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Le lièvre, Albrecht Dürer, 1502. Musée Albertina, Vienne.
Le
5 June 2020,
Avez-vous déjà aperçu un lièvre? Probablement. Mais avez-vous eu la chance d'admirer le Lièvre d'Albrecht Dürer "en personne", au musée Albertina de Vienne? Je parie que si c'est le cas, vous faites figure d'exception, et vous avez beaucoup de chance. Car après un maximum de trois mois d'exposition, cette oeuvre de 1502, fleuron de la Renaissance allemande, a besoin d'être entreposée pendant 5 ans à l'abri de la lumière avec un taux d'humidité inférieur à 50 % pour que le papier puisse se reposer correctement. Le lièvre été brièvement exposé en 2014 après une pause de dix ans, puis de nouveau en 2019.
Cette aquarelle de Dürer est sa plus célèbre étude de la nature et marque également une étape décisive dans l'observation et la représentation de la nature dans l'art occidental. Le choix de l'animal, d'abord, a de quoi surprendre : le lièvre n'est attaché à aucun symbole particulier ni dans la tradition culturelle allemande ni dans la religion catholique qu'il célèbre dans de nombreuses oeuvres. Le lièvre…ne représente que lui-même! La façon dont il est "traité" par l'artiste est d'un réalisme sidérant, ce qui nous renseigne sur la virtuosité de l'artiste, car l'animal n'a certainement pas posé pour lui dans son atelier. A-t-il pris pour modèle un lièvre naturalisé? Ces techniques n'existaient pas à l'époque. Un lièvre mort, tout simplement? Non plus, car ce lièvre là, vieux de 5 siècles, semble prêt à bondir, il est montré dans la splendeur de son jeune âge, plein de vitalité. Seule explication : Dürer a longuement observé l'animal, et il était doté d'une incroyable mémoire visuelle. Même le regard de lièvre semble plus vrai que nature...
Grâce à un travail de brossage différencié à l'aquarelle et aux couleurs opaques, Dürer a capturé le pelage doux et long du ventre et des cuisses ainsi que le poil court sur le dos de l'animal et, à l'aide d'un blanc opaque, il a travaillé les poils un par un, même les poils tactiles du museau, et capturé les vibrations et la fourrure colorée avec le pinceau noir. L'animal a été peint de trois-quarts face et son expression révèle une certaine vigilance ; les yeux attentifs et les oreilles dressées du lièvre donnent l'impression qu'il peut bondir d'un instant à l'autre. Dürer témoigne ici d'une empathie extraordinaire pour cet être vivant, auquel il rend un hommage vibrant.
Il y a sur ce dessin un autre détail étonnant : dans toutes les copies qui en ont été faites (et elles sont nombreuses), le lièvre se trouve dans son environnement naturel. Ici, la bête semble d'autant mieux mise en valeur qu'elle est entourée du vide de la feuille : une forme d'abstraction très rare pour l'époque.
Alors, la prochaine fois que vous croisez un animal dans une oeuvre, demandez-vous s'il arrive à la patte de ce lièvre légendaire!
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Vous pouvez écouter le podcast de l'article, en cliquant ici
Cette aquarelle de Dürer est sa plus célèbre étude de la nature et marque également une étape décisive dans l'observation et la représentation de la nature dans l'art occidental. Le choix de l'animal, d'abord, a de quoi surprendre : le lièvre n'est attaché à aucun symbole particulier ni dans la tradition culturelle allemande ni dans la religion catholique qu'il célèbre dans de nombreuses oeuvres. Le lièvre…ne représente que lui-même! La façon dont il est "traité" par l'artiste est d'un réalisme sidérant, ce qui nous renseigne sur la virtuosité de l'artiste, car l'animal n'a certainement pas posé pour lui dans son atelier. A-t-il pris pour modèle un lièvre naturalisé? Ces techniques n'existaient pas à l'époque. Un lièvre mort, tout simplement? Non plus, car ce lièvre là, vieux de 5 siècles, semble prêt à bondir, il est montré dans la splendeur de son jeune âge, plein de vitalité. Seule explication : Dürer a longuement observé l'animal, et il était doté d'une incroyable mémoire visuelle. Même le regard de lièvre semble plus vrai que nature...
Grâce à un travail de brossage différencié à l'aquarelle et aux couleurs opaques, Dürer a capturé le pelage doux et long du ventre et des cuisses ainsi que le poil court sur le dos de l'animal et, à l'aide d'un blanc opaque, il a travaillé les poils un par un, même les poils tactiles du museau, et capturé les vibrations et la fourrure colorée avec le pinceau noir. L'animal a été peint de trois-quarts face et son expression révèle une certaine vigilance ; les yeux attentifs et les oreilles dressées du lièvre donnent l'impression qu'il peut bondir d'un instant à l'autre. Dürer témoigne ici d'une empathie extraordinaire pour cet être vivant, auquel il rend un hommage vibrant.
Il y a sur ce dessin un autre détail étonnant : dans toutes les copies qui en ont été faites (et elles sont nombreuses), le lièvre se trouve dans son environnement naturel. Ici, la bête semble d'autant mieux mise en valeur qu'elle est entourée du vide de la feuille : une forme d'abstraction très rare pour l'époque.
Alors, la prochaine fois que vous croisez un animal dans une oeuvre, demandez-vous s'il arrive à la patte de ce lièvre légendaire!
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
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