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Emile Gallé par Victor Prouvé, 1892, Musée de l'Ecole de Nancy.
Le
13 January 2023,
"Nos racines sont au fond des bois, parmi les mousses, autour des sources". Cette phrase digne d'un poète ou d'un militant écologiste était en réalité la devise du maître verrier Emile Gallé, pionnier de l'Art Nouveau et chef de file de l'Ecole de Nancy, fondée en 1901.
Ce mouvement rassemble alors la fine fleur des artisans lorrains, désireux de défendre et de faire rayonner les industries locales – verrerie, ferronnerie, travail du bois, de l'acier – et d'offrir un accès aussi démocratique que possible à la beauté, via les arts décoratifs.
La ville, devenue capitale de l'est de la France - un refuge pour bon nombre d'Alsaciens-mosellans suite à l'annexion allemande de 1871 - se pare ainsi de décors sophistiqués, inspirés par les formes et les couleurs de la nature, source d'une créativité infinie. Grâce, entre autres à Emile Gallé, Louis Majorelle, Antonin Daum et Eugène Vallin, la ville lorraine gagne une place à part dans l'histoire de l'art, et sa renommée gagne le monde entier.
Dès sa plus tendre enfance, Gallé se passionne pour la botanique et compose des herbiers au gré de ses promenades dans la région. Il se dit « botaniste enragé » et s'intéresse à la tératologie (étude des anomalies génétiques), à la variabilité et à l'évolution des espèces.
En pionnier de la génétique appliquée, il produit des centaines de pages de notes, et c'est son intérêt pour la botanique qui le mène au dessin, sachant que sa haine des mathématiques l'a certainement empêché d'embrasser une carrière scientifique, malgré l'étendue de ses connaissances – bon nombre de ses intuitions seront confirmées par des travaux postérieurs.
Fin connaisseur de la flore et des insectes locaux, il en transpose la délicatesse dans le verre, fort de sa formation auprès des ouvriers et artisans expérimentés de Meisenthal. Son inspiration, il la puise dans la nature, mais aussi au gré de ses expérimentations personnelles dans le jardin de sa villa nancéienne, où il cultive plus de 3000 espèces de plantes et de fleurs : on peut parler d'une véritable obsession qui l'accompagnera toute sa vie, parallèlement à une activité frénétique de chef d'entreprise et d'artiste.
Pour mieux transcrire la finesse des fleurs, des tiges et des bourgeons dans la matière, il en vient à révolutionner les techniques traditionnelles, inventant par exemple la marquèterie de verre, « Quand je cueille une fleur, je cueille un modèle et une idée », écrit-il. La plasticité du verre, les effets de volume et de transparence lui permettent toutes les audaces, et une certaine fidélité à l'aspect changeant et multiple des éléments naturels.
La berce, le nénuphar, l'ombelle, le gingko, le chardon, les libellules et les papillons qui peuplent les vases de Gallé sont à la fois de sublimes témoignages de la biodiversité, une ode à la beauté de la nature et le souvenir d'un regard émerveillé, celui d'un homme qui fut à la fois poète, savant et artiste.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
szannad@messortiesculture.com
Ce mouvement rassemble alors la fine fleur des artisans lorrains, désireux de défendre et de faire rayonner les industries locales – verrerie, ferronnerie, travail du bois, de l'acier – et d'offrir un accès aussi démocratique que possible à la beauté, via les arts décoratifs.
La ville, devenue capitale de l'est de la France - un refuge pour bon nombre d'Alsaciens-mosellans suite à l'annexion allemande de 1871 - se pare ainsi de décors sophistiqués, inspirés par les formes et les couleurs de la nature, source d'une créativité infinie. Grâce, entre autres à Emile Gallé, Louis Majorelle, Antonin Daum et Eugène Vallin, la ville lorraine gagne une place à part dans l'histoire de l'art, et sa renommée gagne le monde entier.
Dès sa plus tendre enfance, Gallé se passionne pour la botanique et compose des herbiers au gré de ses promenades dans la région. Il se dit « botaniste enragé » et s'intéresse à la tératologie (étude des anomalies génétiques), à la variabilité et à l'évolution des espèces.
En pionnier de la génétique appliquée, il produit des centaines de pages de notes, et c'est son intérêt pour la botanique qui le mène au dessin, sachant que sa haine des mathématiques l'a certainement empêché d'embrasser une carrière scientifique, malgré l'étendue de ses connaissances – bon nombre de ses intuitions seront confirmées par des travaux postérieurs.
Fin connaisseur de la flore et des insectes locaux, il en transpose la délicatesse dans le verre, fort de sa formation auprès des ouvriers et artisans expérimentés de Meisenthal. Son inspiration, il la puise dans la nature, mais aussi au gré de ses expérimentations personnelles dans le jardin de sa villa nancéienne, où il cultive plus de 3000 espèces de plantes et de fleurs : on peut parler d'une véritable obsession qui l'accompagnera toute sa vie, parallèlement à une activité frénétique de chef d'entreprise et d'artiste.
Pour mieux transcrire la finesse des fleurs, des tiges et des bourgeons dans la matière, il en vient à révolutionner les techniques traditionnelles, inventant par exemple la marquèterie de verre, « Quand je cueille une fleur, je cueille un modèle et une idée », écrit-il. La plasticité du verre, les effets de volume et de transparence lui permettent toutes les audaces, et une certaine fidélité à l'aspect changeant et multiple des éléments naturels.
La berce, le nénuphar, l'ombelle, le gingko, le chardon, les libellules et les papillons qui peuplent les vases de Gallé sont à la fois de sublimes témoignages de la biodiversité, une ode à la beauté de la nature et le souvenir d'un regard émerveillé, celui d'un homme qui fut à la fois poète, savant et artiste.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
szannad@messortiesculture.com