La beauté sévère de L'homme au turban rouge
Mes Sorties Culture s'associe aujourd'hui à un événement bien particulier, Septembre Rouge, le mois de la sensibilisation aux cancers du sang, et décrypte pour l'occasion une œuvre où cette couleur revêt une importance particulière : L'homme au turban rouge, ou Portrait d'un homme au turban, peint en 1433 par le peintre flamand Jan Van Eyck.

La couleur rouge, dans l'histoire de l'art, est un symbole plein d'ambivalences… Pour l'historien et spécialiste des couleurs Michel Pastoureau, le rouge est la couleur par excellence, une couleur magistrale, qui s'impose et qui détonne. Le rouge symbolise le pouvoir, l'ambition, mais il est aussi associé à la violence ou à l'enfer. C'est le rouge du sang, le rouge de la vie, mais aussi le rouge de la blessure et du péril. S'il a été tant utilisé dans la peinture, c'est que les  techniques qui permettaient de l'extraire des métaux ou des plantes (comme la garance) ont été maîtrisées très tôt.  Rouge feu, rouge sang, rouge vif, impérial, cardinal ou écarlate, il se déploie et se décline avec éclat et donne aux œuvres qui nous marquent une personnalité inoubliable. Pensez par exemple aux sérigraphies Campbell's Soup Cans d'Andy Warhol, qui ont lancé le mouvement pop art ; ou encore la tapisserie de la Dame à la licorne, joyau de l'art médiéval. Une autre œuvre permet d'appréhender le rouge dans toute sa spendeur : c'est L'homme au turban rouge, ou Portrait d'un homme au turban, peint en 1433 par le peintre flamand Jan Van Eyck, un très petit format qui a gardé son cadre doré d'origine et que l'on peut admirer à la National Gallery de Londres.

Ce turban joue un peu le rôle de la cape brandie par les toreros pour attirer l'attention des taureaux dans l'arène : il nous captive, il nous fascine, il nous donne envie de s'intéresser au visage et au personnage qui le porte. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un turban mais d'un chaperon, un couvre-chef porté par les bourgeois contemporains de Van Eyck, dont les différentes parties ont été ici savamment nouées pour lui donner cette forme complexe et cet aspect sophistiqué. Pourquoi peindre un tissu aussi plissé, et pourquoi lui donner une telle importance? C'est là un moyen, pour l'artiste, de démontrer l'étendue de sa maestria. Pour réaliser de tels plis, réussir à manifester le poids du tissu, les ombres, la texture…il faut un talent hors-pair.  

Tout est affaire de contrastes ici, entre le fond sombre, le vêtement noir au col de fourrure qui se détache à peine du fond, le turban rouge et le teint très pâle de l'homme représenté. Il y a bien un rappel de rouge, mais très discret, si subtil qu'il faut vraiment s'approcher très près pour le distinguer : ce sont les petits vaisseaux sanguins dans le blanc de l'œil du sujet. Parlons-en, d'ailleurs, de ce regard : franc, froid, bleu acier, il se plante dans le nôtre sans hésiter. Le personnage exprime une certaine froideur, une sévérité, il n'a pas l'air sympathique mais nous fait comprendre qu'il est un personnage important – le rouge comme symbole de puissance prend ici tout son sens – par son attitude pleine d'assurance.

Le très grand réalisme avec lequel ce portrait est réalisé, le luxe de détails sous une apparente simplicité montre que c'est un Van Eyck au sommet de son art, doté d'un incroyable sens de l'observation et de la psychologie, et d'une main capable de les restituer avec fidélité, selon des techniques très maîtrisées. Selon certaines théories, ce portrait serait en réalité un autoportrait de l'artiste, mais ce n'est encore qu'une hypothèse – nous savons très peu de choses au sujet de Van Eyck et des conditions de réalisation de cette huile sur toile.  

Mes Sorties Culture / Sonia Zannad

szannad@messortiesculture.com 

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