Au site archéologique Lattara avec sa Directrice
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Diane Dusseaux est la directrice du site archéologique Lattara - musée Henri Prades, près de Montpellier, depuis quelques mois.
 Nous avons eu l’occasion de l’interviewer pour en savoir plus sur l’origine de sa vocation, sa mission, sa vision du métier, et c’est en véritable passionnée qu’elle nous a répondu.

Diane, je crois que tu as un parcours assez impressionnant au vu de ton jeune âge…peux tu en retracer les grandes lignes ?

Oui, je suis diplômée de Sciences Po Strasbourg (master Politique et gestion de la culture), j’ai aussi un master 2 en recherche sur l’Antiquité romaine, et je suis conservatrice du patrimoine, spécialisée en archéologie. Avant d’arriver à Lattara, j’ai été directrice adjointe du parc archéologique européen de Bliesbruck-Reinheim, pendant 4 ans.

De quoi est fait le quotidien d’une directrice de musée?

Il faut se montrer très polyvalent pour piloter  la vie d’un musée, depuis l’accueil des visiteurs à la définition de la programmation culturelle (expositions futures), en passant par les audio guides et la médiation (accueil des enfants, visites guidées). Il y a aussi tout un volet d’administration et de gestion budgétaire, pour lequel ma formation à Sciences Po m’est précieuse.

Pour revenir sur la définition du programme, comment se décident les thèmes des prochaines expositions ?

Il y a différentes façons de procéder. Souvent, Les chercheurs (archéologues) nous soumettent des idées, ils souhaitent creuser (sans mauvais jeu de mots, NDLR) tel ou tel aspect scientifique, et si c’est en lien avec nos collections permanentes, on peut songer à monter une exposition ensemble. Personnellement j’aime bien cette méthode qui consiste à partir de l’expertise scientifique. Je suis donc à l’affût des opportunités ! À l’inverse, je peux avoir envie de mettre l’accent sur une thématique ou une civilisation spécifique en fonction de l’actualité de la recherche archéologique et là, c’est à moi de dénicher les partenaires éventuels.

L’archéologie, c’est donc très vivant !

Oui, tout y est sous-tendu par un réseau de relations professionnelles très intenses et des interactions entre d’une part les scientifiques et de l’autre le versant muséographique, c’est-à-dire la façon dont on va présenter les objets et les découvertes au public. Les deux sont complémentaires.

Est-ce que tu peux me parler du « déclic », de ce qui t’a donné envie de faire ce métier, en tous cas de travailler dans l’archéologie ?

Ah oui, je me rappelle de mon émotion, petite,  en voyant les peintures rupestres dans les grottes du Périgord, et aussi d’un voyage sur le site romain d’Ostie en Italie. En fait, j’ai pris conscience que je me trouvais face à des objets ou des représentations qui avaient traversé le temps, qui étaient arrivés jusqu’à nous. C’est un formidable moyen de mettre les choses en perspective : pour moi, le passé est vraiment un moyen de comprendre ce qui se passe aujourd’hui, et ce qui se passera demain.

Mais ce n’est pas difficile de partager une telle passion pour des objets qui sont si loin de nous dans le temps?

Non je ne trouve pas, au contraire. Souvent les visiteurs s’étonnent face à certains objets : « ah, ça existait déjà ? » Il y a des inventions très anciennes, notamment dans le domaine de l’ingénierie, et on n’a pas conscience que c’est aussi ancien. Les Égyptiens avaient déjà…des tests de grossesse, ils utilisaient des graines sur lesquelles il fallait uriner, et en fonction de la réaction chimique (germination ou absence de germination), on savait si l’on était enceinte ! Les chercheurs ont reproduit l’expérience, et c’est assez fiable ! C’est une leçon d’humilité de savoir qu’on n’est pas là par hasard…On s’inscrit dans une histoire longue. Après, c’est un véritable défi de présenter au public des objets aussi anciens, et la façon de procéder me passionne. C’est vraiment ce que je préfère : imaginer les meilleurs vecteurs de transmission.

L’archéologie, c’est vrai que ça peut être enthousiasmant : on a tous en tête des découvertes fabuleuses, des aventuriers…

Oui, il y a la figure d’Indiana Jones, qui a d’ailleurs contribué à rendre la discipline plus accessible, moins aride ! C’est vrai que c’est un métier romanesque, et puis il y a quand même une grande part de mystère. On interprète beaucoup, on ne sait pas tout, on cherche. C’est toute cette partie, aussi, qui me plaît.

Toi tu es du côté de la valorisation. Mais archéologue, ce n’est pas un peu ingrat ? Il n’y a pas que des chantiers passionnants…Creuser pendant des heures pour retrouver un morceau de squelette ou un tesson de bouteille…

C’est dur physiquement, c’est certain. Mais l’archéologue est aussi chercheur, et au-delà des fouilles, il met en relation le moindre tesson avec la grande histoire. Ses connaissances rendent le métier très riche.

Quels sont tes plus beaux souvenirs, en tant que professionnelle ?

J’adore quand les objets reviennent après avoir bénéficié d’une restauration. En particulier les objets en fer, tout corrodés. On ne voit rien et puis soudain, tout est révélé. Je me rappelle notamment une petite bague-clé romaine magnifique (les romains avaient un ingénieux système de clé montées sur des bagues pour ne pas les égarer, NDLR). De même, quand des enduits peints sont recollés, reconstruits, et que leurs couleurs sont ravivées, c’est magique.

Pour finir, as-tu des conseils pour nos visiteurs ? Quels sont tes sites archéologiques préférés ?

Alors, il y a évidemment Bliesbruck-Reinheim, à la frontière franco-allemande, un site celte et gallo-romain où j’ai travaillé. J’aime beaucoup Bibracte aussi, dans la Nièvre, un site de la Gaule celtique. Et à l’étranger, mon site préféré est sans conteste Pergame, en Turquie (une ancienne ville grecque). C’est magnifique !


Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com

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