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Explications dans l'article
Le
4 March 2025,
Située dans l’état du Victoria, en Australie, la région des Goldfields porte bien
son nom, puisque qu’en 1851, on y découvre de
l’or. La ruée vers le métal jaune, de 1851 à la fin des années 1860, métamorphose
complètement la région. Des milliers d’aventuriers ou miséreux sont attirés par
la facilité de la prospection, la poussière d'or jonchant parfois le sol et les
grosses pépites étant courantes.
De l’autre côté du monde, en Angleterre et en Irlande, les inégalités sociales créées par le modèle industriel, les crises économiques et la famine, notamment celle de 1845-1849 en Irlande, la croissance démographique, contribuent à l’afflux de chercheurs d’or vers l’Australie. Entre 1851 et 1860, on estime que plus de 500,000 anglais viennent en Australie.
Thomas Woolner, sculpteur anglais, est de ceux-là. Né en 1825, formé à la sculpture artistique, il entre en 1842 à la Royal Academy Schools. Un événement détermine le cours de sa carrière en 1847 lorsqu'il rencontre son nouveau voisin d'atelier, Dante Gabriel Rossetti. Tous deux, entre autres, forment en 1848 la confrérie préraphaélite, composante majeure de l'art britannique.
Sa difficulté à obtenir un gros contrat, ainsi que son modeste succès critique et financier, le persuadent de tenter la prospection d'or en Australie avec deux de ses amis. Il part en 1852. Mais dès 1853, face à ses échecs pour trouver de l’or, il abandonne la prospection et retourne à Melbourne pour sculpter, y réalisant de nombreux médaillons-portraits. Mais il ne parvient pas à obtenir une commande importante pour réaliser ses ambitions et retourne donc en Angleterre en 1854... s'y établissant rapidement à la fois comme sculpteur et poète.
"Adieu à l’Angleterre", peinture de 1855 de Ford Madox Brown, représente une scène familière dans les années 1850 : deux émigrants, à bord d'un navire bondé. Leur proximité et leurs mains serrées les identifient comme un couple, mais ils regardent tous les deux fixement devant eux, chacun enfermé dans ses propres réflexions silencieuses. Le pont derrière eux est rempli d’autres émigrants, certains étant ivres. Les choux verts accrochés aux balustrades en corde font allusion au long voyage à venir, et au manque de produits frais sur les bateaux. La palette de couleurs principalement sombre, l'aspect froid de la mer et du ciel, et les expressions tristes des personnages principaux parlent d’une histoire triste de déracinement. Contrairement à Thomas Woolner, rentré (sans or) en Angleterre en 1854, beaucoup de ces émigrants ne revoient jamais leur patrie.
Brown commence cette toile en 1852, inspiré par le départ de son ami proche, le sculpteur... Thomas Woolner. Brown lui-même, découragé par son manque de succès professionnel à Londres, envisage de déménager en Inde. Les deux personnages principaux sont l’artiste et sa femme. L'enfant blond en arrière-plan, derrière l'épaule de l'homme, représente leur fille. Cette peinture fait partie de ses œuvres les plus célèbres.
D’autres peintres de l’époque abordent le thème de l’émigration, et du dernier regard à son pays bien-aimé, comme Richard Redgrave, en 1858, dans son tableau "L’adieu de l’émigrant regardant une dernière fois son pays". Cependant, sa représentation d’une famille quittant un petit village anglais, ses collines verdoyantes, pour commencer un long voyage, est beaucoup plus optimiste. Le ciel clair, le paysage vert vif et le geste théâtral du père agitant son chapeau en guise de dernier geste d’adieu, presque de victoire, créent un sentiment d’espoir largement absent du tableau de Brown.
Ces deux tableaux sont toutefois un rappel poignant du voyage effectué par des millions de personnes au cours du 19e siècle. C'est une évocation visuelle de l'espoir et du désespoir que ces émigrants ont dû ressentir lorsqu'ils ont quitté leurs maisons et leurs familles à la recherche d'une vie meilleure.
Loin d’être un phénomène nouveau, les migrations ont façonné notre humanité. Elles font partie de notre passé, notre présent et notre avenir, sans oublier l’ensemble du vivant. Un vaste sujet à explorer dans cette nouvelle exposition "Migrations, une odyssée humaine" visible au Musée de l'Homme, à Paris, jusqu’au 8 Juin 2025.
