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Kader Attia, Untitled, 2009. Collection Frac Centre-Val de Loire © Adagp Paris, 2018. Photo © François Fernandez/CCC
Le
24 May 2018,
Une visite guidée, c'est bien. Mais une visite guidée par l'artiste lui-même, c'est exceptionnel! Nous avons eu la chance de découvrir l'exposition "Les racines poussent aussi dans le béton" avec Kader Attia, au Mac/Val d'Ivry sur Seine. Et comme on aime partager, on vous raconte!
Né en 1970 à Dugny (93), Kader Attia est aujourd'hui une figure incontournable de l'art contemporain. Il parcourt le territoire de l'art comme un espace de réflexion et d'action. Dans la grande exposition du Mac/Val, il se confronte à la question des origines, entre autres à travers l'exploration de l'architecture dans laquelle il a vécu enfant, à Garge-lès-Gonesse: les grands ensembles, le logements sociaux de la banlieue parisienne:
"Les grands ensembles ne font pas partie du grand récit national. Les touristes américains en visite à Paris ne voient rien de ces logements de banlieue, rien de l'histoire coloniale".
Pour l'artiste, il s'agit d'un véritable "déni de banlieue", et ses oeuvres visent d'abord à montrer ce qu'on ne voit pas. Et ce qu'il dévoile avec brio, c'est une histoire méconnue: ou comment le grand architecte Le Corbusier a "pillé" l'architecture vernaculaire algérienne:
"En 1930, Le Corbusier vient faire une conférence à Alger. Il enchaîne avec des visites clandestines de la casbah d'Alger et d'un village à 600 km de là, nommé Ghardaïa. Fasciné par l'organisation savante de cette ville, il y restera 6 semaines, prenant des photos, faisant des relevés, des dessins..."
Fasciné par cette architecture qui réduit l'habitat à l'essentiel, il va y puiser l'inspiration pour la rédaction de la Charte d'Athènes, qui détaille les grand principes de son style. Le toit-terrasse et la façade libre, par exemple, sont directement inspirés de ce que Le Corbusier a observé à Ghardaïa. Il nommera d'ailleurs la Cité radieuse "ma Ghardaïa verticale". C'est donc par le biais d'une forme de colonisation des savoirs que l'architecte va imposer son style, qui inspirera à son tour bon nombre d'architectes d'après guerre, qui se lanceront dans des projets de grands ensembles devenus ghettos coupés des villes.
C'est là le paradoxe incroyable que souligne Kader Attia: ces logements sans âme, ces cités-dortoirs qui accueillent beaucoup d'immigrés ont été inspirés par l'architecture des pays d'où ils viennent.
L'exposition de Kader Attia est extrêmement riche: vidéos, collages, extraits de films, installations... Autant de supports différents pour vivre des questionnements indispensables: Que reste-t-il de l’utopie ? Du vivre ensemble ? Quelles relations ambivalentes entretient-on avec son espace de vie, privée ou publique ? Avec son histoire ? Avec ses racines ? Retenons cette superbe installation, malicieuse et parlante: sur le sol, un plan en relief de Ghardaïa nous est présenté. Un plan entièrement réalisé... en semoule!
A voir au Mac/Val jusqu'au 16 septembre 2018.
Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Né en 1970 à Dugny (93), Kader Attia est aujourd'hui une figure incontournable de l'art contemporain. Il parcourt le territoire de l'art comme un espace de réflexion et d'action. Dans la grande exposition du Mac/Val, il se confronte à la question des origines, entre autres à travers l'exploration de l'architecture dans laquelle il a vécu enfant, à Garge-lès-Gonesse: les grands ensembles, le logements sociaux de la banlieue parisienne:
"Les grands ensembles ne font pas partie du grand récit national. Les touristes américains en visite à Paris ne voient rien de ces logements de banlieue, rien de l'histoire coloniale".
Pour l'artiste, il s'agit d'un véritable "déni de banlieue", et ses oeuvres visent d'abord à montrer ce qu'on ne voit pas. Et ce qu'il dévoile avec brio, c'est une histoire méconnue: ou comment le grand architecte Le Corbusier a "pillé" l'architecture vernaculaire algérienne:
"En 1930, Le Corbusier vient faire une conférence à Alger. Il enchaîne avec des visites clandestines de la casbah d'Alger et d'un village à 600 km de là, nommé Ghardaïa. Fasciné par l'organisation savante de cette ville, il y restera 6 semaines, prenant des photos, faisant des relevés, des dessins..."
Fasciné par cette architecture qui réduit l'habitat à l'essentiel, il va y puiser l'inspiration pour la rédaction de la Charte d'Athènes, qui détaille les grand principes de son style. Le toit-terrasse et la façade libre, par exemple, sont directement inspirés de ce que Le Corbusier a observé à Ghardaïa. Il nommera d'ailleurs la Cité radieuse "ma Ghardaïa verticale". C'est donc par le biais d'une forme de colonisation des savoirs que l'architecte va imposer son style, qui inspirera à son tour bon nombre d'architectes d'après guerre, qui se lanceront dans des projets de grands ensembles devenus ghettos coupés des villes.
C'est là le paradoxe incroyable que souligne Kader Attia: ces logements sans âme, ces cités-dortoirs qui accueillent beaucoup d'immigrés ont été inspirés par l'architecture des pays d'où ils viennent.
L'exposition de Kader Attia est extrêmement riche: vidéos, collages, extraits de films, installations... Autant de supports différents pour vivre des questionnements indispensables: Que reste-t-il de l’utopie ? Du vivre ensemble ? Quelles relations ambivalentes entretient-on avec son espace de vie, privée ou publique ? Avec son histoire ? Avec ses racines ? Retenons cette superbe installation, malicieuse et parlante: sur le sol, un plan en relief de Ghardaïa nous est présenté. Un plan entièrement réalisé... en semoule!
A voir au Mac/Val jusqu'au 16 septembre 2018.
Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com