Le
1 July 2022,
Il n'était pas commun, sous l'Ancien Régime, d'être femme, peintre, et célèbre. Elisabeth Vigée, de son nom de jeune fille, a su très tôt qu'elle voulait se consacrer à l'art de la peinture. Dans l'un de ses autoportraits, réalisé en 1790, elle est au sommet de sa carrière, même si elle a été contrainte de s'exiler – car trop proche de la famille royale. On la voit au travail, palette et pinceaux dans une main, tandis que l'autre applique une touche sur un portrait, celui de Marie-Antoinette, qui fut l'un de ses modèles de prédilection. A travers cette seule image, il est possible de saisir tout à la fois la personnalité d'Elisabeth Vigée-Le Brun, une part de son histoire, ses sujets favoris et l'essence de son style.
Le goût du bonheur
Vigée le Brun n'hésite pas à se montrer, à s'admirer, à se représenter comme elle était, c'est-à-dire une très belle femme aux traits fins et à l'allure avenante. Sur bien des autoportraits, elle nous regarde avec un léger sourire, bouche entrouverte, comme si elle s'apprêtait à converser ou qu'elle exprimait une surprise ravie de nous apercevoir. Il se dégage de ses autoportraits une grande confiance, une attitude d'ouverture insouciante et de tranquille assurance. C'est une femme moderne, libre et parfaitement consciente de son talent, qui se montre avec fierté.
La sensualité au bout du pinceau
Au XVIIIe siècle, Vigée le Brun compte parmi les artistes qui maîtrisent le mieux l'art du portrait. Si les siens sont si réussis, c'est parce qu'elle est capable de rendre la subtilité d'une carnation, le rose aux joues, le modelé d'un menton. Elle est capable de restituer une impression de vie, une vibration sensuelle à ses modèles. De la même façon, son art de peindre les textiles signe son goût de la mode, mais aussi sa grande sensibilité : la vue est stimulée, mais aussi le toucher. On voudrait froisser entre ses doigts la transparence de la collerette en dentelle, on croit percevoir la douceur des boucles de cheveux, caresser la grande étole de soie rouge.
L'ambition d'une professionnelle
Ici, la peintre se montre en plein travail. Dans la main gauche, elle tient une multitude de pinceaux, comme pour nous rappeler sa virtuosité et sa maîtrise technique. Elle veut nous rappeler qu'elle a peint les grands de ce monde, à Paris. C'est grâce à eux qu'elle gagnait (très bien) sa vie. Les événements de 1789 la contraignent à fuir, d'abord pour l'Italie, avec sa fille. Vigée Le Brun est attirée par le pouvoir et se plaît en compagnie des femmes puissantes, cultivées et raffinées de la haute-société de l'Ancien Régime. Parmi ses plus grandes inspirations, on compte Marie-Antoinette, dont elle fera plusieurs portraits, souvent en adoucissant ses traits, offrant à la postérité une image "retravaillée" de la Reine, qui témoigne de l'amitié qui liait les deux femmes, et du souci que Vigée Le Brun avait de plaire à sa commanditaire. Dans son livre de Souvenirs, elle la décrit : comme "une déesse au milieu de ses nymphes" et la trouve "éblouissante". La personnalité de la Reine lui fait forte impression, de même que son statut.
Quand elle peint cet autoportrait, elle éprouve déjà une grande nostalgie pour une époque qu'elle sait révolue. A Paris, avant son départ, elle commençait à faire l'objet de campagnes de diffamation et de pamphlets, en raison de sa proximité avec le pouvoir royal. Ce tableau est donc le symbole d'un moment particulier dans son histoire personnelle, qui rejoint l'histoire avec un grand H. Car dans quelques années, Marie-Antoinette sera décapitée. Sur la toile que Vigée Le Brun est en train de peindre, c'est justement la Reine qui apparaît – ou qui disparaît, car l'image est seulement suggérée. Dans un subtil jeu de miroirs, Vigée le Brun trompe le spectateur, qui s'attend ici à la voir en train de se représenter elle-même, dans un jeu de mise en abyme assez classique. Mais non, c'est son "double", la femme qu'elle admire le plus au mode et à qui elle doit tant, à laquelle elle s'identifie peut-être, qu'elle choisit de représenter. Tout un monde de luxe, d'apparat et de privilèges est en train de disparaître, en France. La peintre rend ici hommage à cet univers qui lui a donné tant de joies et de satisfactions professionnelles.