Les collections et les expositions du Musée de l’Immigration, à Paris, proposent une approche ample, chronologique (de 1685 à nos jours), géographique (la France dans le monde) et thématique des migrations (démographie, économie, vie quotidienne, art, racisme etc).
Les deux tableaux cités sont :
1 – Adieu à l’Angleterre, 1855, par Ford Madox Brown (1821–1893), Birmingham Museum and Art Gallery, England
2 – L’adieu de l’émigrant regardant une dernière fois son pays, 1858, par Richard Redgrave (1804–1888), Tate, England
A lire dans le bus, entre deux musées :
L’œuvre de Patrick Chamoiseau, et en particulier son roman Les Frères migrants, est ancrée dans un contexte social riche. Il raconte l’histoire de deux frères quittant leur île, mettant en lumière les difficultés auxquelles sont confrontés les migrants, tout en soulignant leur résilience et leur capacité à trouver de l’espoir.
Ouvrage récompensé, la BD Là où vont nos pères du dessinateur australien Shaun Tan, explore les raisons poussant tant d'hommes et de femmes à tout laisser derrière eux pour partir, seuls, vers un pays mystérieux, où tout est inconnu et l'avenir incertain. Cette BD silencieuse est un hommage à ceux qui ont fait le voyage...
Un douanier sillonne la Méditerranée, pour intercepter les bateaux chargés d'émigrés clandestins. La rencontre avec une survivante bouleverse sa vie. Ce roman Eldorado, de Laurent Gaudé, aborde le thème de l'exil et de l'espoir de ceux qui iront jusqu’au bout de leurs rêves.
Et regarder dans son canapé :
The Immigrant est un film réalisé par James Gray, avec Marion Cotillard et Joaquin Phoenix, sorti en 2013. À travers le destin tragique de la polonaise Ewa, dans les années 1920, le cinéaste montre l’envers de l’émigration aux Etats-Unis, et rend un hommage émouvant à ses grands-parents, d’origine ukrainienne, entrés en Amérique par la porte de Ellis Island.
Brighton Beach, surnommé "Little Odessa", quartier de la ville de New York, est connu pour sa population issue de l’immigration russophone (principalement de Russie et d'Ukraine). Ce petit laïus pour finir en chanson avec "Brooklyn by the sea", chanson tristounette de Mort Shuman, lui-même fils de parents émigrés de Pologne aux Etats-Unis.
Bonne visite !
De l’autre côté du monde, en Angleterre et en Irlande, les inégalités sociales créées par le modèle industriel, les crises économiques et la famine, notamment celle de 1845-1849 en Irlande, la croissance démographique, contribuent à l’afflux de chercheurs d’or vers l’Australie. Entre 1851 et 1860, on estime que plus de 500,000 anglais viennent en Australie.
Thomas Woolner, sculpteur anglais, est de ceux-là. Né en 1825, formé à la sculpture artistique, il entre en 1842 à la Royal Academy Schools. Un événement détermine le cours de sa carrière en 1847 lorsqu'il rencontre son nouveau voisin d'atelier, Dante Gabriel Rossetti. Tous deux, entre autres, forment en 1848 la confrérie préraphaélite, composante majeure de l'art britannique.
Sa difficulté à obtenir un gros contrat, ainsi que son modeste succès critique et financier, le persuadent de tenter la prospection d'or en Australie avec deux de ses amis. Il part en 1852. Mais dès 1853, face à ses échecs pour trouver de l’or, il abandonne la prospection et retourne à Melbourne pour sculpter, y réalisant de nombreux médaillons-portraits. Mais il ne parvient pas à obtenir une commande importante pour réaliser ses ambitions et retourne donc en Angleterre en 1854... s'y établissant rapidement à la fois comme sculpteur et poète.
"Adieu à l’Angleterre", peinture de 1855 de Ford Madox Brown, représente une scène familière dans les années 1850 : deux émigrants, à bord d'un navire bondé. Leur proximité et leurs mains serrées les identifient comme un couple, mais ils regardent tous les deux fixement devant eux, chacun enfermé dans ses propres réflexions silencieuses. Le pont derrière eux est rempli d’autres émigrants, certains étant ivres. Les choux verts accrochés aux balustrades en corde font allusion au long voyage à venir, et au manque de produits frais sur les bateaux. La palette de couleurs principalement sombre, l'aspect froid de la mer et du ciel, et les expressions tristes des personnages principaux parlent d’une histoire triste de déracinement. Contrairement à Thomas Woolner, rentré (sans or) en Angleterre en 1854, beaucoup de ces émigrants ne revoient jamais leur patrie.
