Les mystère de la Dame à la licorne
Réalisée au début du XVIe siècle pour le compte d'un noble, le magistrat  et ambassadeur Antoine le Viste, la tapisserie de la Dame à la licorne, ensemble composé de 6 tentures, montre une belle dame blonde longiligne et sa suivante s'adonnant à des activités plaisantes au milieu d'un jardin et d'un bestiaire merveilleux. Le raffinement du dessin, la finesse d'exécution comme l'originalité de cette représentation en font le chef-d'oeuvre incontesté du musée du Moyen âge, nommé aussi le musée de Cluny, à Paris. Une pièce entière lui est consacrée : les tentures de très grande taille y entourent le visiteur, qui se trouve ainsi plongé dans un monde imaginaire et coloré. Nous vous proposons de lever une partie du mystère qui entoure cette Dame et son histoire! 

Le rôle de George Sand 

L'écrivaine George Sand séjourne au château de Boussac, dans la Creuse, à plusieurs reprises. En 1841, elle s'y rend avec Prosper Mérimée et porte à son attention de curieuses tapisseries cachées derrière des panneaux de bois. C'est  lui qui les fera classer, peu après, aux monuments historiques… et c'est donc grâce aux sens aiguisés d'une grande Dame du 19e siècle que la Dame médiévale est parvenue jusqu'à nous! 

Un  bestiaire merveilleux 

Sur le fond rouge comme sur les îlots verdoyants sur lesquels se tiennent la dame et sa suivante, les animaux sont omniprésents, comme en un paradis harmonieux. Chiens, lapins, singes, et même léopard entourent les personnages. Plus imposant, le lion accompagne également la dame, et en face de lui, l'animal qui donne son titre à cette tapisserie, et qui l'auréole de mystère, puisque c'est un anilmal imaginaire : la fameuse licorne. Mélange de cheval et de chèvre, doté d'une corne de narval, cette licorne symbolise la chasteté et la pureté dans le bestiaire médiéval. On lui attribue aussi – paradoxalement - des vertus aphrodisiaques, en raison de cette longue corne. 

Une œuvre emblématique du style "mille fleurs" 

Un mille-fleurs, parfois orthographié millefleurs (millefiori en italien), se caractérise par un fond constellé de petites plantes et fleurs. C'est un motif très répandu dans l'art et l'artisanat du Moyen âge. On le retrouve par exemple dans les bordures enluminées des manuscrits ou, comme ici, dans les tapisseries. Il ne faut pas oublier la fonction décorative de ces tapisseries, qui ornaient les murs des chambres et des pièces à vivre dans les châteaux, tout en réchauffant l'atmosphère : c'est un peu l'ancêtre du papier peint. 

Une représentation des 5 sens 

Sur chaque tenture, des indices permettent d'associer la scène représentée à un sens. Cette interprétation, datant du début du 20e siècle, est aujourd'hui celle qui a été adoptée par l'essentiel des historiens et historiens de l'art. Au Moyen âge, les sens étaient hiérarchisés en fonction de leur plus ou moins grande proximité avec le monde spirituel. On progresse ainsi depuis le toucher (1ère tenture), vers l'odorat, le goût puis enfin la vue (5è tenture).

Une 6e tenture au sens mystérieux 

Cette 6è tenture, qui ne ressemble pas aux autres, mais fait pourtant partie de l'ensemble, a fait couler beaucoup d'encre, et les spécialistes peinent à se mettre d'accord sur sa signification. Que veut dire la devise "Mon seul désir" que l'on voit au-dessus de la scène? Pourquoi la dame est-elle représentée entrain de sortir ou de rentrer dans une tente dont les pans sont retenus par le lion et la licorne? Dans quel mystère initiatique s'agit-il de plonger ici? Faut-il y voir une synthèse des 5 sens? Une allégorie du mariage, à la fois renoncement et découverte de nouveaux plaisirs? Ou, comme le suggéra le philosophe Michel Serres, une image de notre "6e sens", un sens tourné vers l'intérieur, celui du cœur, de l'amour mystique? Pour l'heure, nul ne le sait…  

MesSortiesCulture / Sonia Zannad

szannad@messortiesculture.com 
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