Le
6 April 2024,
Voilà une œuvre qui, de loin, peut sembler bien austère. Un homme - qui semble important si l'on en croit la splendeur de ses vêtements - se tient à genoux, mains en prière, en face à la Vierge Marie et de l'Enfant qui le bénit d'un geste. La scène se tient dans ce qui ressemble à une chapelle ou un palais, mais qui s'ouvre sur une sorte de loggia.
Derrière la scène principale, on distingue d'autres plans : un jardin suspendu, un pont, un cours d'eau, des forêts, une ville, des collines, une montagne, et une infinité de petits personnages. Si l'on commence à se pencher sur ces détails, cette peinture à l'huile de petit format exposée au Louvre et récemment restaurée recèle de multiples surprises et révèle mille trésors de détails, de symboles, de surprises et d'énigmes.
Nicolas Rolin (vers 1376/80-1462), chancelier du duc de Bourgogne Philippe le Bon, a commandé cette œuvre au grand peintre néerlandais Jan Van Eyck, l'un des peintres officiels de la cour, pour orner la chapelle personnelle (chapelle Saint-Sébastien) qu’il décide de construire en 1426-1428 dans l’église Notre-Dame-du-Châtel à Autun (qui sera détruite en 1793).
Jan Van Eyck est célèbre pour ses portraits d’un naturalisme minutieux et d'une extrême précision. Ses tableaux les plus connus sont Les Époux Arnolfini et La Vierge du chancelier Rolin. Il termina par ailleurs le fameux retable de L'Agneau mystique, commencé par son frère Hubert van Eyck. Il est l'un des premiers artistes à signer ses œuvres. On le considère comme le fondateur du portrait occidental, et s'il n'a pas inventé la peinture à l'huile, il fut le premier à la maîtriser avec autant de virtuosité.
Rolin, quant à lui, est un personnage très influent et richissime, obsédé par son salut. Selon les chercheurs qui étudient l'objet, il a vraisemblablement commandé cette oeuvre à Van Eyck pour en faire un objet de prière quotidien et transportable.
D'après la conservatrice Sophie Caron, ce tableau avait une double fonction : méditative et mémorielle.
La méditation, d'abord : lorsqu'on s'approche du tableau, impossible de ne pas s'immerger dans une profonde rêverie, guidé par les différents plans et les détails qui ponctuent l'image. De près, on oublie quelque peu les personnages du premier plan, pour laisser le regard dériver, d'abord, vers le jardin suspendu : fleurs et animaux s'y révèlent : des pies, des paons, mais aussi deux lapins sculptés astucieusement cachés sous une colonne.
Puis notre attention est attirée par deux petits personnages de dos, dont l'un se penche sur le crénelage, qui invitent littéralement à plonger dans le paysage, à explorer ses méandres, à découvrir ses secrets. La restauratrice Annie Hochart-Giaccobi l'admet elle-même : une fois immergée dans le tableau, il lui est difficile d'en ressortir! Van Eyck avait prévu chaque détail pour favoriser cette méditation, et Rolin se servait certainement de ce tableau dans le cadre de ses prières. Van Eyck déploie son art d'enlumineur pour multiplier des détails d'une finesse inouïe, que l'on peut à peine distinguer à l'œil nu. En zoomant sur l'image avec nos moyens contemporains, on se demande vraiment comment il a pu représenter des éléments aussi minuscules avec autant de précision : c'est prodigieux.
Mais le tableau était aussi destiné à perpétuer la mémoire du chancelier : on le comprend quand on observe le réalisme avec lequel il est représenté. Les traits, les rides, le grain de peau et la coiffure : on pourrait le rencontrer au coin de la rue! Rolin est aussi représenté à la même échelle que la Vierge, pour souligner son importance historique – en tous cas, l'importance qu'il se donnait et qu'il voulait transmettre à la postérité. En faisant appel à l'un des plus grand peintres de son époque, il a eu une intuition très juste : c'est bien grâce à Van Eyck et à son chef d'œuvre que l'on se souvient de Rolin.
Sonia Zannad / Mes Sorties Culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Derrière la scène principale, on distingue d'autres plans : un jardin suspendu, un pont, un cours d'eau, des forêts, une ville, des collines, une montagne, et une infinité de petits personnages. Si l'on commence à se pencher sur ces détails, cette peinture à l'huile de petit format exposée au Louvre et récemment restaurée recèle de multiples surprises et révèle mille trésors de détails, de symboles, de surprises et d'énigmes.
Nicolas Rolin (vers 1376/80-1462), chancelier du duc de Bourgogne Philippe le Bon, a commandé cette œuvre au grand peintre néerlandais Jan Van Eyck, l'un des peintres officiels de la cour, pour orner la chapelle personnelle (chapelle Saint-Sébastien) qu’il décide de construire en 1426-1428 dans l’église Notre-Dame-du-Châtel à Autun (qui sera détruite en 1793).
Jan Van Eyck est célèbre pour ses portraits d’un naturalisme minutieux et d'une extrême précision. Ses tableaux les plus connus sont Les Époux Arnolfini et La Vierge du chancelier Rolin. Il termina par ailleurs le fameux retable de L'Agneau mystique, commencé par son frère Hubert van Eyck. Il est l'un des premiers artistes à signer ses œuvres. On le considère comme le fondateur du portrait occidental, et s'il n'a pas inventé la peinture à l'huile, il fut le premier à la maîtriser avec autant de virtuosité.
Rolin, quant à lui, est un personnage très influent et richissime, obsédé par son salut. Selon les chercheurs qui étudient l'objet, il a vraisemblablement commandé cette oeuvre à Van Eyck pour en faire un objet de prière quotidien et transportable.
D'après la conservatrice Sophie Caron, ce tableau avait une double fonction : méditative et mémorielle.
La méditation, d'abord : lorsqu'on s'approche du tableau, impossible de ne pas s'immerger dans une profonde rêverie, guidé par les différents plans et les détails qui ponctuent l'image. De près, on oublie quelque peu les personnages du premier plan, pour laisser le regard dériver, d'abord, vers le jardin suspendu : fleurs et animaux s'y révèlent : des pies, des paons, mais aussi deux lapins sculptés astucieusement cachés sous une colonne.
Puis notre attention est attirée par deux petits personnages de dos, dont l'un se penche sur le crénelage, qui invitent littéralement à plonger dans le paysage, à explorer ses méandres, à découvrir ses secrets. La restauratrice Annie Hochart-Giaccobi l'admet elle-même : une fois immergée dans le tableau, il lui est difficile d'en ressortir! Van Eyck avait prévu chaque détail pour favoriser cette méditation, et Rolin se servait certainement de ce tableau dans le cadre de ses prières. Van Eyck déploie son art d'enlumineur pour multiplier des détails d'une finesse inouïe, que l'on peut à peine distinguer à l'œil nu. En zoomant sur l'image avec nos moyens contemporains, on se demande vraiment comment il a pu représenter des éléments aussi minuscules avec autant de précision : c'est prodigieux.
Mais le tableau était aussi destiné à perpétuer la mémoire du chancelier : on le comprend quand on observe le réalisme avec lequel il est représenté. Les traits, les rides, le grain de peau et la coiffure : on pourrait le rencontrer au coin de la rue! Rolin est aussi représenté à la même échelle que la Vierge, pour souligner son importance historique – en tous cas, l'importance qu'il se donnait et qu'il voulait transmettre à la postérité. En faisant appel à l'un des plus grand peintres de son époque, il a eu une intuition très juste : c'est bien grâce à Van Eyck et à son chef d'œuvre que l'on se souvient de Rolin.
Sonia Zannad / Mes Sorties Culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com