Brown commence cette toile en 1852, inspiré par le départ de son ami proche, le sculpteur... Thomas Woolner. Brown lui-même, découragé par son manque de succès professionnel à Londres, envisage de déménager en Inde. Les deux personnages principaux sont l’artiste et sa femme. L'enfant blond en arrière-plan, derrière l'épaule de l'homme, représente leur fille. Cette peinture fait partie de ses œuvres les plus célèbres.
D’autres peintres de l’époque abordent le thème de l’émigration, et du dernier regard à son pays bien-aimé, comme Richard Redgrave, en 1858, dans son tableau "L’adieu de l’émigrant regardant une dernière fois son pays". Cependant, sa représentation d’une famille quittant un petit village anglais, ses collines verdoyantes, pour commencer un long voyage, est beaucoup plus optimiste. Le ciel clair, le paysage vert vif et le geste théâtral du père agitant son chapeau en guise de dernier geste d’adieu, presque de victoire, créent un sentiment d’espoir largement absent du tableau de Brown.
Ces deux tableaux sont toutefois un rappel poignant du voyage effectué par des millions de personnes au cours du 19e siècle. C'est une évocation visuelle de l'espoir et du désespoir que ces émigrants ont dû ressentir lorsqu'ils ont quitté leurs maisons et leurs familles à la recherche d'une vie meilleure.
Loin d’être un phénomène nouveau, les migrations ont façonné notre humanité. Elles font partie de notre passé, notre présent et notre avenir, sans oublier l’ensemble du vivant. Un vaste sujet à explorer dans cette nouvelle exposition "Migrations, une odyssée humaine" visible au Musée de l'Homme, à Paris, jusqu’au 8 Juin 2025.
Les collections et les expositions du Musée de l’Immigration, à Paris, proposent une approche ample, chronologique (de 1685 à nos jours), géographique (la France dans le monde) et thématique des migrations (démographie, économie, vie quotidienne, art, racisme etc).
Les deux tableaux cités sont :
1 – Adieu à l’Angleterre, 1855, par Ford Madox Brown (1821–1893), Birmingham Museum and Art Gallery, England
2 – L’adieu de l’émigrant regardant une dernière fois son pays, 1858, par Richard Redgrave (1804–1888), Tate, England
A lire dans le bus, entre deux musées :
L’œuvre de Patrick Chamoiseau, et en particulier son roman Les Frères migrants, est ancrée dans un contexte social riche. Il raconte l’histoire de deux frères quittant leur île, mettant en lumière les difficultés auxquelles sont confrontés les migrants, tout en soulignant leur résilience et leur capacité à trouver de l’espoir.
Ouvrage récompensé, la BD Là où vont nos pères du dessinateur australien Shaun Tan, explore les raisons poussant tant d'hommes et de femmes à tout laisser derrière eux pour partir, seuls, vers un pays mystérieux, où tout est inconnu et l'avenir incertain. Cette BD silencieuse est un hommage à ceux qui ont fait le voyage...
Un douanier sillonne la Méditerranée, pour intercepter les bateaux chargés d'émigrés clandestins. La rencontre avec une survivante bouleverse sa vie. Ce roman Eldorado, de Laurent Gaudé, aborde le thème de l'exil et de l'espoir de ceux qui iront jusqu’au bout de leurs rêves.
Et regarder dans son canapé :
The Immigrant est un film réalisé par James Gray, avec Marion Cotillard et Joaquin Phoenix, sorti en 2013. À travers le destin tragique de la polonaise Ewa, dans les années 1920, le cinéaste montre l’envers de l’émigration aux Etats-Unis, et rend un hommage émouvant à ses grands-parents, d’origine ukrainienne, entrés en Amérique par la porte de Ellis Island.
Brighton Beach, surnommé "Little Odessa", quartier de la ville de New York, est connu pour sa population issue de l’immigration russophone (principalement de Russie et d'Ukraine). Ce petit laïus pour finir en chanson avec "Brooklyn by the sea", chanson tristounette de Mort Shuman, lui-même fils de parents émigrés de Pologne aux Etats-Unis.
Bonne visite !