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Portrait de Dido Elizabeth Belle Lindsay (1761-1804) et de sa cousine Lady Elizabeth Murray (1760-1825). Original situé au Palais de Scone, Perthshire, Ecosse.
Le
21 June 2016,
Regardez bien ce tableau. Il a été peint vers 1778 et a longtemps été attribué à Johan Zoffany, un peintre allemand très en vogue auprès de la noblesse et la grande bourgeoisie anglaise pour ses « pièces de conversation », ces fameux portraits de groupe, représentant souvent une famille ou un cercle d'amis.
On y voit deux jeunes femmes, une noire et une blanche, mais le tableau a été longtemps connu sous le titre de « Lady Elizabeth Murray », du nom de la jeune femme blanche, nièce du 1er comte de Mansfield, William Murray.
En le regardant de plus près, on constate que la femme noire, bien que sa tenue soit plus exotique, rivalise en luxe avec la blanche, arborant une riche robe de soie et, assorti à ses boucles d’oreille, un magnifique collier de perles. Des perles deux fois plus grosses que celles du collier d’Elizabeth Murray. Son attitude respire la confiance. Son regard, souriant et espiègle à la fois, est tourné vers le peintre. Ce qui, au même titre que Lady Elizabeth Murray, la met au centre du tableau. Par ailleurs, la main que pose Lady Elizabeth Murray sur le bras de la jeune noire, témoigne autant de leur affection mutuelle que de leur proximité. De subtiles différences apparaissent cependant entre les deux femmes : le turban et la corbeille de fruits portés par la jeune noire contrastent avec la guirlande de roses et le livre d'Elizabeth ; et le calme de celle-ci contraste avec la vivacité et l'animation de l’autre, comme arrêtée en pleine course. Ces différences n'indiquent d'ailleurs pas tant une différence de statut qu'une différence de caractère. Enfin, le doigt pointé par la noire vers sa joue peut vouloir montrer aussi bien sa différence de couleur de peau que son sourire et ses fossettes.
Je reviendrais, dans un autre post, sur les oeuvres mettant en scène des noirs auprès d’aristocrates et de grands bourgeois. C’est un sous genre du portrait, qui bien que relativement méconnu, a été très en vogue aux 17ème et 18ème siècle. Mais à bien des égards, la scène de notre tableau est un cas unique dans la peinture britannique du XVIIIe siècle. Il n’existe aucun autre exemple d’oeuvre mettant pratiquement à égalité une aristocrate de la meilleure société anglaise et une noire.
Mais qui est cette jeune noire? Et pourquoi bénéficie t-elle, sur le portrait d’une aristocrate de la haute société, de ce traitement pictural que l’on peut sans peine qualifié d’extraordinaire? Comment, dans une société qui s’est enrichie en grande partie par l’esclavage peut-elle mettre à égalité deux femmes dont l'une est blanche et l'autre est noire?
Le lieu a ici son importance. Si vous faites attention au décor, vous verrez, derrière les deux jeunes filles, dans le lointain, en bas à gauche, la cathédrale de Saint Paul. Elles se trouvent dans le magnifique parc de Kenwood House qui prolonge la propriété de l’oncle de Lady Elizabeth Murray. Le tableau y était d’ailleurs conservé, avant d’être transféré, au Palais de Scone en Ecosse, la patrie d'origine de William Murray. Mais fort heureusement il y a encore une copie du tableau à Kenwood House rappelant que c’est en ce lieu que c’est passé l’une des plus étonnantes aventures d’une noire du 18ème siècle..
Car l’histoire de cette jeune femme noire, que l’on commence tout juste à découvrir, se mêle intimement à l’Histoire de la Grande Bretagne et sa vie est un roman qui mérite d’être raconté.
La suite, la semaine prochaine
On y voit deux jeunes femmes, une noire et une blanche, mais le tableau a été longtemps connu sous le titre de « Lady Elizabeth Murray », du nom de la jeune femme blanche, nièce du 1er comte de Mansfield, William Murray.
En le regardant de plus près, on constate que la femme noire, bien que sa tenue soit plus exotique, rivalise en luxe avec la blanche, arborant une riche robe de soie et, assorti à ses boucles d’oreille, un magnifique collier de perles. Des perles deux fois plus grosses que celles du collier d’Elizabeth Murray. Son attitude respire la confiance. Son regard, souriant et espiègle à la fois, est tourné vers le peintre. Ce qui, au même titre que Lady Elizabeth Murray, la met au centre du tableau. Par ailleurs, la main que pose Lady Elizabeth Murray sur le bras de la jeune noire, témoigne autant de leur affection mutuelle que de leur proximité. De subtiles différences apparaissent cependant entre les deux femmes : le turban et la corbeille de fruits portés par la jeune noire contrastent avec la guirlande de roses et le livre d'Elizabeth ; et le calme de celle-ci contraste avec la vivacité et l'animation de l’autre, comme arrêtée en pleine course. Ces différences n'indiquent d'ailleurs pas tant une différence de statut qu'une différence de caractère. Enfin, le doigt pointé par la noire vers sa joue peut vouloir montrer aussi bien sa différence de couleur de peau que son sourire et ses fossettes.
Je reviendrais, dans un autre post, sur les oeuvres mettant en scène des noirs auprès d’aristocrates et de grands bourgeois. C’est un sous genre du portrait, qui bien que relativement méconnu, a été très en vogue aux 17ème et 18ème siècle. Mais à bien des égards, la scène de notre tableau est un cas unique dans la peinture britannique du XVIIIe siècle. Il n’existe aucun autre exemple d’oeuvre mettant pratiquement à égalité une aristocrate de la meilleure société anglaise et une noire.
Mais qui est cette jeune noire? Et pourquoi bénéficie t-elle, sur le portrait d’une aristocrate de la haute société, de ce traitement pictural que l’on peut sans peine qualifié d’extraordinaire? Comment, dans une société qui s’est enrichie en grande partie par l’esclavage peut-elle mettre à égalité deux femmes dont l'une est blanche et l'autre est noire?
Le lieu a ici son importance. Si vous faites attention au décor, vous verrez, derrière les deux jeunes filles, dans le lointain, en bas à gauche, la cathédrale de Saint Paul. Elles se trouvent dans le magnifique parc de Kenwood House qui prolonge la propriété de l’oncle de Lady Elizabeth Murray. Le tableau y était d’ailleurs conservé, avant d’être transféré, au Palais de Scone en Ecosse, la patrie d'origine de William Murray. Mais fort heureusement il y a encore une copie du tableau à Kenwood House rappelant que c’est en ce lieu que c’est passé l’une des plus étonnantes aventures d’une noire du 18ème siècle..
Car l’histoire de cette jeune femme noire, que l’on commence tout juste à découvrir, se mêle intimement à l’Histoire de la Grande Bretagne et sa vie est un roman qui mérite d’être raconté.
La suite, la semaine prochaine