Avec Ioan Sbârciu, la peinture néo-romantique s'expose dans la galerie-showroom Dognin
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Né en 1948, Ioan Sbârciu a passé son enfance dans les forêts de Transylvanie avant d’entrer à l’Université d’art et de design de Cluj-Napoca en tant qu’étudiant, puis professeur, recteur et aujourd’hui Président. Ses œuvres ont été largement exposées en Roumanie et à l’étranger, et sont présentes dans un certain nombre de collections privées et publiques. L'œuvre de Ioan Sbârciu est largement imprégnée de l’atmosphère des forêts de la Transylvanie. Dans un monde rationalisé à l’extrême, ce peintre néo-romantique tente de réinstaurer le mystère à travers une peinture dense et expressionniste. Semifiguratives, semi-abstraites, ses toiles de format large font entrer le spectateur dans une nouvelle dimension. D'un pinceau enfiévré et virtuose, il fait surgir des couleurs et vibrer la lumière.   Certaines de ses œuvres seront exposées à la galerie-showroom Dognin  les 9 et 10 décembre : vous pourrez y découvrir un sac de la nouvelle collection de cette marque de maroquinerie de luxe, entièrement réalisé à la main, sur lequel Ioan Sbârciu a peint une oeuvre. Sur ce modèle, inspiré par les croisées d’ogives de l’architecture gothique, alliant un désir de légèreté avec des lignes structurées. Pour l'occasion, nous l'avons interviewé : découvrez cet artiste proche de la nature et inspirant!


MSC : Votre peinture ne semble pas trancher entre la colère et l'optimisme. Quel est votre état émotionnel quand vous travaillez sur une toile? 


I.S : Généralement, je suis un optimiste, mais tout dépend de mon état au moment de la création. J’essaie d’être le plus sincère, je ne suis pas égal dans mes oeuvres, dans mes états et d’ailleurs je ne voudrais pas l’être. Tout dépend de ce qui se passe dans ma vie. Mes création reflètent ce que je vis, que ça soit des évènements sociaux ou personnels. Je pense que dans mes peintures vous trouverez plus de révolte que de colère. Et de l’optimisme… Mais le résultat final de mes oeuvres est un problème beaucoup plus complexe, car il doit correspondre à mon état au moment où j’ai décidé que l’oeuvre est terminée. Il y a une confrontation permanente, une lutte continue entre les deux. Et, comme je l’ai déjà dit, je suis un grand optimiste, mais j’ai en permanence à vaincre mes pensées, les idées noires qui peuvent se mettre de travers à mon optimisme… je dois lutter pour trouver l’équilibre.

Pourquoi ce thème de la forêt?


Enfant, je passais mes vacances à la montagne. J’ai créé ainsi une forte liaison avec la forêt et, vers la cinquantaine, j’ai commencé à avoir la nostalgie de mon enfance, des lieux où j’ai grandi. J’ai toujours été attiré par les montagnes de Rodna, alors j’ai décidé d’y retourner. J’ai été choqué par ce que j’ai trouvé là: la forêt détruite, vandalisée, brulée et coupée… une image qui m’a troublé et qui a créé une forte réaction dans mes oeuvres. J’ai grandi dans ces montagnes. Je connaissais très bien la forêt. Ce paysage-là, qui était vraiment extraordinaire, a marqué non seulement mon enfance, mais ma vie de façon plus générale et a fait que j’aie une liaison particulière avec la forêt. Mes oeuvres de la série La forêt de cendre, surtout les abstraites, transmettent les états vécus par l’enfant et re-vécus par le peintre Ioan Sbârciu. J’aimerais pouvoir exprimer à travers mes peintures tout ce que j’ai cumulé dans ma mémoire et dans mon expérience le long des années en rapport avec le paysage transylvain…  c’est extrêmement complexe, peut-être idyllique aussi dans un certain sens, car j’ai la nostalgie de ce temps-là, plus naturel et plus primitif et de ce style de vie au milieu de la nature, en symbiose avec la nature. Ces oeuvres contiennent également un puissant message social, un acte de révolte, de rébellion contre la destruction de ce naturel.

