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Ministère de la Culture
Le
13 April 2018,
La scène se déroule un soir, à la fin
du mois de mars, à Paris. Je rentre chez moi, il fait nuit, je passe par le Pont au
Change, et remarque une anomalie sur la façade de la Conciergerie. Ou plutôt un
étrange échafaudage de bois qui vient enjamber le quai de l’Horloge pour
s’engouffrer à l’intérieur de la Conciergerie. Des travaux ? Cela me
semble improbable, la construction est trop biscornue. Je passe, j’oublie.
Le lendemain, je mène l’enquête et découvre que dans quelques jours, sera inaugurée une installation de l’artiste Stéphane Tidet:
« L’eau puisée dans le lit du fleuve au niveau du pont au Change passera au-dessus du quai de l’Horloge, entrera dans le monument par ses cuisines historiques pour surgir en cascade dans la majestueuse salle des Gens d’armes de la Conciergerie. Là, le chemin d’eau serpentera parmi les colonnes gothiques avant de s’élever et de refranchir la façade du monument par la grande baie centrale située entre les tours jumelles, César et Argent, en jaillissant en cascade pour se déverser dans le saut-de-loup, le fossé extérieur de la Conciergerie. La structure acheminant l’eau sera composée d’éléments en bois brut évoquant l’esthétique des premières montagnes russes. »
Alors, début avril, je suis allée voir l’installation en entier : non seulement la partie « immergée » en-dehors de la Conciergerie, mais aussi toute la parie qui y est abritée. L’installation toute en bois clair dialogue subtilement avec la pierre. L’eau qui s’écoule se reflète sur les colonnes et sur les plafonds, qu’elle vient subtilement habiller de zébrures mouvantes. Les visiteurs/voyageurs suivent le flux selon un même mouvement, depuis l’entrée dans le bâtiment jusqu’à la sortie de l’eau sous forme de cascade. Ils se remémorent la crue de 1910 : dans les colonnes, le niveau que l’eau avait atteint a été marqué par un trait. Cette intrusion-ci est plus douce, la Seine a été invitée, alors que dans le cas des inondations, elle s’est imposée sans crier gare. La déambulation à laquelle nous invite cette installation est aussi l’occasion de s’interroger sur notre rapport à la géographie parisienne, à ses rives, à ce fleuve qui a traversé les siècles. L’eau s’écoule paisiblement à certains endroits, et se déverse avec fracas à d’autres. Elément mouvant par excellence, elle semble nous rappeler sa force souveraine, sa capacité à transformer les paysages, à charrier les hommes, les idées, les marchandises.
Ici, il n’y a rien à voir, ou si peu. Plutôt à ressentir, à écouter, à réfléchir, à suivre le cours (de l’eau) et de ses pensées. La nudité de la grande salle des gens d’Armes n’est pas perturbée par l’installation, qui vient s’y intégrer très naturellement, tout comme la Seine semble trouver sa place naturellement dans le paysage urbain. Finalement, ce détournement du fleuve est aussi un détournement du regard, une transformation de nos trajectoires.
Je me suis arrêtée, j’ai été intriguée : n’est-ce pas là la métaphore parfaite du rôle de l’art dans nos vies ?
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
Le lendemain, je mène l’enquête et découvre que dans quelques jours, sera inaugurée une installation de l’artiste Stéphane Tidet:
« L’eau puisée dans le lit du fleuve au niveau du pont au Change passera au-dessus du quai de l’Horloge, entrera dans le monument par ses cuisines historiques pour surgir en cascade dans la majestueuse salle des Gens d’armes de la Conciergerie. Là, le chemin d’eau serpentera parmi les colonnes gothiques avant de s’élever et de refranchir la façade du monument par la grande baie centrale située entre les tours jumelles, César et Argent, en jaillissant en cascade pour se déverser dans le saut-de-loup, le fossé extérieur de la Conciergerie. La structure acheminant l’eau sera composée d’éléments en bois brut évoquant l’esthétique des premières montagnes russes. »
Alors, début avril, je suis allée voir l’installation en entier : non seulement la partie « immergée » en-dehors de la Conciergerie, mais aussi toute la parie qui y est abritée. L’installation toute en bois clair dialogue subtilement avec la pierre. L’eau qui s’écoule se reflète sur les colonnes et sur les plafonds, qu’elle vient subtilement habiller de zébrures mouvantes. Les visiteurs/voyageurs suivent le flux selon un même mouvement, depuis l’entrée dans le bâtiment jusqu’à la sortie de l’eau sous forme de cascade. Ils se remémorent la crue de 1910 : dans les colonnes, le niveau que l’eau avait atteint a été marqué par un trait. Cette intrusion-ci est plus douce, la Seine a été invitée, alors que dans le cas des inondations, elle s’est imposée sans crier gare. La déambulation à laquelle nous invite cette installation est aussi l’occasion de s’interroger sur notre rapport à la géographie parisienne, à ses rives, à ce fleuve qui a traversé les siècles. L’eau s’écoule paisiblement à certains endroits, et se déverse avec fracas à d’autres. Elément mouvant par excellence, elle semble nous rappeler sa force souveraine, sa capacité à transformer les paysages, à charrier les hommes, les idées, les marchandises.
Ici, il n’y a rien à voir, ou si peu. Plutôt à ressentir, à écouter, à réfléchir, à suivre le cours (de l’eau) et de ses pensées. La nudité de la grande salle des gens d’Armes n’est pas perturbée par l’installation, qui vient s’y intégrer très naturellement, tout comme la Seine semble trouver sa place naturellement dans le paysage urbain. Finalement, ce détournement du fleuve est aussi un détournement du regard, une transformation de nos trajectoires.
Je me suis arrêtée, j’ai été intriguée : n’est-ce pas là la métaphore parfaite du rôle de l’art dans nos vies ?
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com