La maison-musée Gustave Moreau, un lieu confidentiel et magique
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 «  Un jour viendra où l'on comprendra l'éloquence de cet art muet ; c'est cette éloquence dont le caractère et la puissance sur l'esprit n'ont pu être défini, à laquelle j'ai donné tous mes soins, tous mes efforts : l'évocation de la pensée par la ligne, l'arabesque et les moyens plastiques, voilà mon but. »  

Gustave Moreau (1826 – 1898) a puisé largement dans le répertoire italien, et s’est même inspiré des miniatures indiennes. Pour autant, toutes ses œuvres sont d’une grande originalité, son trait est reconnaissable entre mille, et n’a rien de classique. Il fut l’un des précurseurs du symbolisme, cette école qui s’opposait au réalisme, puisant dans le subconscient de l’artiste : les images sont alors des portes vers le rêve, vers un monde plus élevé, idéal. Entrer dans ce musée, c’est donc pénétrer un univers cohérent à la subjectivité revendiquée, dans lequel le peintre invite à se confronter à ses visions. Chaque image est une apparition mystérieuse qui semble issue d’un songe.  

A la fin de sa vie, il entasse ses oeuvres dans la petite maison « d’aspect provincial » de la rue de La Rochefoucauld, dans le quartier de la Nouvelle Athènes (9è arrondissement) car il mûrit l’idée d’en faire un musée. C’est une demeure où il a vécu en famille, avec ses parents, dont il était très proche, et qui est aussi devenu son atelier. D’un caractère contemplatif et solitaire, croyant sans être pratiquant, il passait de longues heures à travailler dans cette maison. Il est très rare qu’un artiste, de son vivant, « prémédite » ainsi de créer un musée : c’est donc une chance de visiter un lieu encore tant imprégné par celui qui l’a conçu, et rempli de ses œuvres comme s’il venait de quitter l’atelier. On a peine à croire que cette petite maison abrite 15 000 œuvres de l’artiste…

En 1862 déjà, il écrivait en bas d’un croquis : « Ce soir 24 décembre 1862. Je pense à ma mort et au sort de mes pauvres petits travaux et de toutes ces compositions que je prends la peine de réunir. Séparées, elles périssent ; prises ensemble, elles donnent un peu l'idée de ce que j'étais comme artiste et du milieu dans lequel je me plaisais à rêver. »

Quelques années avant sa disparition, Moreau prépare donc activement son musée : il classe, choisit, donne une dernière touche à ses dessins et peintures… Il veut que tous les thèmes qu'il a traités soient présents. Il sacrifie un étage pour demander à l’architecte Albert Lafon de créer un atelier haut de plafond, doté de larges fenêtres, qui pourra accueillir ses toiles les plus grandes. La pièce surprend par ses proportions et par la lumière qui s’y déverse, puisque l’on vient des étages inférieurs faits de petites pièces sombres et intimistes, pensées comme les pièces d’un musée sentimental. La maison est donc l’occasion d’un voyage dans l’imaginaire de l’artiste mais aussi au cœur de sa vie quotidienne, avec les objets qui lui étaient familiers. C’est aussi dans l’atelier du troisième étage que l’on peut admirer quatre mille dessins intégrés à des panneaux pivotants, qui servent souvent de modèles à des élèves dessinateurs, installés là pour quelques heures, perpétuant les gestes de Moreau dans un même silence plein de mystères.      

Sonia Zannad / Mes sorties culture  
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com

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