Je vois vos peintures comme des poésies : on peut y lire certains indices, mais chacun semble invité à en composer librement le sens. Cela correspond-il à votre démarche?


J’aime cette question. Tout d’abord, j’aime tout autant la poésie que la philosophie. Elles m’ont toujours plu et je suis content que vous ayez saisi cela. Comme je l’ai déjà dit, pour moi la peinture est la poésie des couleurs. En tant que professeur, j’ai toujours enseigné les théories de la couleur et de la composition. Cependant, dans ma création, je pars de la réalité et je travaille à un cycle d’oeuvres jusqu’à ce qu’elles arrivent à correspondre à une idée. Je pars du figuratif et j’arrive à l’abstrait. Je veux que mes peintures soient remplies de poésie, de geste et à la fin qu’elles restent fraîches.

On vous définit comme un artiste néo-romantique. Quelle serait votre définition du romantisme?


Pour moi le romantisme est, peut-être, le mieux illustré par Saint Augustin: « Aime et fais ce que tu veux! » Dans son essence, le romantisme est une instigation à oser, à changer, à être libre. Le romantisme contient du poésis et, bien que je me le suis pas proposé, le fait que de plus en plus de spécialistes soutiennent cela en parlant de moi ne me dérange pas, au contraire, je suis content d’être considéré comme un romantique tardif. Et je le sens que c’est ainsi, car j’aime l’amour sincère, vraie, les manières. Dans la gestuelle je ne suis pas préoccupé à être formel, au sens romantique, mais dans la vie, oui.  

 Vous avez vous-même formé de nombreux artistes. mais quels sont ceux qui vous inspirent aujourd'hui?
 

J’ai formé beaucoup d’artistes qui sont devenus avec le temps des noms consacrés. Je ne sais pas dans quelle mesure ils ont pris quelque chose de ma façon de peindre, et, en aucun cas, cela n’a pas été l’intention. J’ai essayé de faire en sorte qu’ils soient les plus personnels possibles, qu’on retrouve dans le même groupe des artistes peignant de manières complètement différentes. En ce qui me concerne, j’aime la peinture de l’antiquité, de la Renaissance, un classique comme Léonard, bien que je ne peins pas comme lui. Je suis attiré par l’art populaire et l’art ancien du monde entier, même si cela ne se voit pas dans mes créations. Les artistes qui m’inspirent ne le font pas à cause des formules stylistiques, mais grâce à leur vision du monde et des choses. J’aime aussi de nombreux artistes contemporains (les néo-expressionnistes allemands par exemple), mais ils ne m’inspirent pas et je ne les apprécie pas de la façon dont j’apprécie les classiques. Je suis attiré par les artistes qui travaillent beaucoup la couleur, mais aussi par ceux qui pensent la peinture, transmettent une idée ou un concept.  

 Avez-vous le sentiment que la jeune génération d'artistes roumains est une génération engagée?
 

Nombreux artistes actuels ont été mes élèves et mes étudiants. Certains se sont remarqué particulièrement sur le plan international. Je pourrais donner beaucoup de noms là, des artistes appartenant à des générations différentes, comme: Victor Man, Mihai Pop, Andrei Câmpan, Aurelian Piroşcă, Adrian Ghenie, Cristian Rusu, Bencze Laszlo, Luminiţa Dejeu, Kudor-Duka Istvan, Ioana Olăhuţ, Marius Bercea, Mircea Suciu, Şerban Savu, Oana Fărcaş, Anca Bodea, Marcel Rusu, Lucian Popăilă, Alexandra Şerban, Alexandra Mureşan, Maria Sicoie, Anca Badea, Betuker Istvan, Pavel Grosu, Andrei Ciurdărescu, Cristian Lăpuşan, etc.  Tous ceux que j’ai mentionnés, en grande majorité étudiants après les années 90, ont été extrêmement actifs sur la scène artistique roumaine et internationale, engagés dans leur travail et leur création, ancrés dans la thématique de la peinture d’aujourd’hui.

Propos recueillis par Sonia Zannad / Mes sorties culture
                    

Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com

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