Le
5 May 2023,
Elève du grand peintre néoclassique Jacques-Louis David, Anne-Louis Girodet préfigure dans ses œuvres le courant romantique. Érudit, passionné de littérature mais aussi musicien, tous les arts semblent nourrir son inspiration. Parmi les écrivains qu'il admire, il y a François-René de Châteaubriand, le célèbre auteur des Mémoires d'outre-tombe. Il réalise d'ailleurs une toile au sujet littéraire, Atala au tombeau, inspiré par le roman Atala.
C'est donc tout naturellement que l'écrivain lui commande un portait en 1808, aujourd'hui conservé au musée d'Histoire de Saint-Malo, d'où l'écrivain était originaire et où il repose – on dit que c'est le seul artiste pour lequel il ait accepté de poser.
Agé de 40 ans, Châteaubriand y apparaît dans une tenue moderne, la mine sombre et les cheveux ébouriffés, accoudé sur un muret envahi par le lierre, sur fond de paysage romain. On distingue nettement le Colisée à l'arrière-plan. Cette allusion à l'Antiquité n'a rien d'anodin : elle est, d'abord, une évocation des ruines, de la vanité de toute chose, de la manière dont les empires se font et se défont, et de la primauté de la nature. Les atmosphères antiques sont alors très à la mode et le deviendront encore plus avec l'avènement du romantisme.
Mais le choix du décor revêt également un sens politique : Châteaubriand s'en est pris récemment à Bonaparte dans le Mercure de France, très grand journal dont il est le rédacteur en chef, en le comparant à l'empereur Néron, chose que Napoléon a très mal prise. C'est pourquoi ce portrait est exposé au Salon de 1810 mais placé "dans un coin", discrètement, et intitulé sobrement," Homme méditant sur les ruines de Rome", sans allusion aucune à Châteaubriand. Pourtant, l'empereur finira par voir l'œuvre mais balaiera la provocation d'un laconique "Il a l'air d'un conspirateur qui descend par la cheminée”.
Si ce portrait préfigure le romantisme, c'est par la façon doont Girodet s'attache à retranscrire les émotions et l'âme tourmentée de Châteaubriand : les yeux fiévreux, les veines saillantes sur les mains, mais aussi le regard tourné vers le lointain, comme pour chercher l'inspiration au-delà de la ligne d'horizon. Autre élément remarquable, les cheveux ébouriffés, un signe distinctif tout à fait inhabituel pour un portrait officiel. Le vent souffle, les éléments se déchaînent et affectent l'écrivain, agitent son esprit. Châteaubriand, avec ce portrait, reste pour la postérité ce personnage mystérieux, ténébreux, mélancolique, dont la pensée vivante continue de toucher les lectrices et les lecteurs d'aujourd'hui, par-delà les aléas politiques et les querelles stylistiques de son époque.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
Ecrivez à la rédaction : szannad@messortiesculture.com
C'est donc tout naturellement que l'écrivain lui commande un portait en 1808, aujourd'hui conservé au musée d'Histoire de Saint-Malo, d'où l'écrivain était originaire et où il repose – on dit que c'est le seul artiste pour lequel il ait accepté de poser.
Agé de 40 ans, Châteaubriand y apparaît dans une tenue moderne, la mine sombre et les cheveux ébouriffés, accoudé sur un muret envahi par le lierre, sur fond de paysage romain. On distingue nettement le Colisée à l'arrière-plan. Cette allusion à l'Antiquité n'a rien d'anodin : elle est, d'abord, une évocation des ruines, de la vanité de toute chose, de la manière dont les empires se font et se défont, et de la primauté de la nature. Les atmosphères antiques sont alors très à la mode et le deviendront encore plus avec l'avènement du romantisme.
Mais le choix du décor revêt également un sens politique : Châteaubriand s'en est pris récemment à Bonaparte dans le Mercure de France, très grand journal dont il est le rédacteur en chef, en le comparant à l'empereur Néron, chose que Napoléon a très mal prise. C'est pourquoi ce portrait est exposé au Salon de 1810 mais placé "dans un coin", discrètement, et intitulé sobrement," Homme méditant sur les ruines de Rome", sans allusion aucune à Châteaubriand. Pourtant, l'empereur finira par voir l'œuvre mais balaiera la provocation d'un laconique "Il a l'air d'un conspirateur qui descend par la cheminée”.
Si ce portrait préfigure le romantisme, c'est par la façon doont Girodet s'attache à retranscrire les émotions et l'âme tourmentée de Châteaubriand : les yeux fiévreux, les veines saillantes sur les mains, mais aussi le regard tourné vers le lointain, comme pour chercher l'inspiration au-delà de la ligne d'horizon. Autre élément remarquable, les cheveux ébouriffés, un signe distinctif tout à fait inhabituel pour un portrait officiel. Le vent souffle, les éléments se déchaînent et affectent l'écrivain, agitent son esprit. Châteaubriand, avec ce portrait, reste pour la postérité ce personnage mystérieux, ténébreux, mélancolique, dont la pensée vivante continue de toucher les lectrices et les lecteurs d'aujourd'hui, par-delà les aléas politiques et les querelles stylistiques de son époque.
Mes Sorties Culture / Sonia Zannad
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