La passion des livres anciens
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Amélie Sourget court sans cesse d’un salon du livre ancien à l’autre dans le monde entier. Mais par chance, en ce début du printemps, elle a pu nous accueillir dans sa très belle librairie, à deux pas du Carrefour de l’Odéon. Elle y présente des livres anciens, des éditions rares qui font la joie des bibliophiles. Pleine d’enthousiasme et passionnée par son métier, elle a partagé avec nous son amour du texte et de l’histoire.  

Mes Sorties Culture
: Comment en êtes-vous arrivée à exercer ce métier, Amélie ?  

Amélie Sourget
: C’est une histoire de famille ! Ma sœur est libraire en livres anciens aussi, avec une spécialité différente : de mon côté, je me suis spécialisée en éditions originales littéraires et précieux exemplaires, notamment dans les domaines de la littérature, de l'histoire et de l'histoire des idées ; mais nous proposons aussi de beaux livres illustrés, des voyages, des ouvrages scientifiques...  

Mes parents sont devenus libraires alors qu'ils avaient la trentaine et nous ont appris le métier. Tout est parti d’un livre ancien que ma mère a offert à mon père. De là est née une véritable passion commune : mon père a quitté la banque, ma mère son métier de juge pour enfants. En 1983 ils se sont lancés aménageant leur librairie dans leur maison de Chartres, avant d’investir un lieu plus vaste dans l’ancien cloître d’une abbaye.  
Mon père a révolutionné le métier en créant de magnifiques catalogues répertoriant des centaines de livres précieux; catalogues qui sont devenus recherchés comme véritables livres d'art et de bibliographie aujourd'hui.  

MSC
: Vous parliez d’âge d’or : aujourd’hui, c’est plus compliqué ?  

A.S
: Le marché a été bouleversé par l’arrivée d’Internet, l’information circule davantage, et puis il y a de moins en moins de livres disponibles. Cela dit, les éditions originales et les livres rares et précieux sont et seront toujours recherchés des amateurs.  

MSC
: Ce sont vos parents qui vous ont formée ?  

A. S 
:  Oui absolument. Pour se former, il n’y a pas vraiment d’études spécifiques : il faut avant tout être curieux, avoir un véritable amour du livre en tant que texte et en tant qu’objet, s’intéresser à l’histoire et se déplacer, voir, toucher, palper des exemplaires…  

MSC
: Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?  

A.S : Beaucoup de curiosité, un véritable amour du livre et du texte, une bonne dose de patience et le sens du contact !

MSC : Vous devez sans cesse affiner vos connaissances ?  

A.S 
: Oui c’est un métier où l’on apprend sans cesse, c’est passionnant ! Tous les livres que j’achète sont soigneusement collationnés. Il existe des bibliographies qui répertorient les livres, et Internet m’aide beaucoup aussi. Pour chaque exemplaire acquis, Il faut bien sûr vérifier qu'il soit complet. Quel est l'intérêt de l'ouvrage, de quelle édition s'agit-il? La grandeur des marges, la condition de l'exemplaire, de sa reliure, le papier... sont autant de critères qui déterminent la valeur de l'exemplaire.  La provenance...  

MSC
: Quel est le profil type du collectionneur de livres anciens ?  

A.S 
:  Si nous devions dresser un profil du collectionneur de livres anciens typique nous pourrions dire qu'il s'agit d'un milieu presque exclusivement masculin. Ce sont souvent des hommes d’affaire, des journalistes, des grands patrons ou des avocats. Je fais des rencontres passionnantes : il s’agit d’un petit univers de connaisseurs, qui ont souvent mille anecdotes à raconter et son très connaisseurs: de vrais passionnés.  

MSC
: A qui achetez-vous des livres ?  

A.S : A des particuliers en majorité et quelques fois dans des ventes aux enchères.   

MSC :
Quelle est la fourchette de prix actuelle à la librairie ?  

A.S
  : Le moins cher est à 2500 € (un broché de l'époque révolutionnaire, document historique) et le plus cher à 90 000 € (un très bel atlas en couleurs datant de 1575). Certains auteurs sont et seront toujours recherchés : Perrault, Shakespeare, Montaigne, Proust… La rareté de l’ouvrage, de l’édition est un critère de valeur. Pour évaluer la rareté d'un ouvrage plusieurs sources existent : des sites répertorient les ouvrages passés sur le marché international depuis les années 30, les sites des Institutions publiques nationales et internationales, les sites des libraires sont aussi importants pour évaluer la rareté d’un ouvrage.  

MSC
: La reliure fait-elle une différence ?  

A. S
: Certaines reliures sont plus recherchées que d’autres, mais il y a aussi des phénomènes de mode et des différences culturelles. La beauté, l'état et la provenance d'une reliure reste de manière générale un critère pour un collectionneur français.  

MSC
: Quelles sont les contraintes de conservation que vous devez observer ?  

A.S
: Le plus important c’est de faire attention à la lumière directe du soleil qui peut vraiment abîmer les reliures et le papier. Il faut ouvrir les livres avec précaution pour ne pas les abîmer. J’utilise une cire de la Bibliothèque Nationale pour entretenir leur reliure (la cire BN213), mais rarement.   

MSC
: C’est aussi un métier très relationnel  

A.S
: Oui, les acheteurs nous font confiance et nous vieillissons avec eux, et avec leur collection ! Notre travail est sensé leur permettre de compléter leurs belles collections. Ils ont une certaine vision de leur collection, que nous devons comprendre pour les accompagner au mieux, les conseiller de façon personnalisée. Il s'agit de bâtir une relation de confiance sur le long terme.  

C’est ainsi qu’ils peuvent bâtir une collection qui a du sens. Comme le disait très justement Jérôme Doucet « Les rayons d’une belle bibliothèque sont la manifestation physique d’une exigence intellectuelle ».  Les livres sont chargés d’histoire et d’émotion, et c’est ce qui fait la beauté de ce métier.    

Pour visiter le site de la librairie Sourget  

Propos recueillis Sonia Zannad / Mes sorties culture

Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com

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