Barbara, femme aux cheveux flottants...
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Tout au long de sa vie, Jacques Prévert s'est lié d'amitié avec de nombreux photographes. Cette connivence a inspiré de nombreuses œuvres d’art à mi-chemin entre l'écriture et la photographie : des collages. Son ami Picasso lui aurait dit, en les découvrant: "Tu ne sais pas peindre, mais pourtant tu es peintre.". Son matériel de prédilection, utilisé pour réaliser ses collages, sont les œuvres de ses amis photographes, qu’il associe à des images glanées au fil de ses promenades, ou trouvées dans des magazines.

L’un des premiers collages de Prévert, "Portrait de Janine", probablement réalisé en 1943 sur une photographie de Pierre Boucher, est dédié à sa femme. C’est un portrait de sa femme en train de danser, qu’il a entouré d’un cadre de feuilles et fleurs découpées dans de grandes planches botaniques.

Pierre Boucher (1908-2000 ) est l’un de ses amis photographe, et Prévert a utilisé plusieurs de ses photos. C'est un photographe qui a beaucoup contribué à donner à la photographie sa place au sein de l’art moderne. Il a réalisé plusieurs magnifiques photographies de Janine Prévert, toutes emplies de mouvement et de lumière.

Il contribue à faire entrer la photographie dans la modernité, comme matériau artistique à part entière, toutes les techniques étant bonnes à explorer. On lui doit ainsi des nus surréalistes inspirés par Man Ray, des photogrammes, des photocollages, des solarisations et des surimpressions.

Votre rédacteur ne se lasse pas de ce "portrait de femme aux cheveux dans le vent", datant de 1939. Cette femme ne sait pas l’avenir sombre, la chape de plomb, la pluie de fer, de feu, d'acier et de sang qui vont s’abattre sur l’Europe. Elle pourrait être Barbara, celle de Prévert.

Le poème Barbara, paru en 1946, est un texte qui se réfère aux 165 bombardements de la ville de Brest entre Juin 1940 et Septembre 1944. La destruction complète de la ville lui inspire une réflexion pessimiste sur l’amour et la vie.

Barbara, oui j’aime bien l’appeler Barbara, ne se doute pas que le photographe l’a gravée sur sa pellicule, souriante, épanouie, ravie, et que le poète va l’immortaliser, ruisselante, sous la pluie, marchant dans une ville pas encore bombardée. Mais pourquoi Barbara ? Mais parce qu’ un homme sous un porche, qui s'abritait, a crié son nom... Barbara.

Ne peut-on pas imaginer que le photographe a retrouvé son modèle, et que la paix et l’amour triompheront toujours ? Votre rédacteur préfère garder son rêve intact…

Voici le magnifique poème "Barbara" :  

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Et avec la voix chaude de Serge Reggiani


Je ne peux que vous conseiller des "collages" à la Prévert, cet été, dans La Maison Jacques Prévert. Beaucoup de musées possèdent des photographies de Pierre Boucher. Comme par exemple le Centre Pompidou qui en possède beaucoup.

La ville de Brest organise des visites autour de la mémoire, de la ville d’avant-guerre à la celle qui a subi la guerre. N'hésitez pas à suivre les pas de Barbara !


Quant à celle que j’appelle Barbara et que j’aime tant, elle est visible au Musée d’art moderne de Saint-Etienne.


Le poème "Barbara" est dans le recueil Paroles de Jacques Prévert.
Il est aussi possible de l'écouter dans sa voiture ou un casque sur les oreilles



Comme cet homme, à Brest, abritez-vous sous un porche et appelez-la doucement... Barbara... Je vous souhaite une bonne rencontre !
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