Le
18 November 2023,
Il existe des œuvres que l'on croise sur le web, dans les livres ou dans les magazines, sans y prêter d'attention particulière. Et puis, un jour, on les voit "en vrai", et là, c'est le choc. La Vierge à l'enfant entourée d'anges (dite aussi Madone entourée de séraphins et de chérubins) de Jean Fouquet en fait partie : aperçue de loin dans le musée des Beaux Arts d'Anvers, il m'a attiré comme un aimant. Et une fois devant, impossible d'en détacher les yeux, tant l'image semble étonnante, audacieuse, presque extraterrestre.
Comment cette Vierge à l'enfant peut-elle avoir été peinte au XVe siècle, et être si différente des autres Vierges à l'enfant peintes à la Renaissance? Cette peinture fait en réalité partie d’un diptyque, c'est à dire d'une oeuvre composée de deux panneaux, fixes ou mobiles, et dont les sujets se regardent et se complètent l'un l'autre. On l'appelle le Dyptique de Melun, car il fut autrefois conservé à la collégiale Notre-Dame de Melun avec un autre panneau représentant son commanditaire, Étienne Chevalier, trésorier du roi de France Charles VII, avec son saint patron, saint Etienne. Mais ce deuxième tableau est bien plus conventionnel, et il est aujourd'hui présenté ailleurs, dans un musée berlinois.
On doit ce diptyque à Jean Fouquet, né vers 1420 et mort entre 1478 et 1481, considéré comme l'un des plus grands peintres de la première Renaissance et comme le rénovateur de la peinture française du XVᵉ siècle.
Originale, cette huile sur bois l'est d'abord par le choix du modèle : les historiens d'art s'accordent à dire que c'est Agnès Sorel, favorite et conseillère de Charles VII, qui a prêté ses traits à la Vierge Marie. D'une beauté que tous vantaient, dotée d'une grande notoriété, Agnès est représentée ici de manière réaliste – ses contemporains pouvaient reconnaître ses traits, et aussi quelques allusions au royaume de France avec le manteau d'hermine, par exemple.
Ce qui attire l'attention, aussi, c'est le contraste de couleurs entre la figure de la Vierge à la tête lisse, au teint blanc de porcelaine – la pâleur de la peau était alors un critère de beauté très valorisé – et ces étranges chérubins rouges et bleus qui l'entourent, et que l'on pourrait croire en plastique si le plastique avait existé au 15e siècle. Brillants, polis, comme en relief, ils mettent en valeur la figure centrale et font ressortir sa peau nue, comme illuminée de l'intérieur. La symbolique des couleurs est précise : les trois anges bleus représentent la pureté et l’air, les six anges rouges symbolisent l’amour et le feu.
La Vierge, dont la tête semble dépourvue de cheveux, du moins jusqu'au milieu du crâne, là où se pose sa couronne, a le sein gauche entièrement dégagé, et ses yeux baissés vers l'enfant Jésus attirent autant l'attention sur lui que sur son sein découvert. Il se dégage de cette figure sacrée une étonnante sensualité, qui semble peu compatible avec le caractère sacré de la représentation. Enfin, comme pour ajouter à l'étrangeté de cette image, l'un des chérubins nous regarde dans les yeux, d'un regard fixe et brillant…
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Comment cette Vierge à l'enfant peut-elle avoir été peinte au XVe siècle, et être si différente des autres Vierges à l'enfant peintes à la Renaissance? Cette peinture fait en réalité partie d’un diptyque, c'est à dire d'une oeuvre composée de deux panneaux, fixes ou mobiles, et dont les sujets se regardent et se complètent l'un l'autre. On l'appelle le Dyptique de Melun, car il fut autrefois conservé à la collégiale Notre-Dame de Melun avec un autre panneau représentant son commanditaire, Étienne Chevalier, trésorier du roi de France Charles VII, avec son saint patron, saint Etienne. Mais ce deuxième tableau est bien plus conventionnel, et il est aujourd'hui présenté ailleurs, dans un musée berlinois.
On doit ce diptyque à Jean Fouquet, né vers 1420 et mort entre 1478 et 1481, considéré comme l'un des plus grands peintres de la première Renaissance et comme le rénovateur de la peinture française du XVᵉ siècle.
Originale, cette huile sur bois l'est d'abord par le choix du modèle : les historiens d'art s'accordent à dire que c'est Agnès Sorel, favorite et conseillère de Charles VII, qui a prêté ses traits à la Vierge Marie. D'une beauté que tous vantaient, dotée d'une grande notoriété, Agnès est représentée ici de manière réaliste – ses contemporains pouvaient reconnaître ses traits, et aussi quelques allusions au royaume de France avec le manteau d'hermine, par exemple.
Ce qui attire l'attention, aussi, c'est le contraste de couleurs entre la figure de la Vierge à la tête lisse, au teint blanc de porcelaine – la pâleur de la peau était alors un critère de beauté très valorisé – et ces étranges chérubins rouges et bleus qui l'entourent, et que l'on pourrait croire en plastique si le plastique avait existé au 15e siècle. Brillants, polis, comme en relief, ils mettent en valeur la figure centrale et font ressortir sa peau nue, comme illuminée de l'intérieur. La symbolique des couleurs est précise : les trois anges bleus représentent la pureté et l’air, les six anges rouges symbolisent l’amour et le feu.
La Vierge, dont la tête semble dépourvue de cheveux, du moins jusqu'au milieu du crâne, là où se pose sa couronne, a le sein gauche entièrement dégagé, et ses yeux baissés vers l'enfant Jésus attirent autant l'attention sur lui que sur son sein découvert. Il se dégage de cette figure sacrée une étonnante sensualité, qui semble peu compatible avec le caractère sacré de la représentation. Enfin, comme pour ajouter à l'étrangeté de cette image, l'un des chérubins nous regarde dans les yeux, d'un regard fixe et brillant…
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com