Le
22 October 2020,
L'Esclave rebelle fait partie des sculptures les plus célèbres de Michel-Ange. Il est visible au Louvre, où il forme un duo contrasté avec L'esclave mourant. Conçues au départ pour orner le tombeau monumental du pape Jules II – ce dernier prévoyait un tombeau orné de 40 sculptures et installé au beau milieu de la basilique Saint-Pierre à Rome – ces sculptures inachevées n'ont finalement jamais été livrées. Michel-Ange (de son vrai nom Michelangelo Buonarotti) a choisi de les offrir à un italien vivant en France, Strozzi, et elles ont beaucoup voyagé dans notre pays avant d'atterrir au Louvre.
Contempler l'Esclave rebelle, c'est se retrouver devant un colosse impressionnant de plus de deux mètres, dont la vision diffère totalement en fonction du point de vue adopté. Tantôt il offre au spectateur la vision de son torse, tantôt celle de son visage ; en effet, le personnage se contorsionne de manière spectaculaire, les muscles tendus à l'extrême. On aperçoit bien un lien sur son torse, mais l'esclave semble bien plutôt tenter de se dégager –depuis le début du 16e siècle –de sa gangue de marbre brut. Les deux mains dans le dos sont d'ailleurs encore prises dans la matière…
Cet inachèvement donne de la puissance à l'œuvre, et si le sculpteur de génie était adepte du non finito, c'est peut-être autant parce qu'il doutait sans cesse de son travail, se décourageant en cours de route, faute de parvenir à son idéal, que pour mieux mettre en valeur son incroyable virtuosité. Les parties travaillées côtoient en effet les parties brutes de la matière, et l'on mesure alors le travail de titan, la force et la précision qu'il a fallu pour extraire un tel personnage du marbre à coups de burin, la finesse nécessaire pour rendre un tel modelé et conférer un tel réalisme au corps de cet éphèbe, le prodige qui consiste à créer un tel mouvement à partir d'un matériau par définition inerte. Autre intérêt : c'est presque comme si Michel-Ange avait souhaité, très pédagogiquement, nous montrer les étapes de son travail, la taille qui consiste à retirer de la matière, en gardant des parties non sculptées mais porteuses de traces d'outils.
Sur le sens symbolique de cet esclave (et de son comparse l'Esclave mourant), les spécialistes n'ont jamais réussi à se mettre d'accord : sont-ils les métaphores des provinces soumises à l’autorité du pape ? Ou bien montrent-ils l’âme humaine prisonnière de ses passions matérielles, thème de prédilection de l’artiste ? Nul ne le sait. On pourrait aussi y voir, plus simplement, la métaphore parfaite du travail inouï qui permet de passer d'un bloc de marbre à un personnage qui continue à nous émouvoir, 500 ans après sa création. Comme si cet esclave rebelle représentait l'art qui cherche à nous atteindre, au prix d'un effort surhumain, et poursuivait le geste vivant d'un artiste disparu.
Vous pouvez découvrir cette sculpture au musée du Louvre, lors d'une des visites guidées ou voire même celle consacrée à l'exposition sur les sculptures italiennes.
Laissons pour finir la parole à Michel-Ange :
«Le meilleur des artistes n’a jamais d’idée
Qui ne soit renfermée dans un bloc de marbre
Cachée sous son écorce;
mais pour l’atteindre, Il faut que la main obéisse à l’intellect. »
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Contempler l'Esclave rebelle, c'est se retrouver devant un colosse impressionnant de plus de deux mètres, dont la vision diffère totalement en fonction du point de vue adopté. Tantôt il offre au spectateur la vision de son torse, tantôt celle de son visage ; en effet, le personnage se contorsionne de manière spectaculaire, les muscles tendus à l'extrême. On aperçoit bien un lien sur son torse, mais l'esclave semble bien plutôt tenter de se dégager –depuis le début du 16e siècle –de sa gangue de marbre brut. Les deux mains dans le dos sont d'ailleurs encore prises dans la matière…
Cet inachèvement donne de la puissance à l'œuvre, et si le sculpteur de génie était adepte du non finito, c'est peut-être autant parce qu'il doutait sans cesse de son travail, se décourageant en cours de route, faute de parvenir à son idéal, que pour mieux mettre en valeur son incroyable virtuosité. Les parties travaillées côtoient en effet les parties brutes de la matière, et l'on mesure alors le travail de titan, la force et la précision qu'il a fallu pour extraire un tel personnage du marbre à coups de burin, la finesse nécessaire pour rendre un tel modelé et conférer un tel réalisme au corps de cet éphèbe, le prodige qui consiste à créer un tel mouvement à partir d'un matériau par définition inerte. Autre intérêt : c'est presque comme si Michel-Ange avait souhaité, très pédagogiquement, nous montrer les étapes de son travail, la taille qui consiste à retirer de la matière, en gardant des parties non sculptées mais porteuses de traces d'outils.
Sur le sens symbolique de cet esclave (et de son comparse l'Esclave mourant), les spécialistes n'ont jamais réussi à se mettre d'accord : sont-ils les métaphores des provinces soumises à l’autorité du pape ? Ou bien montrent-ils l’âme humaine prisonnière de ses passions matérielles, thème de prédilection de l’artiste ? Nul ne le sait. On pourrait aussi y voir, plus simplement, la métaphore parfaite du travail inouï qui permet de passer d'un bloc de marbre à un personnage qui continue à nous émouvoir, 500 ans après sa création. Comme si cet esclave rebelle représentait l'art qui cherche à nous atteindre, au prix d'un effort surhumain, et poursuivait le geste vivant d'un artiste disparu.
Vous pouvez découvrir cette sculpture au musée du Louvre, lors d'une des visites guidées ou voire même celle consacrée à l'exposition sur les sculptures italiennes.
Laissons pour finir la parole à Michel-Ange :
«Le meilleur des artistes n’a jamais d’idée
Qui ne soit renfermée dans un bloc de marbre
Cachée sous son écorce;
mais pour l’atteindre, Il faut que la main obéisse à l’intellect. »
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com