Mort de Badinguet alias Boustrapa
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1815. Chute de l’Empire, tous les Bonaparte doivent quitter la France. Y compris Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier. Sa mère choisit la Suisse puis l’Italie.
Louis-Napoléon grandit dans la mémoire de l’Empire. Le sens de la dynastie Napoléonienne lui est inculquée. D’ailleurs, il se plonge très vite en politique, à commencer par l’Italie, pas encore réunifiée, où les partisans de l’Unité Italienne trament moults complots auxquels il participe. Suite à des décès successifs, si la couronne impériale était rétablie, Louis-Napoléon Bonaparte en serait l’héritier.

Ce qu’il ne manque pas de rappeler, tentant par deux fois, en 1836 puis en 1840, de prendre le pouvoir par la force. En 1836, le roi Louis-Philippe lui évite la prison à la condition d’un exil. Fermement emmené à Lorient, embarqué, il rejoint les États-Unis... où il ne reste pas longtemps. En 1837, muni d’un faux passeport, il rejoint sa mère mourante en Suisse. Et de nouveau, en 1840, tentative de coup d’état.

Cette fois, Louis-Philippe est moins clément et Louis-Napoléon Bonaparte est condamné à l'emprisonnement à perpétuité à la forteresse de Ham, vieux château fort situé à l'extrême sud-est de la Picardie. Oh, une prison bien mieux que celle de son cher oncle à Sainte-Hélène : une chambre et un bureau doté d'une bibliothèque, un valet, une cuisinière, une servante. Il est libre de lire, étudier, recevoir des visites... Las ! Il se morfond dans sa geôle dorée. Il n'a qu'une idée en tête : s'évader, ce qu’il fait le 25 mai 1846.

Profitant de travaux dans la forteresse, avec l’aide de complicités, Louis-Napoléon se fait la malle ! Pour cela, il rase barbe et moustache, se poudre les joues de rouge pour avoir l’air plus "peuple" et se coiffe d'une perruque. Il enfile les vêtements d’un ouvrier : pantalon usé, blouse, casquette, sabots. Il descend dans la cour, et, parmi le va-et-vient des maçons, parvient à franchir les portes de la prison. Il part se réfugier à Londres...

On connaît la suite : après la chute de Louis-Philippe en 1848, il est élu président de la IIe République, puis son coup d'État de 1851 le couronne empereur sous le nom de Napoléon III.

Selon certains, l’ouvrier à qui sont empruntés les vêtements se nomme Badinguet... "Badinguet" est un surnom satirique donné à l'empereur Napoléon III, son épouse, l'impératrice Eugénie, étant surnommée "Badinguette". Ce surnom (document du Musée Carnavalet) est référencé dans plusieurs œuvres d’auteurs classiques (Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Émile Zola).

Mais ce n’est pas le seul surnom dont Napoléon III est affublé. Il y a aussi, autre exemple, "Boustrapa", mot formé des premières syllabes de "BOUlogne", "STRAsbourg" et "PAris". Strasbourg est la ville du coup d’état de 1836 et Boulogne-sur-Mer celui de 1840, enfin Paris est celui de 1851.

 La presse satirique (document du Musée Carnavalet) s’en donne à cœur joie avec Napoléon III, et même un peintre comme James Tissot s'y met (document de la National Gallery de Londres) ! Et ce jusqu’à sa mort (document du Musée Carnavalet)... Le 9 Janvier 2023, cela fait 150 ans que Napoléon III n'est plus de ce monde. 

La forteresse de Ham a eu d’autres prisonniers très célèbres, comme le marquis de Sade, Mirabeau ou le Général Hoche. Et Napoléon III ne manque pas d'y enfermer ceux qui le gênent. En 1917, elle est dynamitée par les Allemands, ne laissant que des ruines dominant le cours du canal de la Somme...

Quelques propositions de visites :

En Suisse, il est possible de visiter le Château Arenenberg où la famille Bonaparte a trouvé refuge.

En France, ne manquez pas le Château de Compiègne, villégiature de Napoléon III et de sa famille, où de nombreuses visites guidées vous attendent.

Ne manquez pas non plus La Maison de la dernière cartouche. Il s'agit d'une ancienne auberge de Bazeilles où s'est passé un des hauts faits de la guerre de 1870, immortalisé par le tableau "Les dernières cartouches", œuvre la plus célèbre du peintre Alphonse de Neuville.

De plus de nombreuses manifestations vous sont proposées en lien avec l'anniversaire des 150 ans de la mort de Napoléon III.

Pour ceux qui veulent en savoir plus : 

Lisez la biographie de Thierry Lentz, spécialiste de l’Empire, Napoléon III - La modernité inachevée. Un portrait renouvelé de celui qui fut à la fois le premier président de la République et le dernier monarque à avoir régné sur la France. Victime de sa légende noire, Napoléon III a longtemps été le plus méconnu et le plus mal-aimé de nos souverains.

Dans L'Été en enfer - Napoléon III dans la débâcle, l’action se passe en Août 1870. Nicolas Chaudun, au travers d’un roman, raconte… L'armée impériale est pulvérisée, le trône renversé, le territoire envahi. L'effondrement instantané du Second Empire abasourdit l'Europe entière ; il inaugure pour la France un siècle de déclin.

Dans les kiosques, ne passez pas à côté du numéro de Figaro Hors-Série, spécial Napoléon III. Belle revue illustrée, et dont la lecture est aisée.

Et comme tout finit en chanson, en voici une de 1870 :
"Bon voyage, vieux Badinguet,
Porte aux Prussiens ta vieille Badinguette !
Bon voyage, vieux Badinguet,
Ton p’tit bâtard ne régnera jamais." 


Ah sacré Badinguet !

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