Beata Beatrix, une déclaration d'amour posthume
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Le préraphaélisme est un mouvement artistique né en Angleterre en 1848, nostalgique des maîtres italiens du XVᵉ siècle, prédécesseurs de Raphaël – d'où leur nom. A l'ère victorienne, trois artistes romantiques décident donc de lancer leur propre courant esthétique, inspiré par les mythes antiques et les poètes médiévaux. Les trois plus connus de cette confrérie se nomment Dante Gabriel Rossetti, William Holman Hunt et John Everett Millais.  

Celui qui nous intéresse aujourd'hui, c'est Dante Gabriel Rossetti. Né au sein d'une famille créative, il développe très tôt le goût du dessin et de la peinture, et s'entraîne notamment en dessinant ses sœurs. Dans "Beata Beatrix", l'un de ses chefs-d'œuvre, le peintre fait un parallèle entre Béatrice, la figure adorée par Dante Alighieri (1265-1321), auteur de la Divine Comédie (Rossetti aime tellement le poète qu'il s'est attribué son prénom) et sa femme, Elisabeth Siddall, morte en 1862 d'une overdose de laudanum, une drogue à base de pavot très addictive et assez répandue à l'époque. 

Ce portrait présente Elisabeth assimilée à la Béatrice de Dante, dans une forme de sublimation de l'amour que lui porte le peintre anglais. Il s'agit véritablement d'une déclaration posthume à celle qui était à la fois sa femme et sa muse. Il lui attribue une expression extatique, aussi proche de la béatitude spirituelle que de la jouissance sensuelle – ses lèvres ourlées et sa bouche entrouverte sont quelque peu équivoques. Nimbée de lumière dorée, elle entre dans une autre dimension. Quant à la colombe rouge passion qui lui apporte une fleur de pavot (référence au laudanum) dans son bec, c'est aussi un clin d'œil au surnom que Rossetti donnait à Elisabeth : ma colombe.  A l'arrière-plan, on aperçoit Dante lui-même, avec une allégorie de l'amour (en rouge) et aussi un cadran solaire qui indique l'heure de la mort de Béatrice (9h).On aperçoit encore, loin au fond, le Ponte Vecchio de Florence, autre évocation du grand poète de la Renaissance et de ses amours tragiques. Plein de symboles, ce tableau qui est à la fois une ode à l'être aimé et un manifeste artistique qui reprend tous les codes du préraphaélisme dans un feu d'artifice romantique permet à Rossetti de s'identifier directement à Dante Alighieri – rien que ça - et dans le même mouvement de reprendre le flambeau du poète médiéval qui avait fait de son amour disparu une véritable divinité, une sorte d'amour absolu et transcendant : Beata Beatrix.


Mes Sorties Culture / Sonia Zannad

szannad@messortiesculture.com 
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