MesSortiesCulture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Le goût du bonheur
Vigée le Brun n'hésite pas à se montrer, à s'admirer, à se représenter comme elle était, c'est-à-dire une très belle femme aux traits fins et à l'allure avenante. Sur bien des autoportraits, elle nous regarde avec un léger sourire, bouche entrouverte, comme si elle s'apprêtait à converser ou qu'elle exprimait une surprise ravie de nous apercevoir. Il se dégage de ses autoportraits une grande confiance, une attitude d'ouverture insouciante et de tranquille assurance. C'est une femme moderne, libre et parfaitement consciente de son talent, qui se montre avec fierté.
La sensualité au bout du pinceau
Au XVIIIe siècle, Vigée le Brun compte parmi les artistes qui maîtrisent le mieux l'art du portrait. Si les siens sont si réussis, c'est parce qu'elle est capable de rendre la subtilité d'une carnation, le rose aux joues, le modelé d'un menton. Elle est capable de restituer une impression de vie, une vibration sensuelle à ses modèles. De la même façon, son art de peindre les textiles signe son goût de la mode, mais aussi sa grande sensibilité : la vue est stimulée, mais aussi le toucher. On voudrait froisser entre ses doigts la transparence de la collerette en dentelle, on croit percevoir la douceur des boucles de cheveux, caresser la grande étole de soie rouge.
L'ambition d'une professionnelle
Ici, la peintre se montre en plein travail. Dans la main gauche, elle tient une multitude de pinceaux, comme pour nous rappeler sa virtuosité et sa maîtrise technique. Elle veut nous rappeler qu'elle a peint les grands de ce monde, à Paris. C'est grâce à eux qu'elle gagnait (très bien) sa vie. Les événements de 1789 la contraignent à fuir, d'abord pour l'Italie, avec sa fille. Vigée Le Brun est attirée par le pouvoir et se plaît en compagnie des femmes puissantes, cultivées et raffinées de la haute-société de l'Ancien Régime. Parmi ses plus grandes inspirations, on compte Marie-Antoinette, dont elle fera plusieurs portraits, souvent en adoucissant ses traits, offrant à la postérité une image "retravaillée" de la Reine, qui témoigne de l'amitié qui liait les deux femmes, et du souci que Vigée Le Brun avait de plaire à sa commanditaire. Dans son livre de Souvenirs, elle la décrit : comme "une déesse au milieu de ses nymphes" et la trouve "éblouissante". La personnalité de la Reine lui fait forte impression, de même que son statut.
Quand elle peint cet autoportrait, elle éprouve déjà une grande nostalgie pour une époque qu'elle sait révolue. A Paris, avant son départ, elle commençait à faire l'objet de campagnes de diffamation et de pamphlets, en raison de sa proximité avec le pouvoir royal. Ce tableau est donc le symbole d'un moment particulier dans son histoire personnelle, qui rejoint l'histoire avec un grand H. Car dans quelques années, Marie-Antoinette sera décapitée. Sur la toile que Vigée Le Brun est en train de peindre, c'est justement la Reine qui apparaît – ou qui disparaît, car l'image est seulement suggérée. Dans un subtil jeu de miroirs, Vigée le Brun trompe le spectateur, qui s'attend ici à la voir en train de se représenter elle-même, dans un jeu de mise en abyme assez classique. Mais non, c'est son "double", la femme qu'elle admire le plus au mode et à qui elle doit tant, à laquelle elle s'identifie peut-être, qu'elle choisit de représenter. Tout un monde de luxe, d'apparat et de privilèges est en train de disparaître, en France. La peintre rend ici hommage à cet univers qui lui a donné tant de joies et de satisfactions professionnelles.
MesSortiesCulture / Sonia Zannad
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