Cyanotypie et Ptéridomanie
Credits image :
La cyanotypie est un des plus anciens procédés de l’histoire de la photographie. Les résultats sont facilement reconnaissables à leur couleur bleu cyan intense. Cette technique a été largement utilisée par les artistes et les photographes, mais aussi par les ingénieurs, comme moyen de créer des copies abordables de dessins techniques. D'ailleurs, le terme anglais actuel "blueprint" désigne, en dessin technique, une reproduction d'un plan détaillé.

La culture, la collection et la taxonomie des fougères, c’est-à-dire la ptéridomanie, sont des passe-temps très répandus dans la société victorienne britannique au milieu du 19e siècle. La mode n’est pas en reste, qui impose le motif des fougères sur de nombreux objets domestiques : poterie, mobilier, verrerie, tissus. Cette fascination pour les fougères et d’autres formes de vie végétale coïncide avec les débuts de la photographie. Les botanistes anglais sont parmi les premiers savants à adopter la photographie qui, dès ses débuts, promet la reproduction rigoureuse, rapide et à peu de frais d'éléments botaniques.

Caractérisé par son ton bleu distinctif, la cyanotypie est devenue le processus photographique préféré du grand public à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Il se prête volontiers aux portraits et aux paysages, il est simple à utiliser, les produits utilisés ne sont pas toxiques et la mise en œuvre ne nécessite pas de matériel onéreux. Il permet aux familles et aux amis de documenter simplement leur vie quotidienne et leurs voyages. Des artistes l’utilisent également comme outil pour développer des épreuves avant de produire une œuvre finale.

Mais les artistes et les critiques le rejettent comme support définitif. Tout d’abord sa couleur bleue, très spécifique, n’est pas au goût des amateurs des 19e et 20e siècles. De plus, la cyanotypie se fait à la main et s’accommode mal d’une production et d’une diffusion industrielle.


Botaniste et photographe, Anna Atkins (1799-1871) est une pionnière dans l’histoire de la photographie, de la cyanotypie et dans celle de l’édition illustrée. Doublement privilégiée par ses origines sociales et familiales, elle est l’enfant unique d’un éminent chimiste, minéralogiste et zoologue, qui lui prodigue une solide éducation scientifique, chose rare pour les femmes de son époque, avant de l’introduire dans le milieu scientifique de son temps.

Dessinatrice talentueuse, elle illustre en 1823 la traduction anglaise d’un livre du naturaliste français Jean-Baptiste Lamarck.
Elle est aussi une botaniste amateur et, au milieu des années 1830, elle commence à constituer un herbier de référence (herbier enrichi pendant trente ans, dont elle fera don au British Museum). En 1839, elle est élue membre de la Botanical Society de Londres.

Elle est aussi une aquarelliste et une lithographe accomplie. Son premier ouvrage illustré de photographies, publié en 1853, lui apporte la célébrité. Chaque exemplaire de son recueil comporte plus de 400 planches. Pour son ouvrage, elle adopte l’invention de la cyanotypie. Le bleu attrayant convient parfaitement aux plantes et fleurs de mer. Son imposant ouvrage achevé, elle se tourne vers les plumes et divers sujets botaniques.


Frederick Coulson (1869-1931) est le fils du jardinier de Stephen Salisbury III, homme d'affaires, avocat et homme politique américain. Ce dernier est le fondateur du Worcester Art Museum qui se trouve dans la ville de Worcester, état du Massachusetts.

S'emparant de la cyanotypie, Frederick Coulson produit, au cours de sa vie, une œuvre de haute qualité s'appuyant sur les éléments traditionnels de composition de la peinture occidentale, englobant des portraits posés, des natures mortes soigneusement disposées et des décors intérieurs. Ses portraits de famille et d'amis révèlent, de façon subtile, la façon dont, peu à peu, au tournant du siècle, la classe ouvrière rompt avec la tradition et commence à forger son indépendance.

Son œuvre se trouve essentiellement au Worcester Art Museum.


Avec l'essor de la photographie numérique dans les années 1990, des artistes reviennent à la cyanotypie, comme par exemple Christian Marclay.

Christian Marclay (1955-) est un musicien, compositeur et artiste plasticien suisse. Musique et son, performance, installation, film, photographie... Il est compositeur et artiste visuel. Depuis ses débuts son œuvre opère une jonction entre arts sonores et arts visuels, n’hésitant pas à redonner vie aux vieux cyanotypes des années 1840. 


Tableaux affichés :  
1 - Polypodium crenatum, Norvège, Anna Atkins, 1854, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
2 - Janet Jackson and Soul Asylum II, Christian Marclay, 2008, collection particulière
3 - Domaine de Stephen Salisbury III à Worcester, Massachusetts, Frederick K. Coulson, 1895, Worcester Art Museum
4 - La sœur de Coulson fumant une cigarette, Frédéric K. Coulson, 1895. Worcester Art Museum 


Pour s'exercer à l'art de la cyanotypie, le livre La magie du cyanotype de Carasco, est d'une grande aide. Avec poésie et douceur, Carasco nous initie à la cyanotypie, procédé alternatif de photographie qui transforme les végétaux en de magnifiques tableaux bleu de Prusse.


Vous aussi, publiez vos propres articles
sur TartinesDeCulture !
Je m'inscris