Le Carnaval et la Sardine
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Momo est, dans la mythologie gréco-romaine, le dieu de l'ironie. Expulsé de l’Olympe pour s'être moqué des autres dieux, et descendu sur terre, il y crée le carnaval. En Espagne, celui-ci est une fête célébrée avec des costumes, des défilés, et des danses. Les déguisements sont un moyen de se moquer du pouvoir et des rois. Pour cette raison, il est interdit à plus d’une occasion, ou bien certains de ses costumes ou activités sont censurés. 

Par exemple, au 18e siècle, les citoyens de Cadix ne sont pas autorisés à s’y déguiser en ecclésiastiques, les hommes ne peuvent pas s’y habiller en femmes et les femmes en hommes.
Ou alors en 1937, alors que l’Espagne est en pleine guerre civile, Franco interdit le Carnaval, ne supportant pas les moqueries, et, à la fin de la guerre, il maintient l’interdiction. Au fil du temps, il devient plus tolérant et les célébrations privées sont autorisées. En 1978, c’est le retour du Carnaval, même s’il n’a jamais vraiment cessé... Le quotidien El País souligne que "malgré l’interdiction sous la dictature, on continuait à célébrer le carnaval, où le masque était appelé déguisement et le carnaval fête de l’hiver".

De nos jours, il y a plusieurs carnavals en Espagne. L’Enterrement de la Sardine, parodie de cortège funèbre, y clôt le Carnaval, le jour du Mercredi des Cendres. Il permet de dire au revoir aux plaisirs et à la fête, et de céder la place au Carême. Ce jour-là, les chars et les participants, vêtus de deuil, pleurent sur la défunte Sardine, qui finit brûlée.

Il y a plusieurs explications sur la naissance de cette tradition.
Une explication est qu’enterrer une sardine représente l’enterrement du péché et de la viande. Il s'agit peut-être d'une modification, au cours des siècles, du mot "cerdo" (viande) aussi appelé "cerdina", devenant, finalement "sardina".
Une autre explication donne une origine en 1851, lorsque des étudiants de Murcie reproduisent des mascarades vues à Madrid, parcourant les rues, équipés de capuchons noirs, de haches et d’un cercueil avec une sardine, qu’ils finissent par brûler.
Celle que préfère votre rédacteur remonte au 18e siècle, quand le roi Charles III ordonne que des sardines lui soient servies pour célébrer la fin du Carnaval. La journée étant très chaude, les sardines se mettent à puer. Le roi ordonne alors qu’elles soient enterrées.

"L'enterrement de la sardine", tableau de Francisco de Goya, est lié à une série de tableaux autour des coutumes espagnoles. Le Carnaval est autorisé sous la domination française, mais après, l'absolutiste Ferdinand VII l’interdit en raison des moqueries à son égard. Ce tableau est critique et transgressif, montrant le rejet de Goya de la politique réactionnaire de Ferdinand VII, qui sonne le glas des projets de monarchie constitutionnelle et libérale auxquels Goya adhère.

Malgré son titre, ce tableau ne semble pas représenter un Enterrement de la Sardine, car, au centre de la composition, deux belles femmes vêtues de robes blanches et de jolis masques dansent joyeusement. Dans le tableau, une bannière s'élève au-dessus de la foule avec le visage ironique et moqueur de Momo. Son expression montre qu'il aime le spectacle de la foule, qui ne sait pas faire la différence entre le plaisir et la folie, et va à la tragédie.


Voici quelques romans à lire entre deux défilés :  

Un bon roman policier La Vestale de Venise de Robert de Laroche. Alors que le carnaval bat son plein, dans la Venise déclinante du 18e siècle, une série de meurtres spectaculaires frappe des hommes influents de la ville…

Didier Daeninckx nous raconte un crime étrange, en pleine campagne municipale, qui perturbe la préparation du carnaval d'Hazebrouck. Le coupable présumé, retrouvé sur les lieux du crime, sombre dans la folie dans le livre Un géant inachevé.

Le livre Carnaval se dévore. La Nouvelle-Orléans en 1919. Ray Célestin nous emmène, entre tensions raciales, corruption, vaudou, jazz et mafia, à la recherche d’un tueur en série qui laisse sur les lieux de ses crimes des cartes de tarot…


En attendant d’aller se déguiser, Véronique Sanson nous rappelle, en chanson, que "C'est pas pour rien qu'on est sur Terre, c'est quand même mardi gras"...

Bon Carnaval !


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