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Le
21 January 2025,
1917, à Tulle. Deux lettres anonymes partent, premières d'une longue série de 110 qui, pendant 4 ans, bouleversent la vie des habitants.
Infidélités, délits, rumeurs, secrets et drames familiaux, tout est mis sur la place publique. Tout le monde suspecte tout le monde ! La presse s'empare de l'affaire qui tient la France en haleine. Une dictée collective permet de trouver la coupable. Le journal "Le Matin" décrit l'accusée comme un corbeau, avec ses vêtements noirs de deuil : un "oiseau funèbre qui a replié ses ailes".
En 1943 sort le film d'Henri-Georges Clouzot, "Le Corbeau", qui dépeint l'ambiance lourde de la France de Vichy et tourne autour d'une affaire de lettres anonymes. Depuis, les anonymographes sont connus dans le langage courant comme des "corbeaux".
Le corbeau est présent un peu partout dans la culture : sous forme d'oiseau ou sous la forme d'un symbole. Réputé pour sa grande longévité, son intelligence et son organisation sociale, il n'est pas chassé, étant immangeable. Son plumage noir, son cri rauque et surtout son comportement charognard lui donnent souvent mauvaise presse. Il est clairement un "oiseau de mauvaise augure".
Il peut se vanter d'être un héros dans la littérature. Qui ne se souvient pas du corbeau dans le poème du même nom, écrit en 1845 par Edgar Allan Poe ? Le narrateur, accablé par la mort de son aimée, y reçoit la visite nocturne et récurrente d'un corbeau qui répète inlassablement "Jamais plus" ("Nevermore"). Il finit par sombrer dans la folie...
La peinture n'est pas en reste.
Prince du romantisme allemand, Caspar David Friedrich (1774–1840) mène le paysage au sommet du genre.
Dans son tableau "Corbeaux sur un arbre" (1822), profonde réflexion métaphysique, il représente un arbres noir, couché, dénudé, mourant. Le ciel, déchiré par sa sombre silhouette, semble s’embraser en un coucher de soleil funeste. On entend presque résonner les lugubres croassements des corbeaux, symboles de mort, qui viennent se percher.
La scène se situe face à l’île allemande de Rügen, où le peintre a l’habitude de séjourner et qu’il représente dans de nombreuses toiles.
Le peintre allemand August Friedrich Schenck (1828-1901), dans "Angoisses" (1878), représente une brebis bouleversée et terrorisée, au-dessus du cadavre de son agneau, entourée d'un meurtre de corbeaux qui souhaitent s'en repaître. Le souffle sortant, dans l'air glacé, de la bouche de la brebis et le filet de sang dans la neige accentuent l'effet apocalypse de ce tableau.
En 1885, il peint la même scène, mais inversée : l'agneau est vivant, mais c'est sa mère qui est morte, les corbeaux attendant sur une barrière à côté. Ce tableau, nommé "L'Orphelin, souvenir d'Auvergne", se trouve au Musée d'Orsay.
L'oeuvre la plus connue du peintre russe Alekseï Savrassov (1830-1897) est "Les freux sont de retour" (1871). À la fin de 1870, il obtient la mission de réaliser une série de dessins et peintures représentant les paysages de la Volga en hiver. Le peintre et sa famille partent alors pour la ville de Iaroslavl, où sa femme tombe gravement malade et leur fille décède. Profondément marqué par cette tragédie, cette toile débute la période sombre de son auteur, qui devient malade et alcoolique. Ce dernier tombe dans la misère à la fin de sa vie et meurt dans un hospice de pauvres à Moscou.
"Apothéose de la guerre" (1871), est une toile célèbre de Vassili Verechtchaguine (1842-1904), représentant un monticule de crânes survolé par une nuée de corbeaux. Elle se trouve à la Galerie Tretiakov (Moscou). Dans le fond, une ville rasée et des arbres carbonisés. Le peintre, qui est aussi un soldat expérimenté, utilise la peinture pour rendre l'horreur de la guerre et la cruauté des multiples conquêtes tsaristes de son époque, permettant alors une très grand expansion de l'Empire Russe.
Les œuvres affichées dans l'image sont :
1 - Corbeaux sur un arbre, peint en 1822 par Caspar David Friedrich, Musée du Louvre, Paris
2 - Angoisses, peint en 1878 par August Friedrich Schenck, Musée national du Victoria, Melbourne
3 - Les freux sont de retour, peint en 1871 par Alexeï Savrassov, Galerie Tretiakov, Moscou
Autour du corbeau :
Dans son ouvrage Le corbeau, une histoire culturelle, à travers 80 illustrations et un plan chronologique et thématique, Michel Pastoureau retrace l’histoire symbolique, littéraire, lexicale et artistique du corbeau, qui tout à la fois intrigue, fascine ou terrifie.
Pour quelques frayeurs avec des oiseaux, regardez Les oiseaux de Hitchcock qui narre les attaques inexpliquées d'oiseaux de toutes espèces sur les habitants d'une petite ville. Il faut trois ans de préparation avant le tournage : de nombreux trucages, bien sûr, mais aussi le dressage de milliers d'oiseaux.
Si vous préférez, lisez le roman de Daphné du Maurier, du même nom, à l'origine du film de Hitchcock.
Le film a inspiré Xavier Despeyroux pour son livre Dans les oiseaux. Le héros donne des cours de cinéma sur Hitchcock. Les attaques de corbeaux commencent à frapper Paris, sa femme ressemble à l'héroïne du film...
On ne peut finir sans un extrait du poème de Edgar Allan Poe, dont voici une des multiples traductions : Alors cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : "Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne !" Le corbeau dit : "Jamais plus !"
Et comme tout ne peut finir qu'en chanson, même lugubre, Léo Ferré nous a mis "Les corbeaux" de Arthur Rimbaud en notes.
