes sont chaque année confrontés à la raspoutitsa. Au printemps, l'eau libérée par la fonte de la neige, mêlée avec de la terre et de petits débris, remplit les trottoirs et endommage les routes de presque toutes les villes de Russie. Même à Moscou, en sortant d'un taxi ou du métro, on risque de marcher non pas sur de l'asphalte sec, mais dans une grande flaque d'eau boueuse, dans de la neige fondue et sale, ou carrément un trottoir plein de boue. En fait, pendant une bonne partie de l'année, ils pourraient chanter avec Petula Clarck :
"Du mois de septembre au mois d'août
Faudrait des bottes de caoutchouc
Pour patauger dans la gadoue
La gadoue, la gadoue, la gadoue
Ouh la gadoue, la gadoue"
Pour revenir à la triste actualité, en 2022, il n'y a pas que les soldats ukrainiens et les civils retranchés dans les villes qui mènent la vie dure à l'armée russe en Ukraine. Il y a aussi un phénomène météorologique appelé raspoutitsa…
La raspoutitsa, tout comme l’hiver si difficile, est une fierté pour les russes. Les écrivains et artistes s’en régalent et y puisent largement leur inspiration... Voici les nom des tableaux affichés :
1 - Raspoutitsa, par Alexei Kondratievich Savrasov, 1894, Volgograd Museum of Fine Arts
2 - Procession religieuse dans la province de Koursk, par Ilya Répine, 1883, Galerie Tretiakov, Moscou
3 - La Raspoutitsa d'Automne, par Arkhip Ivanovitch Kouïndji, 1872, Musée russe, Saint-Pétersbourg
4 - Le dégel, par Fyodor Vasilyev, 1871, Galerie Tretiakov, Moscou
Alexeï Kondratievitch Savrassov (1830-1897) est un peintre paysagiste russe qui fait partie du mouvement des peintres ambulants, terme donné au mouvement réaliste russe (de 1863 à 1890), en réaction contre l'enseignement de l'Académie Russe des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg.
Ilya Répine (1844-1930) est l’une des plus grandes gloires de l’art russe. Son œuvre est considérée comme un jalon essentiel de l’histoire de la peinture russe des 19e et 20e siècles. Il s’intéresse aux différents aspects de la vie culturelle : littérature, musique, sciences… Il est très proche de nombreuses personnalités russes comme l’écrivain Tolstoï, le compositeur Moussorgski, ou encore le collectionneur Trétiakov.
Arkhip Ivanovitch Kouïndji (1841-1910) est un peintre paysagiste ukrainien. Il mêle l’art à la recherche de nouveaux pigments et produits pour ses tableaux, de manière à ce qu'ils résistent à l'influence de l'air ambiant et conservent leurs couleurs primitives, permettant de donner une nouvelle esthétique aux paysages.
Fiodor Vassiliev (1850-1873), étoile filante de la peinture russe, est un peintre paysagiste. En travaillant sur le tableau "Le Dégel" durant l'hiver 1870, il contracte la tuberculose, et décède peu d’années après.
C'est au volant de sa voiture, dans les bouchons, en alternant France Info et une radio musicale où passait une célèbre chanson de Michel Delpech, que votre rédacteur a eu l'idée de faire un petit pied de nez à la météo...
"On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue,
On dirait que ça te gêne de dîner avec nous."
Bonne gadouille !