Du lien entre les Antilles et le Prix de Rome
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Le Prix de Rome, expression qui date du 19e siècle, désigne couramment le "Concours des Académies Royales de l'Ancien Régime", puis, à partir de la Révolution française et de l'Empire, le "Concours et la bourse d'étude de l'Académie des Beaux-Arts" permettant aux jeunes artistes de se former en Italie. 
Les femmes peuvent concourir à partir de 1903. Le concours est momentanément interrompu durant les deux guerres mondiales. Il est supprimé en 1968 par André Malraux. Il est, depuis, remplacé par une sélection sur dossier et les Académies, réunies au sein de l’Institut de France, ont été supplantées par l’État et le ministère de la Culture.


Un tableau dans la tourmente d'un cyclone

En 1780, le prix est obtenu par le génevois Jean-Pierre Saint-Ours avec "L'Enlèvement des sabines". On retrouve ce tableau en 1889 au Musée Schoelcher de Pointe-à-Pitre, puis il disparaît lors du gigantesque cyclone de 1928. Aucune image n'est restée de ce tableau définitivement perdu.


Un tableau dans les méandres de l'Histoire

Guillaume Guillon Lethière est né à Sainte-Anne (Guadeloupe) en 1760. Il est l’enfant naturel d’une esclave affranchie, et de Pierre Guillon, procureur du roi en Guadeloupe. Ce dernier le reconnaît à Paris en 1799, ne pouvant le reconnaître en Guadeloupe à cause du Code noir. Il présente dès l’enfance des dispositions pour la peinture qui décident son père à l’emmener en France. Il obtient le second prix de Rome en 1784, dont le sujet est "La Cananéenne aux pieds de Jésus-Christ", et ensuite part pour Rome.

Son tableau "Le Serment des Ancêtres" symbolise la rencontre historique entre le chef des mulâtres de Saint-Domingue, Alexandre Pétion, et le général noir Jean-Jacques Dessalines, lieutenant de Toussaint Louverture. Les deux officiers scellent, en novembre 1802, une alliance pour chasser les troupes françaises. Ce "serment" solennel qui doit permettre l’indépendance d’Haïti à brève échéance intervient peu après le soulèvement général des Noirs de la colonie à l’annonce du rétablissement de l’esclavage décidé à Paris par Napoléon Bonaparte.

Ce tableau est le seul de sa carrière où Guillon-Lethière, premier homme de couleur à s’imposer dans le monde de la peinture occidentale, évoque ses origines, et manifeste sa solidarité avec la jeune république noire d’Haïti, alors non encore reconnue en France. Ce tableau connaît une curieuse destinée. Il est offert à Haïti : transporté clandestinement, il arrive à Port-au-Prince en mars 1823.

Disparu depuis la fin du 19e siècle, il est retrouvé dans la cathédrale de la capitale haïtienne en 1991, puis restauré à Paris par le Louvre, avant de rentrer à Haïti en 1998 : Il est d’abord présenté en 1998 au musée du Louvre, puis à l’Unesco, avant d’être exposé au Fort Delgrès en Guadeloupe. Ensuite, le tableau rejoint la République d’Haïti. Il est déposé au Palais National. 

Suite au tremblement de terre de 2010, à la suite duquel le Palais National a dû être démoli, "Le Serment des Ancêtres", retrouvé par les pompiers français dans les ruines du palais présidentiel de la capitale haïtienne, a de nouveau été restauré au Louvre et rendu à Haïti. 


Pour ceux qui veulent en savoir plus, La correspondance de Guillaume Guillon Lethière

Un bon roman de Dominique Bona La manuscrit de Port-Ebène et qui se passe lors de la guerre d'indépendance de Haïti

Pour en savoir plus sur la guerre d'indépendance de Haïti Le petit roman de Haïti de Marc Menant

Un peu de théâtre La tragédie du roi Christophe de Aimé Césaire


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