Sacré corbeau !
Infidélités, délits, rumeurs, secrets et drames familiaux, tout est mis sur la place publique. Tout le monde suspecte tout le monde ! La presse s'empare de l'affaire qui tient la France en haleine. Une dictée collective permet de trouver la coupable. Le journal "Le Matin" décrit l'accusée comme un corbeau, avec ses vêtements noirs de deuil : un "oiseau funèbre qui a replié ses ailes".
En 1943 sort le film d'Henri-Georges Clouzot, "Le Corbeau", qui dépeint l'ambiance lourde de la France de Vichy et tourne autour d'une affaire de lettres anonymes. Depuis, les anonymographes sont connus dans le langage courant comme des "corbeaux".
Le corbeau est présent un peu partout dans la culture : sous forme d'oiseau ou sous la forme d'un symbole. Réputé pour sa grande longévité, son intelligence et son organisation sociale, il n'est pas chassé, étant immangeable. Son plumage noir, son cri rauque et surtout son comportement charognard lui donnent souvent mauvaise presse. Il est clairement un "oiseau de mauvaise augure".
Il peut se vanter d'être un héros dans la littérature. Qui ne se souvient pas du corbeau dans le poème du même nom, écrit en 1845 par Edgar Allan Poe ? Le narrateur, accablé par la mort de son aimée, y reçoit la visite nocturne et récurrente d'un corbeau qui répète inlassablement "Jamais plus" ("Nevermore"). Il finit par sombrer dans la folie...
La peinture n'est pas en reste.
Prince du romantisme allemand, Caspar David Friedrich (1774–1840) mène le paysage au sommet du genre.
Dans son tableau "Corbeaux sur un arbre" (1822), profonde réflexion métaphysique, il représente un arbres noir, couché, dénudé, mourant. Le ciel, déchiré par sa sombre silhouette, semble s’embraser en un coucher de soleil funeste. On entend presque résonner les lugubres croassements des corbeaux, symboles de mort, qui viennent se percher.
La scène se situe face à l’île allemande de Rügen, où le peintre a l’habitude de séjourner et qu’il représente dans de nombreuses toiles.
Le peintre allemand August Friedrich Schenck (1828-1901), dans "Angoisses" (1878), représente une brebis bouleversée et terrorisée, au-dessus du cadavre de son agneau, entourée d'un meurtre de corbeaux qui souhaitent s'en repaître. Le souffle sortant, dans l'air glacé, de la bouche de la brebis et le filet de sang dans la neige accentuent l'effet apocalypse de ce tableau.
En 1885, il peint la même scène, mais inversée : l'agneau est vivant, mais c'est sa mère qui est morte, les corbeaux attendant sur une barrière à côté. Ce tableau, nommé "L'Orphelin, souvenir d'Auvergne", se trouve au Musée d'Orsay.
L'oeuvre la plus connue du peintre russe Alekseï Savrassov (1830-1897) est "Les freux sont de retour" (1871). À la fin de 1870, il obtient la mission de réaliser une série de dessins et peintures représentant les paysages de la Volga en hiver. Le peintre et sa famille partent alors pour la ville de Iaroslavl, où sa femme tombe gravement malade et leur fille décède. Profondément marqué par cette tragédie, cette toile débute la période sombre de son auteur, qui devient malade et alcoolique. Ce dernier tombe dans la misère à la fin de sa vie et meurt dans un hospice de pauvres à Moscou.
"Apothéose de la guerre" (1871), est une toile célèbre de Vassili Verechtchaguine (1842-1904), représentant un monticule de crânes survolé par une nuée de corbeaux. Elle se trouve à la Galerie Tretiakov (Moscou). Dans le fond, une ville rasée et des arbres carbonisés. Le peintre, qui est aussi un soldat expérimenté, utilise la peinture pour rendre l'horreur de la guerre et la cruauté des multiples conquêtes tsaristes de son époque, permettant alors une très grand expansion de l'Empire Russe.
Les œuvres affichées dans l'image sont :
1 - Corbeaux sur un arbre, peint en 1822 par Caspar David Friedrich, Musée du Louvre, Paris
2 - Angoisses, peint en 1878 par August Friedrich Schenck, Musée national du Victoria, Melbourne
3 - Les freux sont de retour, peint en 1871 par Alexeï Savrassov, Galerie Tretiakov, Moscou
Autour du corbeau :
Dans son ouvrage Le corbeau, une histoire culturelle, à travers 80 illustrations et un plan chronologique et thématique, Michel Pastoureau retrace l’histoire symbolique, littéraire, lexicale et artistique du corbeau, qui tout à la fois intrigue, fascine ou terrifie.
Pour quelques frayeurs avec des oiseaux, regardez Les oiseaux de Hitchcock qui narre les attaques inexpliquées d'oiseaux de toutes espèces sur les habitants d'une petite ville. Il faut trois ans de préparation avant le tournage : de nombreux trucages, bien sûr, mais aussi le dressage de milliers d'oiseaux.
Si vous préférez, lisez le roman de Daphné du Maurier, du même nom, à l'origine du film de Hitchcock.
Le film a inspiré Xavier Despeyroux pour son livre Dans les oiseaux. Le héros donne des cours de cinéma sur Hitchcock. Les attaques de corbeaux commencent à frapper Paris, sa femme ressemble à l'héroïne du film...
On ne peut finir sans un extrait du poème de Edgar Allan Poe, dont voici une des multiples traductions : Alors cet oiseau d’ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire : "Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n’es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne !" Le corbeau dit : "Jamais plus !"
Et comme tout ne peut finir qu'en chanson, même lugubre, Léo Ferré nous a mis "Les corbeaux" de Arthur Rimbaud en notes.
Sacré corbeau !