Arles ou l'art de la dérision
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Pour les retardataires, ou ceux qui aiment partir en week-end quand tout le monde a repris le chemin du travail – ou de l’école – les Rencontres photographiques s’étirent jusqu’au 25 septembre. Certaines expositions sont fermées, mais il en reste d’innombrables à explorer ; le soleil continue de briller, et les visiteurs se font plus clairsemés, ce qui laisse le loisir de flâner et d’approcher les œuvres en toute tranquillité.  

 Le monde entier semble se donner rendez-vous aux Rencontres : des photographes de tous horizons, de toutes les époques, de tous les âges envahissent les murs de l’Archevêché ou de la chapelle Sainte Trophime, ainsi que les multiples espaces des ateliers SNCF. Du Mali de Malick Sidibé à l’Amérique de Gary Winogrand, en passant par la France de Hara Kiri, c’est à une véritable fête de la photo qu’Arles nous convie.  

Dans un climat particulièrement marquée par la violence et l’inquiétude, les Rencontres offrent un regard salvateur sur le monde et l’humanité, un regard empreint de dérision, d’empathie et de poésie, comme le suggère justement l’étrange affiche (signée du malicieux collectif Toiletpaper). Morceaux choisis.

 Hara Kiri, provoc à tous les étages  

De ce magazine ultra potache des années 70, caractérisé par son mauvais goût chronique, on aurait pu penser qu’il ne resterait quelques souvenirs de rigolades bon enfant. Que nenni ! On s’aperçoit ici que la politique photo du magazine était pointue et avant-gardiste – même si souvent de mauvais goût, mais ça, c’était l’esprit Hara Kiri. Les fiches du professeur Choron, par exemple, sont de vrais chef d’œuvres de performance artistique absurde, et sur chaque image, le plaisir de défier la bienséance reste vif et jubilatoire, à la fois parce qu’on voit que les protagonistes se sont amusés, et parce que nous avons besoin – plus que jamais ? - de fous du roi. Grâce aux images rassemblées au cœur d’une même exposition, la cohérence graphique et créative du journal saute aux yeux.

Les sublimes imperfections au palais de l’Archevêché

Eric Kessels a rassemblé pour cette exposition des artistes qui considèrent l’erreur comme une aubaine, une occasion d’embrasser le hasard et de s’appuyer sur l’imperfection pour créer du bizarre, du beau, en tous cas pour intriguer. Joachim Smid, Matt Stuart ou Kent Rogowski mettent ainsi en valeur le négatif inutilisable, l’illusion d’optique, l’appareil photo défectueux, ou les chimères nées d’objets qui n’auraient pas du se rencontrer. Autant d’hommages au surréalisme et de bulles de modestie et de fraîcheur, loin des expositions parfois intimidantes dans lesquelles il faut mille et une références pour approcher le sens.

L’empathie de Sébastien Lifshitz
 

« J’ai toujours été intéressé par les discours de la marge, ceux qui s’écrivent sur les bords de l’Histoire, loin de tout pouvoir moral, politique ou social, loin de toute norme du regard. C’est pour cette raison que je collectionne depuis de nombreuses années les photographies amateur : elles inventent une autre perspective sur la société. » C’est ainsi que s’exprime Sébastien Lifshitz, artiste contemporain, qui a rassemblé à Arles une fabuleuse collection de photos (plus de 500) récoltées sur les brocantes, sur ebay, sur leboncoin, au fil d’une longue quête. Leur point commun? Toutes mettent en scènes des travestis, de 1880 à 1980. Des personnes qui dans l’intimité et le temps d'une séance photo, s’amusent à changer de genre ; bien que parfois, le jeu semble vital et l'enjeu de taille. Et, toujours, il s’agit d’un acte rebelle, libre, dont le résultat souvent étrange ne peut que nous intriguer et nous interpeller. Qu’est-ce qu’une image? L’image d’une femme? D’un homme? Comment regardons-nous les femmes et les hommes? Comment les représentons-nous ? Quel est notre propre rapport au genre et aux vêtements, aux accessoires? En bref, un voyage passionnant au cœur de la complexité humaine.    

Sonia Zannad / Mes sorties culture
              
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com

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